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Simplifier la lutte contre les ravageurs qui touchent les aliments grâce à l’irradiation

Joanne Liou

L’irradiation permet aux produits alimentaires, comme les fraises, de supporter de longs voyages tout en restant frais. (Photo : R. Mithare/Unsplash)

Des épices, des graines, des fruits et des légumes qui voyagent depuis des contrées lointaines jusqu’à votre épicerie locale ? Cela est moins anodin qu’il n’y paraît. Une petite dose de rayonnements permet aux produits alimentaires de rester frais pendant tout le voyage sans propager d’organismes invasifs.

En partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’AIEA contribue aux progrès dans les domaines de l’irradiation alimentaire et phytosanitaire, afin d’aider à simplifier le processus de lutte contre les ravageurs et de faciliter le commerce international. L’irradiation alimentaire et l’irradiation phytosanitaire sont des traitements effectués après la récolte qui utilisent des rayonnements ionisants produits par une source, comme le cobalt 60, ou générés par des accélérateurs.

« Les rayonnements ionisants sont inoffensifs pour les aliments, mais pas pour les microbes ou les ravageurs invasifs, et ils permettent le commerce international », a déclaré Carl Blackburn, spécialiste de l’irradiation des aliments au Centre mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture.

Les rayonnements ionisants sont inoffensifs pour les aliments, mais pas pour les microbes ou les ravageurs invasifs, et ils permettent le commerce international. »
Carl Blackburn, spécialiste de l’irradiation des aliments, Centre mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture

Dispositifs d’irradiation locaux

Avant d’être expédiés vers leur destination finale, certains produits alimentaires sont d’abord préparés ou collectés sur leur lieu d’origine, emballés, puis acheminés vers une installation d’irradiation. Ces installations utilisent souvent le cobalt 60 comme source de rayonnements ionisants. « Le colbalt-60 est facile à utiliser pour les rayons gamma, mais il peut être difficile à obtenir et à transporter », a déclaré Carl Blackburn. « L’AIEA encourage une nouvelle approche simplifiée, en apportant l’irradiation sur place sous forme de rayonnements de faible intensité, comme des faisceaux d’électrons de faible énergie et des rayons X de faible énergie, où l’irradiateur peut être placé à l’intérieur d’une usine de production alimentaire ou d’un site de conditionnement. »

En 2021, un projet de recherche coordonnée de l’AIEA a démontré qu’il était possible d’utiliser des faisceaux d’électrons de faible énergie et des rayons X mous pour réduire l’infestation et la contamination microbienne. « Cela signifie que les faisceaux d’électrons à faible énergie, ou électrons doux, peuvent être appliqués comme traitement de surface, et qu’ils n’ont pas d’incidence sur les propriétés qualitatives », a déclaré Setsuko Todoriki, qui a participé au projet et est responsable de la recherche à l’Organisation nationale de recherche sur l’agriculture et l’alimentation au Japon. « Leur niveau d’énergie étant nettement plus faible que celui des faisceaux d’électrons classiques, les faisceaux d’électrons de faible énergie pourraient être installés sur les lignes de transformation et utilisés sur place. » Le projet a permis de développer des méthodes de dosimétrie pour les rayons X mous. Un nouveau projet de recherche coordonnée en cours, consacré aux traitements par faisceau de faible énergie, permet de développer et de promouvoir l’innovation en matière de traitement local des aliments grâce aux rayonnements, notamment l’élaboration d’outils et de techniques de dosimétrie des faisceaux d’électrons de faible énergie pour des aliments spécifiques, en collaboration avec des partenaires de l’industrie alimentaire.

Mettre au point des traitements génériques

Au cours des 15 dernières années, le volume des produits de base irradiés pour raisons phytosanitaires a augmenté de manière significative pour atteindre près de 100 000 tonnes par an dans le monde. Toutefois, les produits alimentaires irradiés commercialisés ne représentent qu’une infime partie des produits traités par d’autres mesures phytosanitaires. Par exemple, le volume de mangues qui subissent un traitement à l’eau chaude au Mexique s’élève à environ 300 000 tonnes par an, a expliqué Guy Hallman, spécialiste des mesures phytosanitaires basé aux États-Unis d’Amérique. « L’irradiation phytosanitaire présente des avantages par rapport aux autres traitements phytosanitaires, tels que le froid, la chaleur et la fumigation, qui peuvent altérer le goût ou la texture des aliments », a expliqué Guy Hallman. Le fait de disposer de normes en matière d’irradiation mieux acceptées au niveau international pourrait favoriser une plus large adoption de cette option de traitement et accroître les échanges, a-t-il ajouté.

La Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV), un traité multilatéral administré par la FAO, établit des normes pour prévenir et contrôler la propagation d’organismes nuisibles. Selon Carl Blackburn, ces normes constituent le fondement de tous les accords commerciaux bilatéraux relatifs aux fruits et légumes traités, mais les normes relatives au traitement par irradiation citent seulement des doses de rayonnement spécifiques à chaque espèce. Sur les 19 traitements par irradiation reconnus par la CIPV, seuls deux sont des traitements génériques qui empêchent les mouches des fruits de se propager par l’intermédiaire du commerce de produits frais et de se reproduire dans de nouvelles régions où elles pourraient faire des ravages sur l’agriculture et l’environnement.

En février 2022, l’AIEA a lancé un projet de recherche coordonnée pour remédier à ce problème et mettre au point au moins cinq traitements génériques d’irradiation phytosanitaire devant être adoptés par la CIPV afin de stimuler l’utilisation commerciale de l’irradiation phytosanitaire. Ces nouveaux traitements génériques par irradiation pourraient potentiellement résoudre plus de 90 % des problèmes de quarantaine concernant les fruits et légumes commercialisés, a déclaré Carl Blackburn.

Les rayonnements pour stériliser les produits sanitaires

Au-delà des utilisations à des fins sanitaires, phytosanitaires et de qualité alimentaire, la technologie des rayonnements est utilisée à dose beaucoup plus élevée pour stériliser les produits sanitaires depuis les années 1950. Le traitement par rayonnements fait partie du processus de fabrication de près de la moitié des produits à usage unique dans le domaine médical, tels que les pansements, les gants, les blouses, les masques, les seringues et autres équipements. La radiostérilisation détruit les micro-organismes contaminants, tout en préservant les propriétés et les caractéristiques du produit.

« Près de 50 % des produits médicaux sont stérilisés à l’aide de technologies de rayonnements - rayons gamma, faisceaux d’électrons et rayons X - et il s’agit d’une tendance croissante », a déclaré Celina Horak, chef de la Section des radio-isotopes et de la technologie des rayonnements à l’AIEA. « En outre, les rayonnements ionisants sont un outil efficace et reconnu pour la stérilisation des équipements de protection individuelle (EPI), qui ont été très demandés pendant la pandémie de COVID-19. »

En 2020, après le début de la pandémie, l’AIEA a étudié la possibilité de stériliser des équipements médicaux usagés à l’aide de rayonnements ionisants. Il est ressorti de cette étude qu’il était possible de réutiliser des vêtements de protection médicale irradiés, à l’exception des masques respiratoires tels que les masques N95 et FFP2. L’étude a révélé que les masques usagés qui avaient été irradiés « présentaient une diminution significative de l’efficacité de la filtration dans le domaine submicronique ». Cette diminution est probablement due aux modifications des propriétés électrostatiques du filtre causées par l’irradiation.

 

05/2022
Vol. 63-2

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