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Maintenir en activité les réacteurs de recherche vieillissants dans le monde

Emma Midgley

En 2022, lors d’une mission d’évaluation de l’utilisation et de la maintenance du réacteur de recherche Maria (Pologne), des experts se sont penchés sur les systèmes d’assurance de la qualité et de gestion, les pratiques d’utilisation et de maintenance, et le programme de gestion du vieillissement. (Photo : Centre national pour la recherche nucléaire, Pologne)

On compte plus de 220 réacteurs de recherche en service dans le monde. Ceux-ci proposent des services essentiels, comme la production de radio-isotopes médicaux, et permettent de mener des recherches scientifiques dans les domaines de l’agriculture et de l’industrie. Néanmoins, ces installations vieillissent. La plupart d’entre elles fonctionnent depuis plus de 50 ans. Aidés par l’AIEA, les organismes responsables et organismes de réglementation s’emploient à remettre en état et à moderniser ces réacteurs pour qu’ils puissent continuer à fournir des biens et services en toute sûreté et sécurité.

« De nombreux pays ne disposent d’aucune solution de remplacement pour ces réacteurs de recherche, et ne prévoient pas non plus d’en construire de nouveaux », explique Ruben Mazzi, responsable technique de l’utilisation et de la maintenance des réacteurs de recherche à l’AIEA. « Nous aidons les pays à prendre les mesures nécessaires pour maintenir ces réacteurs en activité. Chaque réacteur est différent et vieillit différemment. Les ressources et services que propose l’AIEA au parc mondial sont d’une grande aide pour gérer le vieillissement. »

En 2001, face à un parc de réacteurs de plus en plus vieillissant, l’AIEA a pris les devants et lancé son plan de renforcement de la sûreté des réacteurs de recherche, qui vise à aider les pays à assurer un haut niveau de sûreté dans les réacteurs de recherche. C’est dans ce cadre qu’elle a créé le Code de conduite pour la sûreté des réacteurs de recherche, qui fournit aux pays des orientations sur l’élaboration et l’harmonisation des politiques et des réglementations relatives à la sûreté de ces types de réacteurs. Forts de l’appui de l’AIEA, les pays s’emploient ainsi à mettre en œuvre des programmes systématiques de gestion du vieillissement.

L’AIEA a conçu des activités complémentaires pour aider les pays à gérer leurs réacteurs de recherche vieillissants. Elle a établi des normes de sûreté et rédigé des lignes directrices techniques, qu’elle continue de mettre à jour, et poursuit ses examens par des pairs et services consultatifs, tout en organisant des réunions techniques, ateliers et formations.  

 

L’AIEA a adapté la méthode SALTO, portant sur les questions de sûreté concernant l’exploitation à long terme des réacteurs nucléaires, aux réacteurs de recherche. En 2017, elle a mené à bien la première mission SALTO sur un réacteur de recherche – à savoir le réacteur belge BR2. Les missions SALTO ont pour but d’examiner les procédures et pratiques des installations à l’aune des normes de sûreté de l’AIEA et de formuler des recommandations pour améliorer la sûreté et l’efficacité des projets de modernisation et de rénovation de ces installations. « Au-delà des systèmes et composants, la rénovation et la modernisation supposent également d’améliorer la sûreté, pour que l’installation de réacteur soit bien conforme aux dernières normes correspondantes de l’AIEA », explique Amgad Shokr, chef de la Section de la sûreté des réacteurs de recherche de l’AIEA.

Il est nécessaire d’examiner régulièrement les structures, systèmes et composants en vue de détecter d’éventuelles dégradations et ainsi évaluer les effets du vieillissement sur la sûreté et le fonctionnement, ou pour éviter des réparations coûteuses. Les organismes responsables exécutent des programmes de maintenance de routine et d’essais périodiques pour veiller à ce que les structures, systèmes et composants soient toujours en mesure de remplir leurs fonctions et à ce que le réacteur fonctionne dans ses limites et conditions d’utilisation. Ces examens exigent parfois de recourir à des techniques spéciales et à des ressources supplémentaires dont tous les organismes responsables ne disposent pas nécessairement. 

L’examen visuel et les essais non destructifs permettent d’évaluer la sûreté et les conditions de fonctionnement des structures, systèmes et composants d’une installation de réacteur, y compris la plaque de support et la grille du cœur du réacteur. (Photos : R. Mazzi/AIEA)

L’AIEA fournit aux pays qui en font la demande le matériel nécessaire ou des conseils d’expert pour aider l’organisme responsable à mener à bien des activités spécifiques dans le cadre d’inspections en service. Ces types d’inspections consistent à examiner les composants importants pour la sûreté et l’utilisation des réacteurs. Des outils spécialisés peuvent surveiller les défauts structurels et dommages causés à l’infrastructure physique d’un réacteur. Ces examens permettent de détecter rapidement et au fil du temps les fissures, autres défauts ou faiblesses dans les structures en béton ou métal du réacteur, à l’aide de caméras sous-marines résistantes aux rayonnements et d’autres outils spécialisés.

L’AIEA prévoit une nouvelle publication pour 2024, provisoirement intitulée Guidelines for Non-Destructive Examination, In-Service Inspection and On-Line Monitoring Programme for Research Reactors.

