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L’irradiation industrielle au service d’un monde meilleur

Michael Madsen

À l’avenir, la majeure partie de la croissance du marché traditionnel de l’irradiation gamma sera probablement transférée vers les accélérateurs. — Paul Wynne, Président et Directeur général de l’Association internationale d’irradiation

 

 

 

Le terme « rayonnement » suscite parfois de la crainte, mais les rayonnements jouent depuis plus d’un siècle un rôle invisible, bénéfique et bien souvent déterminant dans l’industrie et en matière de sécurité sanitaire des aliments. Qu’elles soient utilisées pour stériliser les appareils médicaux, décontaminer les produits frais ou renforcer les polymères industriels, les techniques d’irradiation font partie intégrante du monde moderne.

Pour mieux comprendre l’importance que revêtent les techniques d’irradiation industrielle et comment elles ont évolué, nous nous sommes entretenus avec Paul Wynne, Président et Directeur général de l’Association internationale d’irradiation (Aii).

L’Aii est une organisation à but non lucratif regroupant des entreprises, des établissements de recherche, des universités et des organismes publics du monde entier. Elle soutient le secteur de l’irradiation et la communauté scientifique qui s’y rattache à l’échelle mondiale.

Question : Dans quel domaine l’irradiation industrielle faisant appel aux accélérateurs a-t-elle eu la plus forte incidence et comment voyez-vous l’avenir de cette technologie ?

Réponse : Les accélérateurs sont utilisés depuis une soixantaine d’années dans le secteur industriel pour améliorer les propriétés des polymères. Une de leurs applications principales est le traitement des isolants pour câbles afin d’améliorer leur résistance aux températures élevées, ce qui renforce la protection contre les incendies et rend le matériel plus durable. Il existe de nombreuses autres applications impliquant la modification de divers produits chimiques au moyen de faisceaux d’électrons, telles que la fabrication de composites bois-plastique pour plancher ou de mousses pour l’industrie automobile. Nombre de ces applications sont brevetées et utilisées dans des usines.

L’introduction des accélérateurs de forte puissance a élargi la gamme des produits pouvant être traités. Cette technologie vient ainsi concurrencer les irradiateurs gamma au radio-isotope cobalt 60. Cela a notamment rendu possibles la stérilisation des appareils et emballages médicaux et des substances entrant dans la composition des médicaments et des cosmétiques, ainsi que le contrôle microbiologique des aliments. Pour l’heure, l’irradiation gamma reste toutefois la technique la plus répandue pour toutes ces applications.

Question : Observe-t-on un passage des techniques d’irradiation utilisant des sources radioactives aux technologies faisant appel à des accélérateurs ?

Réponse : Il y a en effet un facteur qui favorise une telle évolution : il s’agit de l’accroissement des besoins de stérilisation des appareils médicaux, stimulé par la hausse rapide de la demande de ces dispositifs. L’irradiation est la méthode privilégiée pour la stérilisation d’un peu moins de la moitié du volume total des appareils qui doivent être traités, et 80 % des appareils irradiés sont stérilisés au moyen de rayonnements gamma. Dernièrement, en raison de diverses circonstances, dont certaines pourraient n’être que temporaires, l’offre de cobalt 60 a été incapable de suivre l’augmentation de la demande. En général, le choix de la méthode importe peu aux fabricants d’appareils médicaux : ceux-ci souhaitent seulement pouvoir stériliser leurs produits adéquatement.

La stérilisation par irradiation gamma au cobalt 60 présente deux grands avantages : la simplicité et la fiabilité. Les accélérateurs ont aussi des atouts : ils n’ont besoin que d’électricité pour fonctionner et l’émission des rayonnements ionisants peut être interrompue à tout moment. Ce sont les forces du marché qui détermineront laquelle de ces technologies prédominera à l’avenir, mais pour l’instant, il est essentiel qu’elles restent toutes disponibles pour que la demande de stérilisation puisse être satisfaite.

