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Façonner les perceptions de l’énergie nucléaire

Irena Chatzis

« Toutes les occasions sont bonnes pour aborder le sujet de l’énergie d’origine nucléaire. »
— Isabelle Boemeke Influenceuse pro-énergie nucléaire et mannequin, connue sous le nom d’Isodope

Les préoccupations liées au changement climatique et à la sécurité énergétique ainsi qu’à la justice énergétique et au développement durable ont fait évoluer les perceptions du public concernant l’énergie nucléaire. Dans le même temps, les défenseurs de l’énergie d’origine nucléaire trouvent des moyens innovants et attrayants de mettre en avant les avantages de cette source d’énergie propre. Parmi ces défenseurs figure Isabelle Boemeke, influenceuse pro-énergie nucléaire et mannequin.

Connue sous le nom d’Isodope sur les médias sociaux, Mme Boemeke se dit convaincue que l’énergie d’origine nucléaire est vitale pour bâtir un avenir dans lequel l’humanité ne se contentera pas de survivre, mais pourra prospérer. Dans l’entretien reproduit ci-après, Mme Boemeke explique comment elle utilise son personnage en ligne pour informer les jeunes générations sur l’énergie d’origine nucléaire.

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à l’énergie nucléaire ?

En 2015, un scientifique que je suis sur les médias sociaux a publié un tweet sur les réacteurs au thorium à sels fondus. J’ai fait quelques recherches, mais je n’ai pas trouvé d’informations que quelqu’un comme moi, qui n’a pas de formation technique, puisse comprendre. Cela a éveillé ma curiosité concernant l’énergie d’origine nucléaire et j’ai demandé aux gens ce qu’ils en pensaient. En gros, les réponses peuvent se résumer ainsi : En fait, c’est une bonne technologie. Nous en avons absolument besoin pour résoudre le problème du changement climatique, mais les gens ne veulent pas en entendre parler.

Avec les incendies de 2019 en Australie, en Amazonie et en Californie, j’ai réalisé que nous n’allions pas assez vite dans la lutte contre le changement climatique et j’ai commencé à chercher des solutions, et c’est là que je suis retombée sur l’énergie d’origine nucléaire. J’ai été frappée par le fait que tout ce que les gens pensaient savoir sur l’énergie d’origine nucléaire était faux, et la raison expliquant cela était qu’ils tiraient leurs informations principalement de références culturelles, de films et de dessins animés, comme Les Simpsons. Je me suis demandé comment on pourrait faire savoir aux gens que l’énergie d’origine nucléaire est la deuxième source d’énergie propre au monde et que les pays qui ont décarboné leur électricité l’ont fait principalement grâce à l’énergie hydroélectrique ou à l’énergie d’origine nucléaire.

C’est ainsi qu’est née Isodope ?

Nous vivons dans un monde façonné par les médias sociaux et truffé d’influenceurs. J’ai compris que le meilleur moyen de faire passer le message sur le nucléaire était de créer du contenu qui interpelle et parle aux gens sur les médias sociaux. Je savais que mon contenu devait être très différent, car je ne voulais pas créer une vidéo parmi tant d’autres. J’ai imaginé un personnage qui s’habille de manière futuriste, utilise un langage accessible et des visuels colorés. Je l’appelle « Isodope », un jeu de mots sur le terme « isotope » utilisé en chimie.

Quel est votre public principal ?

Je m’adresse surtout aux millennials (les personnes nées dans les années 1980 et 1990) et aux plus jeunes. Les moyens de subsistance des jeunes sont en jeu. C’est nous, et nos enfants, qui subirons les pires effets du changement climatique.

Comment faites-vous pour toucher un public plus large, au-delà de la communauté pro-nucléaire ?

Les médias sociaux sont très utiles à cet égard. Non seulement vous pouvez créer du contenu, et c’est ce que je fais, mais vous pouvez aussi dialoguer avec les gens par l’intermédiaire de ce contenu. Vous pouvez répondre à ceux qui ont des questions et qui sont curieux.

