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Forum scientifique de 2023 : « Les innovations nucléaires au service de la neutralité carbone »

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Des dirigeants du monde entier réunis lors du forum scientifique de l’AIEA sur le thème « Les innovations nucléaires au service de la neutralité carbone » sont unanimes : les effets du changement climatique sont indéniables, et l’énergie nucléaire est une partie de la solution qui permettra d’atténuer la crise climatique et de réduire les émissions de carbone. 

Les innovations faciliteront l’intégration de l’énergie nucléaire aux solutions nécessaires pour atteindre l’objectif « zéro émission nette » et jouent déjà un rôle essentiel dans l’amélioration des performances, de la sûreté et de la durée de vie des parcs de réacteurs existants, a déclaré le Directeur général de l’AIEA, Rafael Mariano Grossi, mardi, à l’ouverture du forum en marge de la 67e session de la Conférence générale de l’AIEA.

Toutefois, M. Grossi a fait remarquer que l’instauration d’un climat d’investissement équitable et favorable aux nouveaux projets nucléaires reste une tâche ardue. « Nous ne sommes pas encore sur un pied d’égalité pour ce qui est de financer des projets nucléaires », a-t-il déclaré. 

Pendant deux jours, les experts ont discuté des nouvelles technologies électronucléaires et de la manière dont les innovations telles que l’intelligence artificielle, la robotique et l’impression 3D peuvent faire progresser l’électronucléaire, et comment les réacteurs peuvent être utilisés dans le cadre d’applications allant au-delà de l’électricité, comme pour fournir de la chaleur pour les processus industriels ou de l’eau douce grâce au dessalement nucléaire (voir l’aperçu des séances).

Regardez l’enregistrement du forum scientifique et lisez le dernier numéro en date du Bulletin de l’AIEA sur les innovations nucléaires au service du « zéro émission nette »

Le rôle de l’énergie d’origine nucléaire et des innovations dans la transition vers un monde avec zéro émission nette

Le Président du Ghana, Nana Akufo-Addo, a annoncé que le Ghana comptait inclure l’énergie nucléaire dans le mix électrique national. (Photo : D. Calma/AIEA)

L’énergie nucléaire suscite de plus en plus d’intérêt au niveau mondial, et les pays agissent en conséquence. Lors de la séance d’ouverture du forum scientifique, le Président du Ghana, Nana Akufo-Addo, a annoncé qu’il comptait intégrer l’énergie nucléaire au mix électrique du pays. « Nous sommes engagés dans une transition en faveur d’une énergie propre et équitable qui exploite pleinement le potentiel de toutes les sources d’énergie à faible teneur en carbone, énergie d’origine nucléaire comprise », a déclaré le Président Akufo-Addo. « L’énergie d’origine nucléaire jouera un rôle important dans cette transformation. »  

Le Ghana analyse les petits réacteurs modulaires (PRM) et leur potentiel de déploiement rapide pour produire une énergie propre et abordable. « Nous travaillons avec des experts du secteur pour étudier la faisabilité du déploiement de cette nouvelle technologie au Ghana », a déclaré le Président Akufo-Addo. 

Aux États-Unis d’Amérique, où l’énergie d’origine nucléaire constitue la plus grande source d’énergie propre, la Secrétaire d’État à l’énergie, Jennifer Granholm, a expliqué que : « pour atteindre notre objectif « zéro émission nette » en 2050, nous devons au moins tripler notre capacité en matière d’énergie nucléaire pour la porter à 300 gigawatts voire plus ». Elle a ajouté que le Gouvernement américain a investi « des milliards de dollars dans l’avenir de l’énergie nucléaire, en mettant en place des incitations fiscales historiques pour favoriser les investissements dans de nouvelles installations et dans la production d’énergie nucléaire », et qu’une chaîne nationale d’approvisionnement en combustible est en cours de développement.  

