1. Pouvez-vous décrire le rôle et le travail de l’Union interparlementaire, en particulier en ce qui concerne le renforcement des moyens dont disposent les parlements pour promouvoir la paix, la sécurité et les ODD ?
L’Union interparlementaire (UIP) a été créée il y a 135 ans, elle a été la première organisation politique multilatérale au monde. Son objectif est de promouvoir la paix par la diplomatie parlementaire et le dialogue. Plus concrètement, elle encourage les parlementaires à se rencontrer et à choisir la voie de la médiation plutôt que de résoudre leurs différends par la guerre.
En tant que Présidente de l’UIP, je suis fière de constater que nous comptons maintenant 180 parlements membres, qui représentent la plupart des 46 000 parlementaires du monde. Les fondateurs de l’UIP ont tous deux reçu un prix Nobel de la paix, tout comme une douzaine d’autres membres éminents de l’organisation.
L’UIP joue un rôle particulier dans les pays sortant d’un conflit ou en transition vers la démocratie. Elle les aide à faire de leurs parlements des institutions solides et démocratiques, capables de surmonter les divisions nationales, et elle protège les citoyens afin qu’ils puissent vivre à l’abri de la peur et de la guerre.
Le désarmement et la non-prolifération sont deux autres aspects essentiels à la paix. L’UIP œuvre en faveur d’un monde exempt d’armes nucléaires et encourage la pleine mise en œuvre de la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui vise à empêcher les acteurs non étatiques de se procurer des armes de destruction massive. Elle travaille également à l’éradication des flux illicites d’armes légères et de petit calibre, utilisées au quotidien pour commettre des violences et des meurtres. Parce que les conséquences de la guerre sont souvent disproportionnées pour les femmes et les jeunes, nous mettons l’accent sur ces groupes dans nos efforts de paix et de sécurité, à la lumière des résolutions 1325 et 2250 du Conseil de sécurité de l’ONU.
L’une de mes priorités en tant que Présidente de l’UIP est la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable (ODD). Du fait de leurs responsabilités législatives, budgétaires et de contrôle, les parlements jouent un rôle clé dans la réduction des inégalités sociales et économiques. Ils peuvent notamment améliorer la santé des populations qu’ils représentent et agir pour sauver la planète face à l’urgence climatique. Notre outil d’auto-évaluation des ODD, créé avec le Programme des Nations Unies pour le développement et traduit dans une douzaine de langues, connaît également un grand succès. Son but est d’aider les parlementaires à recenser les bonnes pratiques et les possibilités d’institutionnalisation et d’intégration des ODD dans le processus législatif, ainsi que les enseignements en la matière.
2. Comment l’UIP contribue-t-elle à l’universalisation des instruments juridiques de sécurité nucléaire ?
Le soutien à la ratification des instruments juridiques de désarmement et de sécurité nucléaire est l’un des principaux domaines d’activité de l’UIP, et j’en suis fière. Nous sensibilisons et aidons à la ratification et à la mise en œuvre des traités et initiatives de désarmement. Il existe de nombreux exemples de parlementaires dévoués qui se sont faits les champions d’une cause et qui ont changé la donne en parvenant à faire signer et ratifier ces instruments internationaux.
Le rôle clé des parlements dans l’universalisation des traités internationaux est malheureusement souvent négligé. Ils sont pourtant les responsables de la ratification de tout texte international et de son intégration dans le droit national en vue de sa bonne mise en œuvre.
L’UIP discute depuis de nombreuses années de la question nucléaire – tant au point de vue de l’utilisation pacifique que dans une perspective de non-prolifération et de désarmement – car elle est au cœur de ses efforts de paix, de sécurité internationale et de développement. L’organisation met également l’accent sur les conséquences et l’importance de l’universalisation des instruments juridiques de sécurité nucléaire.
L’une des premières résolutions de l’UIP sur la question, adoptée lors de la 91e Conférence interparlementaire en 1994, s’intitule L’importance de se conformer strictement aux obligations énoncées dans le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
En 1995, l’UIP a adopté une résolution qui a été le fer de lance du mouvement en faveur de la conclusion rapide d’un traité d’interdiction véritablement complète et internationalement vérifiable des essais nucléaires – mouvement qui a abouti à l’adoption, en 1996, du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE).
Depuis lors, les sujets de la non-prolifération et du désarmement nucléaires sont restés des priorités pour l’UIP. L’organisation adopte régulièrement des résolutions et des déclarations de haut niveau sur la question, dont la résolution historique de 2014 intitulée Pour un monde exempt d’armes nucléaires : la contribution des parlements, qui invite les parlements à garantir le plein respect de toutes les dispositions du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et à renforcer la sécurité de toutes les matières nucléaires.
L’UIP s’est efforcée de sensibiliser ses parlements membres à l’importance de la pleine mise en œuvre de ces instruments, notamment en organisant des séminaires régionaux au titre de la résolution 1540 du Conseil de sécurité de l’ONU. De tels événements sont l’occasion de souligner la nécessité urgente d’élaborer et de maintenir des mesures appropriées et efficaces de comptabilisation et de sécurisation des matières nucléaires.
Des campagnes ciblées ont également été menées sur les instruments internationaux liés au nucléaire et ont été couronnées de succès. À titre d’exemple, l’UIP a contribué à la plupart des ratifications du TICE depuis 2019.
3. Pourquoi les parlementaires sont-ils importants dans la promotion de l’adhésion aux instruments juridiques internationaux tels que la Convention sur la protection physique des matières nucléaires (CPPMN) et son amendement ?
La diplomatie parlementaire peut contribuer à lever les obstacles nationaux à la signature et à la ratification des instruments juridiques internationaux. Les parlements jouent également un rôle important dans le contrôle de la mise en œuvre complète de ces instruments. L’UIP épaule ses 180 parlements membres en créant des forums de partage de données d’expérience et en présentant les avantages et les résultats des traités sur la non-prolifération et la sécurité nucléaire.
C’est un travail important, car aucun parlement ne veut être le « maillon faible » – d’autant plus lorsque l’on sait que l’infrastructure internationale des instruments juridiques de non-prolifération, de sûreté nucléaire et de désarmement ne peut réellement être efficace que si elle est mise en œuvre à l’échelle mondiale.
En ce qui concerne la CPPMN et son amendement, et compte tenu des réalités du terrain, les pays doivent être conscients qu’il existe un risque réel que leur territoire serve de voie de transport de matières nucléaires illicites, et doivent garder à l’esprit que leurs voisins sont également exposés à cette menace.
Dans le cadre établi par la CPPMN, les parlements comprennent qu’ils ne peuvent pas s’attaquer seuls à ce problème et que, s’ils ne parviennent pas à coopérer, la sûreté de leurs électeurs et de ceux des pays voisins ne pourra pas être garantie.
Les parlementaires sont bien conscients que les problèmes mondiaux appellent des solutions mondiales, et les occasions de présenter un front uni sur des questions d’une telle importance sont rares. Je suis convaincue que les Nations Unies, les agences spécialisées comme l’AIEA et la communauté parlementaire mondiale représentée par l’UIP peuvent réussir à relever les multiples défis auxquels le monde est confronté aujourd’hui.