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Assurer la sûreté des installations nucléaires : Les enseignements tirés de l’accident de Fukushima Daiichi

Carley Willis

Centrale nucléaire d’Ohi (Japon).

(Photo : Compagnie d’électricité de Kansai)

L’accident nucléaire de Fukushima Daiichi a rappelé combien il importe de disposer de lignes directrices et de normes de sûreté nationales et internationales adéquates pour faire en sorte que l’électronucléaire et la technologie nucléaire demeurent sûrs et restent une source fiable d’énergie sobre en carbone pour la planète.

À la lumière des enseignements tirés de l’accident de 2011, l’AIEA a révisé ses normes de sûreté mondiales afin que les États Membres continuent de recevoir des orientations à jour et de qualité.

« L’accident de Fukushima Daiichi a profondément modifié notre conception de la sûreté nucléaire : si l’accent était auparavant mis sur la prévention des accidents de dimensionnement, on s’attache aujourd’hui davantage à prévenir les accidents graves, et à éliminer concrètement les conséquences d’un tel accident, s’il se produisait », explique Greg Rzentkowski, Directeur de la Division de la sûreté des installations nucléaires de l’AIEA.

Quand un accident se produit, il est nécessaire de disposer de moyens de transport adéquats pour se rendre sur le site et de personnel formé capable de travailler dans des conditions difficiles.
Philippe Jamet, ancien Commissaire de l’Autorité de sûreté nucléaire française

De nouvelles mesures de sûreté

Après l’accident, en réexaminant les normes applicables, notamment la norme de sûreté de la conception de l’AIEA, les experts se sont rendu compte qu’il serait possible d’élever le niveau de sûreté des centrales nucléaires existantes en appliquant des prescriptions plus strictes en matière de protection contre les risques naturels externes, ainsi qu’en renforçant l’indépendance des différents niveaux de sûreté, de sorte qu’une défaillance de l’un n’ait pas d’incidence sur les autres et n’empêche pas un accident d’être évité.

Si des prescriptions relatives à la protection contre les risques naturels ont toujours été appliquées dès la conception des modèles de réacteurs nucléaires, celles-ci ont été renforcées depuis l’accident. En règle générale, les prescriptions relatives à la conception sont aujourd’hui définies en fonction de risques naturels dont la fréquence estimée est supérieure à un tous les 10 000 ans, contre un tous les 1 000 ans auparavant.

Le concept de défense en profondeur vise à atteindre une indépendance maximale entre les différents niveaux de défense d’une centrale, pour une mise en œuvre efficace des fonctions de sûreté. Cette indépendance est particulièrement nécessaire pour la protection des réacteurs contre les événements de cause commune. Par exemple, en cas de tsunami, les systèmes de sûreté de secours doivent se trouver à une altitude suffisante pour éviter tout risque d’inondation et rester opérationnels si les systèmes conçus pour un fonctionnement normal venaient à tomber en panne.

Mise en œuvre de mesures de sûreté améliorées

L’intégration de ces nouvelles normes de sûreté dans la conception des réacteurs existants a ensuite été testée dans le cadre d’évaluations et d’inspections approfondies de la sûreté. Les évaluations ont porté sur les caractéristiques de conception des installations, les mises à niveau de la sûreté et les dispositions relatives à l’utilisation d’équipements non permanents, l’objectif étant de démontrer que la probabilité que les conditions pouvant entraîner des rejets précoces ou importants soient réunies était devenue quasiment nulle.

« Les risques d’accidents graves sont pris en considération lors de la conception de nouvelles centrales nucléaires », explique Javier Yllera, spécialiste de la sûreté nucléaire à l’AIEA. « Différentes améliorations de la sûreté ont été mises en œuvre dans les centrales nucléaires existantes, de même que des mesures de gestion des accidents. »

Les évaluations de la sûreté ou les tests de résistance réalisés dans l’Union européenne à la suite de l’accident nucléaire de Fukushima Daiichi ont porté principalement sur des risques naturels, comme les séismes et les inondations, ainsi que sur la réponse des centrales nucléaires en cas d’événement naturel extrême et d’accident grave. L’objectif global était d’analyser la robustesse des réacteurs face à de tels événements et, si nécessaire, de l’accroître. Les marges de sûreté des réacteurs ont été analysées et les améliorations possibles ont été recensées. Les tests de résistance, réalisés sous la responsabilité des États Membres, ont donné lieu à de nombreuses améliorations de la conception et de l’exploitation en Europe.

Par exemple, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de la France a entrepris d’évaluer les 56 réacteurs nucléaires de puissance du pays ainsi que les deux réacteurs EPR en construction. Elle a ensuite prescrit l’installation d’équipements fixes et mobiles pouvant prévenir les rejets importants. Il s’agissait notamment de groupes électrogènes diesel et de pompes à haute résistance capables de fonctionner dans des situations extrêmes, comme des séismes ou des inondations de grande ampleur. L’ASN a également recommandé de prévoir des sources d’eau de substitution pour le refroidissement dans de telles conditions. De plus, elle a demandé la mise en place d’un plan de secours dans le cadre duquel des groupes de force d’action rapide peuvent se rendre sur le site dans un délai de 24 heures avec du matériel léger et de trois jours avec du matériel lourd, en utilisant des moyens de transport tels que des hélicoptères, et intervenir dans un environnement gravement touché.

« L’accident de Fukushima Daiichi nous a notamment appris que les perturbations occasionnées sur le site et hors du site par des phénomènes naturels extrêmes peuvent poser de graves problèmes », explique Philippe Jamet, ancien Commissaire de l’ASN et Président du Conseil des tests de résistance européens. « Quand un accident se produit, il est nécessaire de disposer de moyens de transport adéquats pour se rendre sur le site et de personnel formé capable de travailler dans des conditions difficiles. »

03/2021
Vol. 62-1

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