Renforcer la durabilité

Les missions d’évaluation des opérations et de la maintenance des réacteurs de recherche (OMARR) sont un autre type d’examen par des pairs qui aide les pays à gérer les réacteurs vieillissants. Les missions de ce type se concentrent sur des aspects de l’utilisation et de la maintenance qui doivent être pris en compte tout au long de la durée de vie des réacteurs, de la mise en service au déclassement. Grâce aux missions OMARR, les pays peuvent améliorer la durabilité et la fiabilité d’un réacteur de recherche et optimiser l’utilisation des ressources humaines et financières, en tenant compte des normes de l’AIEA, des bonnes pratiques internationales et des réglementations nationales.

Ces missions indiquent les points à améliorer, traitent des difficultés spécifiques en matière d’utilisation, et créent une plateforme de mise en commun de données d’expérience et de bonnes pratiques entre les experts internationaux et le personnel local. Depuis 2012, des missions OMARR et pré‑OMARR ont été menées – ou sont encore en cours – dans les pays suivants : Bangladesh, Chili, États‑Unis d’Amérique, Indonésie, Italie, Pologne, Portugal, République démocratique du Congo, République islamique d’Iran, Thaïlande et Ouzbékistan. 

Sammy Malaka, responsable de l’utilisation des réacteurs à la South African Nuclear Energy Corporation, a pris part en tant qu’expert à la mission pré‑OMARR de 2018 et à la mission d’inspection en service de 2023 au réacteur de recherche TRICO II en République démocratique du Congo. Le réacteur TRICO II, en arrêt prolongé depuis 2004, devrait désormais redémarrer et reprendre ses activités de recherche scientifique, de formation, de production de radio‑isotopes et de caractérisation des matériaux.

« Ces deux missions, qui ont été une réussite, aideront l’installation TRICO II à mettre en place les structures, systèmes et composants minimaux nécessaires au programme de remise en service du réacteur et à son utilisation à long terme », explique M. Malaka. « Nous avons notamment souligné combien il était important de mettre en place un programme de gestion du vieillissement pour gérer les structures, systèmes et composants et suivre et contrôler les projets d’amélioration, de modernisation ou de remplacement, car cela peut être bénéfique à long terme pour l’installation après un programme de remise en service réussi. »

En mai 2023, une mission OMARR a été menée, avec l’aide d’experts d’Australie et de République tchèque, au réacteur de recherche TRR‑1/M1 en Thaïlande, utilisé pour la production de radio-isotopes, la recherche‑développement et la formation théorique et pratique. « Les suggestions formulées par les membres de la mission se sont révélées utiles pour créer et mettre en œuvre des programmes de maintenance systématique et efficace et de gestion du vieillissement pour le réacteur TRR‑1/M1, en vue d’en assurer un meilleur fonctionnement et une utilisation plus efficace », indique Kanokrat Tiyapun, responsable du réacteur à l’Institut thaïlandais de technologie nucléaire. « C’est un élément clé pour le développement durable de la capacité nucléaire – l’expertise technologique et les ressources humaines – et pour l’infrastructure requise pour les futurs programmes nucléaires en Thaïlande. »

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Qu’entend-on par « vieillissement » des réacteurs de recherche ?

Dans le contexte des réacteurs de recherche, on distingue deux types de vieillissements :

Le vieillissement physique est la dégradation de l’état physique des systèmes et des composants du réacteur. Au fil du temps, l’exposition à des environnements agressifs et à des conditions de fonctionnement difficiles, telles que l’irradiation, les agents corrosifs et les vibrations, dégrade certains matériaux et composants.

L’obsolescence est un autre type de vieillissement. C’est ce qui se passe lorsque la technologie utilisée pour les ordinateurs et les systèmes de contrôle‑commande devient obsolète, ou que les règles de sûreté changent et deviennent obsolètes.

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Missions d’examen et services consultatifs

Les experts de la mission de l’AIEA et le personnel du Centre de recherche de Řež (CVŘ) discutent des recommandations de l’évaluation intégrée de la sûreté des réacteurs de recherche dans la salle de commande du réacteur de recherche LVR-15 à Řež (République tchèque), en 2023. (Photo : CVŘ)

L’AIEA propose plus de 30 services d’examen par des pairs et services consultatifs pour aider les pays à renforcer et à améliorer leurs activités liées au nucléaire. Organisés sur demande, les examens par des pairs sont réalisés par des équipes internationales d’experts dirigées par l’AIEA. Les équipes évaluent les infrastructures nationales et pratiques en vigueur dans les pays sur la base des orientations de l’AIEA, des normes de sûreté et des bonnes pratiques internationales. Ces services, souvent appelés « missions », portent sur un large éventail de spécialités, allant de la sûreté nucléaire au secteur de la santé.

L’AIEA propose plusieurs missions d’examen par des pairs pour aider les pays à assurer une utilisation sûre, sécurisée, fiable et durable de leurs réacteurs de recherche. Les missions d’examen par des pairs de l’AIEA consacrées aux réacteurs de recherche sont les suivantes : l’examen intégré de l’infrastructure nucléaire pour les réacteurs de recherche (INIR‑RR), l’examen intégré de l’utilisation des réacteurs de recherche (IRRUR), l’évaluation intégrée de la sûreté des réacteurs de recherche (INSARR) et l’évaluation des opérations et de la maintenance des réacteurs de recherche (OMARR). Le Service consultatif international sur la protection physique (IPPAS) lié à la sécurité nucléaire et les questions de sûreté concernant l’exploitation à long terme (SALTO) couvrent aussi bien les réacteurs de recherche que les centrales nucléaires.

12/2023
Vol. 64-4

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