Le Département américain de l’énergie a récemment fait paraître une publication intitulée Pathways to Commercial Liftoff, une série de rapports visant à accélérer le déploiement de technologies énergétiques propres, notamment les réacteurs nucléaires avancés. Les réacteurs avancés sont essentiels pour atteindre l’objectif « zéro émission nette », car ils peuvent contribuer à la décarbonation des industries grosses consommatrices d’énergie, telles que la production d’hydrogène, le dessalement, le chauffage urbain, le raffinage du pétrole et la production d’engrais, a estimé la Secrétaire d’État Granholm. Elle a encouragé davantage de pays à considérer l’énergie nucléaire comme un investissement durable et à long terme et à tirer parti de « la puissance de l’atome pour créer une nouvelle ère de paix et de prospérité dans le cadre de ce qui est potentiellement le plus grand projet de paix de notre temps : un monde avec zéro émission nette ». 

La République de Corée investit elle aussi dans le développement de son secteur nucléaire. Depuis 2000, la Corée met en œuvre son Plan de développement du système électronucléaire, en mettant en particulier l’accent sur le développement de réacteurs avancés. À la suite de ces efforts, en 2012, le premier PRM coréen – SMART – a reçu l’agrément du modèle type de l’organisme de réglementation coréen, a déclaré Lee Jong-Ho, Ministre des sciences et des technologies de l’information et de la communication de la République de Corée. « Nous développons actuellement un PRM encore plus avancé et innovant fondé sur la technologie SMART », a-t-il ajouté.  

Le Gouvernement coréen estime que c’est au secteur privé qu’il revient de piloter les innovations technologiques. « C’est particulièrement vrai pour le secteur des PRM, qui devrait remplacer les combustibles fossiles dans des secteurs tels que le dessalement de l’eau de mer et l’exploration spatiale », a déclaré le Ministre Jong-Ho. Le Gouvernement coréen lance actuellement une initiative sur les PRM au niveau national pour transférer au secteur privé la technologie SMART et d’autres technologies nucléaires avancées afin de faciliter la démonstration et la commercialisation de nouveaux réacteurs. « Le Gouvernement commencera, l’année prochaine, par collaborer avec les entreprises concernées. L’objectif est d’investir dans le développement de réacteurs à haute température refroidis par gaz conçus pour la chaleur industrielle et pouvant servir par exemple à la production d’hydrogène ou à d’autres fins », a-t-il ajouté. 

Au Maroc, le Gouvernement envisage d’ajouter l’énergie nucléaire à son bouquet énergétique afin d’assurer un approvisionnement fiable en énergie. « Le Maroc accorde une attention particulière aux petits réacteurs modulaires du fait de leurs nombreux avantages – notamment leur adaptabilité, qui facilite l’intégration », a expliqué Leila Benali, Ministre de la transition énergétique et du développement durable du Royaume du Maroc, dans une déclaration vidéo adressée au forum. « Les PRM sont particulièrement prometteurs pour diverses applications, telles que la cogénération et le dessalement de l’eau de mer. » 

La Ministre Benali a également annoncé que le Centre national de l’énergie, des sciences et des techniques nucléaires du Maroc avait obtenu le titre de Centre international désigné par l’AIEA s’appuyant sur des réacteurs de recherche, ce qui lui permet de servir de plateforme d’apprentissage au niveau mondial. « L’infrastructure nationale du Maroc, que cette reconnaissance vient renforcer, est mise au service du continent africain, notamment en vue du renforcement des capacités », a-t-elle indiqué.  

Au cours des 40 dernières années, la Suède a étendu son recours à différentes formes d’énergie renouvelable. L’énergie éolienne représente aujourd’hui une part importante de son électricité, et la biomasse est venue remplacer le pétrole et le charbon pour le chauffage urbain et les processus industriels. « Nous avons néanmoins oublié que le système énergétique était très sensible et qu’il devait fonctionner sur le plan technique. Il ne s’agit pas simplement d’ajouter des térawatt-heures », a précisé Daniel Westlén, Vice-Ministre du climat et de l’environnement de la Suède. Étant donné qu’il est nécessaire de disposer d’une énergie acheminable pour répondre à la demande au bon moment et au bon endroit, sans pour autant émettre de carbone, les options sont limitées. « L’énergie d’origine nucléaire est la seule option dont nous disposons », a-t-il ajouté.  

