You are here

ITER : la plus vaste expérience de fusion au monde

Wolfgang Picot

Site de construction d’ITER. (Photo : ITER)

Avec ses 23 000 tonnes et près de 30 mètres de haut, ITER sera vraiment impressionnant. Ce réacteur nucléaire de fusion trônera au milieu d’un site de 180 hectares, aux côtés de bâtiments et de matériel auxiliaires. De par ses dimensions imposantes, ITER, qui signifie « le chemin » en latin, dépassera largement les plus grands réacteurs de fusion expérimentaux actuellement en service : le Tore européen commun (JET) au Royaume-Uni, et le JT-60SA, réacteur conjoint Europe-Japon, au Japon.

Mais de quoi sera capable ITER et, à l’ère de la miniaturisation et de l’optimisation, pourquoi construire un dispositif de recherche aussi gigantesque ?

L’un des objectifs d’ITER est de prouver que les réactions de fusion peuvent produire une quantité d’énergie bien supérieure à celle nécessaire pour déclencher le processus, ce qui se traduit par un gain d’énergie. Dans les réacteurs tels qu’ITER, appelés « tokamaks » , la combinaison de systèmes de chauffage, d’aimants puissants et d’autres dispositifs permet de créer des réactions productrices d’énergie dans des plasmas extrêmement chauds. Les champs magnétiques qui en résultent lient et font tournoyer les particules chargées dans la cuve du réacteur en forme d’anneau, pour qu’elles puissent fusionner et produire l’énergie de fusion.

Pour ce qui est de la taille, les grands tokamaks isolent mieux et confinent plus longtemps les particules de fusion, permettant de produire plus d’énergie qu’avec des réacteurs plus petits.

Un indicateur important de la performance d’un réacteur est le gain d’énergie de fusion, ou le rapport entre la puissance de fusion produite et la puissance introduite dans le plasma pour déclencher la réaction. Il est exprimé par le symbole « Q ».

À ce jour, le meilleur gain (Q = 0,67) a été obtenu avec le JET, qui a produit 16 mégawatts (MW) de puissance de fusion à partir d’une puissance de chauffage de 24 MW. Cependant, il faudra des valeurs de Q bien supérieures pour produire de l’électricité.

Conditions requises pour la puissance

Au cours des 50 dernières années d’expériences de la fusion, la performance des dispositifs de fusion a augmenté d’un facteur 100 000, mais elle doit encore augmenter d’un facteur 5 pour atteindre le niveau de performance requis pour une centrale nucléaire. Les chercheurs s’emploient donc à optimiser l’état du plasma en modifiant sa température, sa densité et son temps de confinement.

Certaines de ces améliorations résultent du passage de réacteurs de fusion expérimentaux à une échelle supérieure. ITER ayant une hauteur et un rayon deux fois plus grands que ceux du JET, le volume de son plasma sera dix fois supérieur. Ce réacteur, qui intègre des conceptions nouvelles et des matières innovantes, comportera aussi certains des dispositifs de chauffage du plasma les plus puissants jamais utilisés. L’objectif est de produire, avec une puissance de chauffage injectée dans le plasma de 50 MW seulement, une puissance de fusion de 500 MW (soit une valeur de Q d’au moins 10) par impulsions de quelque 5 à 10 minutes chacune.

La performance maximale d’ITER sera impressionnante, mais ne sera atteinte que sur une très courte durée. Pour constituer une source d’électricité constante, les futures centrales de fusion devront être exploitées en continu. Une valeur de Q égale à cinq représente le seuil critique au-dessus duquel le plasma commence à chauffer pour entretenir à lui seul la réaction de fusion. Afin de mieux comprendre comment parvenir à cette réaction auto-entretenue, on vise, à terme, à générer et à maintenir avec ITER des valeurs de Q égales à cinq sur des durées bien supérieures à dix minutes.

Une collaboration mondiale

Les 35 nations participant à ITER représentent plus de la moitié de la population mondiale et 85 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. Si beaucoup d’expériences de fusion plus modestes sont actuellement menées dans le monde, la plupart d’entre elles se coordonnent, coopèrent ou collaborent encore avec l’Organisation ITER.

L’AIEA et l’Organisation ITER ont collaboré étroitement depuis le début, en particulier dans les domaines de la recherche sur la fusion nucléaire, de la gestion des connaissances, de la mise en valeur des ressources humaines, des activités d’enseignement et de l’information active. L’AIEA aide également l’Organisation ITER à faire part de son expérience en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection avec les États Membres de l’AIEA, y compris ceux qui ne participent pas au projet. Cette année, l’Organisation ITER accueillera, avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), la 28e Conférence de l’AIEA sur l’énergie de fusion.

On espère qu’ITER montrera qu’il est scientifiquement et technologiquement possible de produire de l’énergie de fusion et que les premières expériences débuteront en 2025, conformément au plan de recherche suivant l’approche par étapes. Les expériences à plein régime devraient commencer en 2035. S’ils sont concluants, ces développements constitueront une étape importante et assureront la transition historique entre la recherche expérimentale et les premières centrales de démonstration à fusion, ou DEMO. Les DEMO devraient permettre d’obtenir un gain net d’énergie électrique. Plusieurs concepts préliminaires de réacteurs de type DEMO sont déjà à l’étude. Si tout se déroule comme prévu, ils pourraient être mis en exploitation d’ici 2050.

05/2021
Vol. 62-2

Suivez-nous

Lettre d'information