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À la recherche d’alternatives au confinement magnétique

Fusion par laser, dispositifs linéaires et combustibles avancés

Peeva, Aleksandra

Les exploitants de l’Installation nationale d’ignition (NIF) inspectent un montage optique final lors d’une opération de maintenance courante. Située dans le Laboratoire national Lawrence de Livermore, la NIF est le système de laser le plus grand et le plus puissant au monde. (Photo : Laboratoire national Lawrence de Livermore)

La fusion par laser est une méthode d’amorçage de la réaction de fusion qui pourrait être utilisée à la place du confinement magnétique. Elle repose sur la technique du confinement inertiel : de minuscules capsules sphériques contenant des pastilles de combustible composé d’isotopes d’hydrogène, comme le deutérium et le tritium, sont chauffées et comprimées par des lasers de haute puissance.

La chaleur intense à la surface de la capsule provoque une micro-implosion du combustible, qui entraîne à son tour l’ablation et l’explosion de la couche superficielle de la pastille. L’inertie créée par ce processus maintient le combustible confiné suffisamment longtemps pour permettre des réactions de fusion.

Les premières expériences dans le domaine de la fusion par laser remontent aux années 1970. Aujourd’hui, avec 192 faisceaux laser, l’Installation nationale d’ignition (NIF) du Laboratoire national Lawrence de Livermore (États-Unis d’Amérique) est de loin la plus grande installation laser au monde. Les lasers y chauffent les parois intérieures d’un cylindre doré (hohlraum) contenant la capsule dans laquelle se trouve la pastille de combustible deutérium-tritium. L’interaction laser-hohlraum génère des rayons X qui, en chauffant et en comprimant la capsule, créent un point chaud au centre de la pastille. C’est là que se produisent les réactions de fusion.

Pour atteindre l’ignition, c.-à-d. le point à partir duquel la réaction de fusion s’auto-entretient complètement, les capsules doivent libérer environ 30 fois plus d’énergie qu’elles n’en absorbent.

« Nous avons nettement progressé à la NIF ces cinq dernières années et pouvons maintenant produire deux fois et demie à trois fois plus d’énergie que nous n’en injectons dans le point chaud du combustible », explique Brian Spears, responsable adjoint de la modélisation de la fusion par confinement inertiel à la NIF. « Un facteur d’amplification de 30 reste un objectif majeur mais ce n’est pas un processus linéaire et nous avons déjà franchi de nombreuses étapes importantes sur le plan technique. »

Pour que la fusion soit commercialement viable, la pression au centre du point chaud du combustible doit être plusieurs milliards de fois supérieure à la pression atmosphérique. La NIF a fait d’énormes progrès à cet égard en remplaçant les capsules en plastique par du carbone microcristallin de haute densité, en améliorant les dispositifs techniques qui soutiennent les capsules et en perfectionnant les structures utilisées pour introduire le combustible de fusion dans la capsule. Les experts ont ainsi pu augmenter considérablement le rendement du transfert d’énergie du laser à la capsule, ce qui a accru la production d’énergie.

« Des défis scientifiques majeurs restent à relever mais les récentes avancées à la NIF et dans d’autres installations prouvent que nous sommes de plus en plus près d’atteindre le point d’ignition par fusion laser », déclare Brian Spears.

En 2020, l’AIEA a lancé un projet de recherche coordonnée (PRC) intitulé « Filières d’énergie de fusion inertielle : recherche sur les matériaux et développement de la technologie », auquel participent 24 établissements de 17 pays. Quatrième volet d’une série de PRC dans ce domaine, ce projet est consacré au développement de modèles de capsules à rendement élevé qui permettraient d’obtenir une réaction de fusion auto-entretenue.

Fusion par faisceaux en collision

Une autre méthode que le confinement laser et le confinement magnétique consiste à projeter l’un contre l’autre des faisceaux d’ions générés par des accélérateurs de particules pour déclencher une réaction de fusion au point de rencontre. Un inconvénient majeur de cette méthode est la forte probabilité que les particules rebondissent les unes sur les autres sans fusionner et donc sans produire d’énergie.

Aux États-Unis, la société privée TAE Technologies (TAE) utilise un dispositif linéaire : deux plasmas sont tirés à chaque extrémité d’un réacteur cylindrique de 25 mètres de long, de sorte qu’ils entrent en collision au centre et fusionnent pour former un nuage. Des atomes de deutérium sont alors bombardés sur ce nuage pour le faire tourner et maintenir la température et la stabilité du plasma.

Du confinement alternatif aux combustibles avancés

Les techniques de fusion par laser et par dispositif linéaire ont l’avantage d’être plus facilement adaptables à l’utilisation de combustibles autres que le deutérium et le tritium. Ces isotopes de l’hydrogène sont généralement utilisés ensemble pour amorcer la fusion car ils présentent le meilleur taux de réaction à une température plus faible que les autres combustibles.

Cependant, le tritium, radioactif, n’est pas présent naturellement en quantités significatives. Il faut donc le produire en faisant interagir les neutrons issus de la fusion et le lithium entourant la paroi du réacteur. En outre, l’énergie de ces neutrons représente un défi colossal en ce qui concerne les matériaux de la chambre à vide du réacteur car les structures et les composants des parois du réacteur deviennent radioactifs lorsqu’ils sont percutés par les neutrons. Des éléments supplémentaires doivent donc être pris en considération en matière de radioprotection et d’élimination des déchets.

Pour contourner les problèmes liés à l’utilisation du tritium, les scientifiques expérimentent maintenant des combustibles de fusion alternatifs ou avancés comme le proton-bore 11 (p-B 11). Le bore 11, non radioactif, constitue environ 80 pour cent du bore présent dans la nature et est donc facilement disponible. Cependant, la fusion p-B 11 a pour inconvénient majeur qu’elle nécessite un plasma cent fois plus chaud que le plasma de deutérium-tritium. Heureusement, les dispositifs d’allumage par laser et les dispositifs linéaires permettent de cibler les points chauds et il ne faut donc pas que tout le plasma soit beaucoup plus chaud.

« Le p-B 11 est la source de combustible la plus propre et la plus respectueuse de l’environnement sur Terre : il ne génère pas de sous-produits nocifs et est présent naturellement en quantité suffisante pour plusieurs millénaires. Ensemble, ces facteurs peuvent maximiser la sûreté, l’efficience, l’efficacité et la viabilité des centrales à fusion », déclare Michl Binderbauer, président-directeur général de TAE. « La principale difficulté avec le p-B 11 est qu’il faut atteindre des températures plus élevées qu’avec les autres combustibles pour entretenir la réaction de fusion. TAE a mis au point un concept de confinement adapté pour relever ce défi. »

Les combustibles avancés pourraient donc constituer un moyen plus efficace et plus efficient de produire de l’énergie de fusion à l’avenir.

05/2021
Vol. 62-2

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