D’après les études, pour atteindre les objectifs climatiques et l’objectif « zéro émission nette », il conviendrait de doubler voire de tripler la capacité de production d’énergie d’origine nucléaire d’ici à 2050. « Le monde peut-il créer 20 ou même 40 gigawatts d’énergie nucléaire par an ? Je dirais que c’est possible. Nous l’avons déjà fait auparavant », a estimé le Vice-Ministre Westlén. Il a expliqué que dans les années 1980, le monde comptait plus de 180 réacteurs en construction, et que plus de 30 gigawatts étaient ajoutés en une seule année. La Suède a déployé 12 grands réacteurs entre 1972 et 1985. Même si « le changement climatique est le plus grand défi auquel l’humanité ait jamais eu à faire face... nous avons entre nos mains les outils dont nous aurons besoin pour le relever », a-t-il conclu. 

L’année dernière, le Président français Emmanuel Macron a annoncé un programme de construction de six réacteurs nucléaires, ainsi qu’un programme dédié au nucléaire et à l’innovation s’appuyant sur les petits réacteurs modulaires et les réacteurs modulaires avancés. « Nous avons besoin d’une énergie qui soit à la fois bon marché, abordable et durable. Et ce n’est pas si facile », a déclaré François Jacq, administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique (France). « C’est pourquoi nous avons besoin d’innover. » L’innovation se présentera sous de nombreuses formes – dans les applications, les stratégies et les technologies – et attirera également la future génération vers le domaine nucléaire. 

« Nous devrons également innover dans le domaine de la coopération, des partenariats. Nous devons inventer de nouvelles formes de coopération, de nouvelles formes d’organisation de la recherche et de la technologie », a expliqué M. Jacq.  

L’influenceuse Isabelle Boemeke, spécialisée dans le domaine du nucléaire, s’est exprimée à la séance d’ouverture du forum scientifique, organisé sur le thème « Les innovations nucléaires au service de la neutralité carbone », lors de la 67session de la Conférence générale de l’AIEA (26 septembre 2023, Vienne – Autriche). (Photo : D. Calma/AIEA)

Pour conclure la séance d’ouverture, Isabelle Boemeke, influenceuse d’origine brésilienne spécialisée dans le domaine de l’énergie nucléaire, a évoqué le pouvoir des médias sociaux pour ce qui est de l’information des jeunes publics. « Les médias sociaux peuvent sembler superficiels, mais en réalité, c’est par eux que les jeunes apprennent à connaître le monde », a déclaré Mme Boemeke, également connue sous le nom d’Isodope. « Ils font confiance aux influenceurs et écoutent leurs opinions sur des produits, leurs conseils en matière de santé et leurs idées. Et si nous avons vu que les médias sociaux pouvaient être utilisés à mauvais escient, je pense que nous pouvons tirer parti de ces outils et les utiliser à bon escient. » 

Mme Boemeke a appelé l’attention sur le fait qu’il était important que les dirigeants soient à l’écoute des jeunes générations et nouent un dialogue avec elles. « Les jeunes sont très réceptifs à l’égard de cette technologie et ils attendent que des personnes comme vous leur disent qu’il est acceptable de la soutenir. En informant la population de tous les avantages, on donne à nos dirigeants la possibilité de choisir des solutions de décarbonation réalistes, des plans audacieux articulés autour de l’énergie nucléaire », a déclaré Mme Boemeke. Encourageant les décideurs à faire preuve de courage, elle a conclu en posant la question suivante : « Êtes-vous des meneurs ou des suiveurs ? » 

Vous pouvez lire l’entretien de Mme Boemeke avec l’AIEA dans le dernier numéro en date du Bulletin de l’AIEA sur les innovations nucléaires au service du « zéro émission nette »

Le forum scientifique a mis en lumière un panel de jeunes professionnels dans le domaine nucléaire, qui se sont exprimés sur ce qui les avait poussés à suivre une carrière dans le nucléaire et sur l’importance de la diversité et de l’inclusion. (Photo : H. Shaffer/AIEA)