Il importe de souligner que tout ce qui peut être traité par des accélérateurs d’électrons peut également être traité par irradiation gamma, mais que l’inverse n’est pas vrai. Une cible de métal peut toutefois être introduite dans certains accélérateurs pour convertir le faisceau d’électrons en rayons X, dont les propriétés sont semblables à celles des rayons gamma.

Question : La demande d’applications industrielles faisant appel à des accélérateurs augmente, en particulier dans les pays en développement. Quels sont les défis à relever pour rendre ces technologies plus accessibles ?

Réponse : À l’avenir, la majeure partie de la croissance du marché traditionnel de l’irradiation gamma sera probablement transférée vers les accélérateurs. Le nombre de fournisseurs d’accélérateurs dépasse celui des fournisseurs de cobalt 60, mais les fournisseurs de machines de haute énergie et de forte puissance ne sont pas plus d’une douzaine et les fabricants d’accélérateurs capables de produire des rayons X sont encore moins nombreux. La production de systèmes utilisant des rayons X reste limitée, mais, partant d’un faible niveau, elle connaît une croissance rapide.

De nombreux pays en développement n’ont pas encore vraiment adopté les accélérateurs à large échelle, essentiellement en raison des investissements élevés que ces machines requièrent, de leur complexité par rapport aux irradiateurs gamma et de l’absence d’un approvisionnement abondant et stable en électricité. Les ressources humaines, les contraintes financières et les prescriptions en matière de sûreté constituent divers obstacles qui devraient toutefois pouvoir être surmontés plus aisément que les problèmes qui concernent les infrastructures et la taille du marché. Pour l’instant tout du moins, les technologies faisant appel aux accélérateurs ne semblent pas être une solution adaptée pour tous les pays en développement.

Question : L’Aii et l’AIEA collaborent dans le cadre de diverses initiatives, telles que des conférences internationales et des ateliers pour jeunes chercheurs. Comment ces initiatives favorisent-elles une plus large utilisation des technologies faisant appel aux accélérateurs ?

Réponse : Les objectifs de l’Aii sont alignés sur certains des objectifs que poursuit l’AIEA. L’Aii a pour mission de promouvoir l’utilisation sûre et bénéfique des technologies des rayonnements en suivant une approche technologiquement neutre. Alors que les partenaires de l’AIEA sont des gouvernements et leurs organismes, l’Aii représente principalement le marché de l’irradiation industrielle. L’Aii collabore avec l’AIEA dans le cadre d’un nombre croissant d’initiatives.

Question : Quelles sont les évolutions dans le secteur de l’irradiation industrielle faisant appel aux accélérateurs qui vous semblent les plus prometteuses ? Pourraient-elles révolutionner l’industrie ?

Réponse : Les techniques d’irradiation linéaire faisant appel aux électrons ou aux rayons X de faible énergie constituent une nouvelle approche très prometteuse. Grâce à l’intégration d’accélérateurs ou de lampes émettrices miniatures, cette innovation pourrait rendre les technologies des rayonnements accessibles aux fabricants dans de nombreux secteurs. Les rayons de faible énergie ayant un pouvoir de pénétration dans la matière restreint, leurs applications possibles sont limitées, mais les émetteurs de ce type de rayonnements ont l’avantage d’être compacts et de pouvoir être intégrés dans des chaînes de fabrication. Parmi les premières applications de cette technique, on compte la stérilisation des seringues avant leur utilisation par l’industrie pharmaceutique, ainsi que la stérilisation à grande vitesse des produits sur les lignes de conditionnement aseptiques, utilisées dans la production de lait et de boissons non alcoolisées.

Pour vous donner un exemple, une entreprise suisse a conçu une machine servant à la décontamination des aliments de la taille d’une grande armoire. De tels dispositifs sont également utilisés dans la lutte contre les ravageurs, lors du recours à la technique de l’insecte stérile, technique largement promue par l’AIEA, et dans la recherche en radiobiologie. Davantage d’efforts doivent être déployés pour élargir l’éventail des applications possibles de ces technologies, en particulier en recourant à des dispositifs compacts produisant des rayons X de faible énergie, mais il ne fait aucun doute que ces technologies pourraient révolutionner le secteur de l’industrie.

05/2022
Vol. 63-2

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