Toutes les occasions sont bonnes pour aborder le sujet de l’énergie d’origine nucléaire. Lorsque je vais chez le médecin, par exemple, et que quelqu’un m’interroge sur mon travail, je dis que je travaille dans le domaine de l’énergie nucléaire, et cela débouche toujours sur une conversation intéressante. Il est également très important de dialoguer avec les populations locales vivant autour des centrales nucléaires. Parce que leurs communautés bénéficient grandement de cette installation, ces personnes sont les meilleurs défenseurs du nucléaire.

Un autre sujet qui devrait être expliqué en détail est celui des déchets radioactifs, car c’est l’un des principaux problèmes soulevés par les gens. Quiconque a vu des déchets nucléaires peut vous dire qu’il s’agit de la chose la plus inintéressante du monde : ce sont juste des fûts en béton, simplement posés là. Il serait vraiment utile de continuer à montrer aux gens à quoi ressemblent les déchets nucléaires et de faire passer le message qu’ils sont gérés de façon sûre et, honnêtement, qu’il s’agit d’une chose bien plus banale qu’on ne le pense.

Quelle a été votre plus grande réussite dans votre carrière d’influenceuse dans le domaine de l’énergie nucléaire ?

Le sauvetage de la centrale nucléaire de Diablo Canyon en Californie de la fermeture en 2022 est ma grande fierté, et ce pour de nombreuses raisons. Lorsque j’ai commencé à travailler comme influenceuse dans le domaine de l’énergie nucléaire, j’ai fait des recherches sur les centrales qu’il était prévu de fermer de façon prématurée aux États-Unis d’Amérique. Il y en avait cinq à l’époque, et Diablo Canyon se distinguait, non seulement parce que c’était une belle installation et qu’elle pouvait continuer à fonctionner pendant encore 20 ans, mais aussi parce qu’elle était le symbole du mouvement anti-nucléaire aux États-Unis d’Amérique. Lors de la construction de Diablo Canyon à la fin des années 1960 et dans les années 1970, de nombreuses manifestations ont été organisées, dont un rassemblement auquel ont participé quelque 30 000 personnes.

Sauver cette centrale c’était envoyer un message au public et aux responsables politiques : le vent a tourné, les gens sont désormais favorables à l’énergie d’origine nucléaire. J’ai pensé que c’était une bonne cause et j’ai collaboré avec un grand nombre d’organisations diverses aux États-Unis. Nous avons organisé le plus grand rassemblement pro-nucléaire qu’ait connu le pays. J’ai également créé une organisation à but non lucratif appelée Save Clean Energy, et j’ai écrit au Gouverneur de Californie une lettre signée par 80 experts et entrepreneurs de premier plan dans le domaine de l’énergie et du climat, pour l’exhorter à maintenir ouverte la centrale de Diablo Canyon. Grâce à ces actions, la centrale restera ouverte pendant au moins cinq ans après 2025, l’année initialement prévue pour sa fermeture.

Quels sont vos projets et plans récents pour Isodope ?

J’écris actuellement un livre, intitulé Rad Future, sur l’énergie d’origine nucléaire ; il est rédigé dans un style proche de celui d’Isodope, facile à comprendre. En ce qui concerne les activités bénévoles, je me concentre sur la transition charbon-nucléaire, car je pense que c’est probablement notre meilleure chance d’accélérer le déploiement de l’énergie d’origine nucléaire, du moins aux États‑Unis d’Amérique.

Enfin, je pense que l’industrie de la mode peut nous permettre de toucher un public totalement différent. J’ai rédigé des éditoriaux et réalisé des interviews sur l’énergie d’origine nucléaire dans le secteur de la mode, et je continuerai à le faire. Beaucoup de collaborations intéressantes peuvent se nouer dans ce secteur à l’avenir.

09/2023
Vol. 64-3

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