Le forum a comporté un segment consacré aux jeunes, avec notamment un panel de jeunes professionnels dans le domaine nucléaire, composé de Benjamin Bertaux, jeune expert en déclassement à l’AIEA ; Loretta Boahemaa Manu, administratrice adjointe chargée de la sûreté des transports à l’AIEA ; Yvonne Lin, stagiaire en génie nucléaire à l’AIEA ; et Grace Stanke, défenseuse de l’énergie nucléaire et actuelle Miss Amérique. Ces jeunes professionnels ont souligné à quel point le domaine nucléaire était « cool » et attrayant pour les nouvelles générations et à quel point il importait de créer des projets de recherche en collaboration avec des universités pour faire découvrir d’autres possibilités de carrière aux étudiants. Insistant sur l’importance de la promotion de la diversité et de l’inclusion dans l’industrie nucléaire, le panel a conclu que pour attirer de nouveaux talents, il fallait se concentrer tout autant sur la science que sur la manière dont on présentait le nucléaire, en trouvant des moyens innovants de le faire.  

Mme Boahemaa Manu et Mme Lin sont toutes deux boursières du programme de bourses Marie Skłodowska-Curie de l’AIEA, dont la dernière procédure de candidature en date court jusqu’au 30 septembre. 

La voie à suivre

De la Chine au Royaume-Uni et au-delà, les pays du monde entier affichent d’ambitieux projets de développement de leur parc nucléaire. D’ici 2035, la Chine prévoit de construire 150 nouveaux réacteurs nucléaires. « Nous avons tellement de centrales au charbon qui doivent être remplacées par l’électronucléaire », a indiqué Yu Jianfeng, directeur de la Compagnie nucléaire nationale chinoise, à la session de clôture du forum mercredi.  

Au Royaume-Uni, « nous avons un objectif ambitieux de 24 gigawatts d’énergie d’origine nucléaire sur le réseau britannique d’ici 2050 », a indiqué Andrew Bowie, Sous-Secrétaire d’État parlementaire et Ministre du nucléaire et des réseaux. « Même s’il est vital de décarboner notre charge de base, c’est aussi une question de prix – il faut prendre en compte le coût de la vie, la question de l’énergie abordable, et la sécurité et l’indépendance énergétiques. »  

En ce qui concerne les prix, le Ministre finlandais du climat et de l’environnement, Kai Mykkänen, a déclaré au forum que le réacteur Olkiluoto 3, le plus grand réacteur nucléaire d’Europe avec ses 1,6 gigawatts, avait permis de ramener les prix de l’électricité au niveau le plus bas que le pays ait connu depuis des années. Olkiluoto 3, qui a commencé à fournir une production régulière en avril, est la principale raison pour laquelle la Finlande a cessé d’importer directement de l’électricité et du gaz naturel, tout en parvenant à baisser les prix de l’électricité, a-t-il expliqué. 

L’acceptation de l’énergie nucléaire par le public et le financement sont deux autres éléments à considérer dans les stratégies pour l’avenir. « Nous devons échanger avec la société pour nous assurer que les solutions techniques que nous proposons seront, à terme, acceptées », a indiqué Peter Baeten, directeur général du Centre d’étude belge de l’énergie nucléaire (SCK CEN). Pour Sama Bilbao, directrice générale de l’Association nucléaire mondiale, si l’innovation technique est essentielle, il y a d’autres types d’innovations à prendre en compte : « Nous devons innover dans la manière dont nous finançons les nouvelles solutions nucléaires. Nous devons sortir des sentiers battus pour attirer les investissements dans ces projets nucléaires », a-t-elle ajouté. 

Au vu de la vitesse et de l’ampleur de l’innovation dans le domaine nucléaire, le Directeur général Grossi est optimiste. « Il y a des défis à relever, mais il est évident que nous avançons de manière décisive. Ces avancées se font peut-être à des rythmes différents et de différentes manières, et le résultat final ne sera pas uniforme car il n’existe pas de solution universelle, mais nous pouvons constater que le nucléaire joue clairement un rôle important dans l’effort fait au niveau mondial actuellement. »  

Session de clôture du forum scientifique au Siège de l’AIEA à Vienne (Autriche), le 27 septembre 2023, en marge de la 67e session de la Conférence générale. (Photo : D. Calma/AIEA)

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