You are here

Qu’entend-on par réacteur à sels fondus ?

Le nucléaire expliqué
,

(Infographie : A.Barber Huescar/AIEA)

Les réacteurs à sels fondus (RSF) sont des réacteurs à fission nucléaire dans lesquels le combustible et/ou le caloporteur sont des sels fondus. Le sel fondu est un sel qui se liquéfie à des températures élevées et qui peut stocker des quantités considérables d’énergie thermique à la pression atmosphérique.

Utilisés comme combustible, les sels fondus se dissolvent avec des matières fissiles. Par matière fissile, on entend une matière capable de fissionner (phénomène au cours duquel le noyau d’un atome se scinde en deux pour libérer de l’énergie). Ce phénomène se produit lorsque le noyau est frappé par un neutron de haute énergie (rapide) ou un neutron de basse énergie (lent). Les matières fissiles sont, par exemple, l’uranium 235, le plutonium 239 ou l’uranium 233, qui peuvent être mélangés à d’autres matières fissiles, comme l’uranium 238.  

Plus d’informations sur la fission et l’énergie nucléaires.

Quels sont les avantages des RSF ?

(Infographie : A.Barber Huescar/AIEA)

Contribuer à la décarbonation de l’industrie pour atteindre les objectifs de zéro émission nette

La majorité des centrales nucléaires dans le monde sont dotées actuellement de réacteurs à eau sous pression (REP). Dans ces derniers, l’eau, qui sert de caloporteur, est pompée sous haute pression vers le cœur du réacteur. Là, chauffée par l’énergie libérée par la fission des noyaux, elle se transforme en vapeur, laquelle actionne des turbines qui vont produire de l’électricité.

Toutefois, si des sels sont utilisés comme principal caloporteur plutôt que de l’eau, ils peuvent absorber une grande quantité de chaleur à la pression atmosphérique, ce qui permet aux réacteurs recourant à cette technologie de fonctionner à des températures très élevées. Cela pourrait en retour faciliter la production de chaleur de qualité supérieure, ouvrant ainsi la voie à une décarbonation de procédés industriels comme la production d’hydrogène pour la fabrication d’acier vert sans émission de grandes quantités de gaz à effet de serre (GES), comme c’est le cas actuellement avec les combustibles fossiles.  

Les RSF suscitent un intérêt croissant à l’échelle internationale, car ils constituent une solution efficiente et économique pour la production de grandes quantités d’électricité et de chaleur industrielle à haute température exploitable dans diverses applications industrielles. Les réacteurs refroidis par gaz  à haute température (qui utilisent de l’hélium comme caloporteur au lieu de sels fondus) présentent les mêmes avantages.

Apprenez comment le nucléaire peut remplacer le charbon pour la transition vers une énergie propre.

Faible empreinte des déchets nucléaires de haute activité

Après les premiers modèles de RSF mis au point dans les années 1950, d’autres, plus récents, n’ont pas besoin de combustible solide, ce qui règle le problème de sa fabrication et du stockage. Les RSF dotés de la technologie du combustible liquide produisent moins de déchets nucléaires de haute activité, parce que la limite du taux de combustion du combustible utilisé pour les alimenter est plus élevée. 

Dispositifs de sûreté passive

Par ailleurs, les RSF sont généralement dotés de dispositifs de sûreté passive, c’est-à-dire d’éléments de conception qui améliorent la sûreté grâce à des principes physiques naturels, sans intervention humaine. Par exemple, si un RSF surchauffe, le sel liquide se dilate et augmente naturellement le nombre de neutrons s’échappant du cœur, qui ne sont donc plus disponibles pour provoquer la fission nucléaire, dont le taux diminue, de même que la température. Certains RSF sont dotés d’un réservoir de vidange spécial situé sous la cuve. Si le réacteur surchauffe, un bouchon de sel solide fond, le sel fondu s’écoule dans le réservoir de vidange, ce qui bloque complètement la réaction sans aucune intervention humaine ou source d’énergie externe.

Options du cycle du combustible durable

L’uranium, le plutonium et le thorium peuvent tous être dissous dans des compositions salines appropriées ; dès lors, les RSF peuvent potentiellement s’adapter à divers cycles du combustible nucléaire (comme les cycles uranium-plutonium et thorium-uranium), ouvrant la voie à des cycles du combustible plus durables. Une utilisation plus efficace du plutonium permettrait d’éliminer la plupart des déchets générés par les réacteurs à eau ordinaire actuels qui y ont recours. En outre, le thorium est trois fois plus abondant que l’uranium et plus facile à extraire.

Pour en savoir plus, voir notre texte explicatif sur l’uranium.

Comment les RSF produiraient-ils de l’énergie à faible émission de carbone ?

Les RSF actuellement mis au point sont essentiellement de deux sortes. D’un côté, il y a ceux qui utilisent des barres de combustible solide traditionnelles, les sels fondus servant de caloporteur à la place de l’eau, de l’autre, ceux qui utilisent du combustible liquide, dans lequel la matière fissile (uranium ou thorium) est dissoute dans un caloporteur aux sels fondus. Dans ces derniers modèles, les produits de fission sont dissous dans le sel fondu, qui peut circuler dans le cœur du réacteur où, sous l’effet du phénomène de fission, il va produire de la chaleur. Celle-ci est ensuite transférée dans une boucle secondaire, où elle actionne une turbine qui va produire de l’électricité. Une variante de ces modèles, où un sel fondu combustible est chargé dans des tubes métalliques scellés et où un sel secondaire est utilisé comme caloporteur, est également en cours de réalisation.

(Infographie : A.Barber Huescar/AIEA)

Les modèles de RSF sont-ils près d’être commercialisés ?

Plusieurs modèles de RSF sont en train d’être mis au point. Nombre d’entre eux reprennent des principes similaires à ceux des réacteurs mis au point au cours de l’expérience sur le réacteur expérimental à sels fondus menée dans les années 1960 au Laboratoire national américain d’Oak Ridge, comme le « bouchon de sel congelé », mais il existe aussi de nombreuses nouvelles idées à étudier, à approfondir et à démontrer. Il existe ainsi différents cycles du combustible, différents sels combustibles et modèles modulaires - qui permettraient d’assembler les systèmes et les composants en usine et de les transporter comme un tout sur un site en vue de leur installation.

En France, le CNRS et l’Université Paris-Saclay ont annoncé la création prochaine, en partenariat avec la NAAREA, d’un laboratoire commun dédié à la chimie des sels fondus. Dénommé Innovation Molten Salt Lab (IMS Lab), ce dernier s’appuiera sur l’expertise du Laboratoire de physique des deux infinis Irène Joliot-Curie (IJCLab) et de la NAAREA, société française qui met au point un micro-générateur nucléaire de 4e génération. Il a pour ambition de devenir un des premiers en Europe à mener des travaux de R-D sur les sels fondus pour des applications nucléaires (réacteurs à sels fondus) et non nucléaires. Au Canada, un modèle de petit réacteur modulaire (SMR) à sels fondus a passé avec succès en 2023 un examen essentiel proposé par le fournisseur préalablement à l’autorisation, premier du genre concernant un RSF à être achevé. D’autres projets, notamment en Chine et aux États-Unis, continuent de progresser, dans l’espoir que des RSF puissent commencer à être déployés dès le milieu des années 2030.

En savoir plus : Que sont les petits réacteurs modulaires (SRM) ?

Il existe quatre catégories de RSF et six grandes familles. Pour de plus amples détails, voir État d’avancement de la technologie des réacteurs à sels fondus (en anglais). 

Il reste des défis à relever pour les RSF

En ce qui concerne les RSF, il reste néanmoins de nombreux défis majeurs à relever. Aucune norme relative à la sûreté de la conception et au transport du sel combustible n’a été élaborée et la chaîne d’approvisionnement des composants propres aux RSF n’est pas encore mise au point. Les analyses des scénarios d’accidents potentiels spécifiques aux RSF sont généralement peu connues, et il faut mener davantage d’expériences et d’essais de démonstration de la sûreté. Des études plus approfondies doivent être exécutées sur l’évolution de la chimie du sel combustible avec le taux de combustion et la rétention des radionucléides dans des conditions normales et accidentelles.

Quel est le rôle de l’AIEA ?

 

Suivez-nous

Lettre d'information