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La sécurité sanitaire des aliments : un moyen de se protéger des zoonoses

Joanne Liou

Le Laboratoire d’analyse des résidus de médicaments vétérinaires (VDRAL) rattaché à la Commission de l’énergie atomique du Bangladesh utilise des outils isotopiques et dérivés du nucléaire pour détecter et vérifier les résidus et contaminants présents dans les aliments. (Photo : VDRAL)

Les aliments apportent à notre corps les nutriments qui nous sont indispensables pour nous maintenir en vie. Cependant, lorsqu’ils sont contaminés par des agents pathogènes, notamment d’origine zoonotique, ils peuvent avoir des effets invalidants, voire mortels. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), plus de 200 maladies sont dues à la consommation d’aliments contaminés par des bactéries, virus, parasites ou substances chimiques.

Étant donné que la vue, le goût et l’odorat ne permettent pas toujours aux consommateurs de s’apercevoir qu’ils ont devant eux des aliments contaminés, ce sont les laboratoires en charge de la sécurité sanitaire des aliments qui, partout dans le monde, forment une ligne de défense pour prévenir et stopper la propagation d’agents pathogènes dangereux. En partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’AIEA aide des laboratoires du monde entier à détecter, suivre et surveiller les contaminants et les résidus agrochimiques dans les aliments.

À ce jour, l’appui de l’AIEA en matière de tests de sécurité sanitaire des aliments porte principalement sur la détection et le contrôle de résidus chimiques comme les médicaments vétérinaires, les pesticides et les contaminants. Les tests microbiologiques et la détection d’agents pathogènes figurent désormais dans de nombreux projets et devraient se généraliser à l’avenir.

« Les tests de routine, les procédures de surveillance et la participation aux enquêtes épidémiologiques donnent aux laboratoires chargés de valider la sécurité sanitaire des aliments la possibilité de déceler les écarts que présentent les agents pathogènes par rapport aux valeurs normales et d’identifier les nouveaux agents pathogènes », déclare A.S.M Saifullah, Directeur scientifique de l’Institut de biologie alimentaire et de radiobiologie (IFRB), organisme rattaché à la Commission de l’énergie atomique du Bangladesh. « Les laboratoires qui s’occupent d’assurer la sécurité sanitaire des aliments peuvent contribuer à se préparer à des maladies zoonotiques et à y faire face, notamment en situation d’urgence. »

Les maladies d’origine alimentaire et les zoonoses

Certaines infections bactériennes d’origine alimentaire comme la salmonellose, une infection causée par la salmonelle, sont considérées comme des zoonoses, c’est-à-dire des maladies infectieuses transmissibles de l’animal à l’homme. Des pratiques peu sûres utilisées dans les exploitations agricoles, un traitement inapproprié des aliments, ou encore une contamination aux stades de la fabrication ou de la distribution sont autant de moyens par lesquels la salmonelle, tout comme d’autres agents pathogènes, entrent en contact avec les aliments que nous mangeons. « Le premier moyen de transmission de nombreuses maladies zoonotiques, ce sont les aliments », explique James Sasanya, spécialiste de la sécurité sanitaire des aliments au Centre mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture.

Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) abonde dans le même sens. Un rapport publié par le PNUE en juillet 2020 sous le titre Prévenir de prochaines pandémies : les zoonoses et comment briser la chaîne de transmission s’est intéressé aux causes de la Covid-19 et autres zoonoses. Il est parvenu à la conclusion que quelque 75 pour cent des maladies humaines infectieuses nouvelles ou émergentes sont transmises de l’animal à l’homme, pour la plupart d’entre elles par des voies indirectes telles que le système alimentaire.

Les animaux peuvent paraître sains alors qu’ils sont malades, mais une fois transmise à l’homme, la maladie peut se manifester et avoir d’importantes répercussions sur le plan sanitaire. « Il faut que les pays soient prêts à mener régulièrement des tests de sécurité sanitaire des aliments pour pouvoir détecter les zoonoses et autres risques microbiens », souligne James Sasanya. « Qui sait quelle sera la prochaine pandémie, où et quand elle frappera ? Lorsque l’on cherche à déterminer les pandémies et maladies endémiques potentielles, il est essentiel de bien prendre en compte la sécurité sanitaire des aliments. »

Donner aux laboratoires plus de moyens

Le Centre mixte FAO/AIEA a apporté à nombre de pays un concours déterminant pour leur permettre de se doter de laboratoires qui puissent valider la sécurité sanitaire des aliments, d’en assurer le fonctionnement et de renforcer leurs moyens. Au Bangladesh par exemple, la FAO et l’AIEA ont aidé à mettre en place le Laboratoire d’analyse des résidus de médicaments vétérinaires (VDRAL) à l’IFRB. Dans le cadre des projets de coopération technique de l’AIEA, des experts de la FAO-AIEA ont formé les personnels scientifiques du VDRAL à pratiquer des tests concernant une série de risques alimentaires, et à dépister et vérifier la présence de résidus et contaminants dans les aliments.

Les experts de la FAO-AIEA ont fourni au VDRAL des orientations techniques pour le développement, la validation et la mise en œuvre des méthodes d’analyse. « Le laboratoire VDRAL utilise maintenant différents outils et techniques isotopiques et dérivés du nucléaire pour détecter les résidus antimicrobiens et les mycotoxines dans les aliments d’origine animale et végétale », précise A.S.M Saifullah, qui ajoute qu’un effort est fait pour renforcer les capacités en matière de tests microbiologiques des aliments, notamment en ce qui concerne les aspects relatifs aux zoonoses d’origine alimentaire.

Auparavant, le Bangladesh sous-traitait les tests alimentaires à l’étranger. Aujourd’hui, les analystes du VDRAL peuvent utiliser des outils de dépistage comme les dosages rapides par radiorécepteur et les méthodes de vérification isotopiques permettant de déterminer si les aliments contiennent des résidus antimicrobiens vétérinaires ou des mycotoxines. Plus de 3 000 échantillons alimentaires, parmi lesquels des œufs, du lait, du poulet et des crevettes, sont analysés chaque année pour obtenir des données sur les résidus. Grâce à ces informations, les organismes de réglementation, comme l’Autorité de sécurité sanitaire des aliments du Bangladesh, peuvent intervenir pour protéger la santé publique et améliorer le système national de contrôle de sécurité sanitaire des aliments.

« Cela fait du bien de voir un laboratoire qui n’avait que peu de moyens au départ être désormais en mesure de fournir au pays un appui analytique en matière de sécurité sanitaire des aliments et d’obtenir d’importantes aides publiques pour assurer sa viabilité », se réjouit Gerald Cirilo Reyes, un responsable de la gestion de programmes de l’AIEA pour le Bangladesh.

Les réseaux de sécurité sanitaire des aliments

L’IFRB du Bangladesh collabore avec d’autres laboratoires en charge de la sécurité sanitaire des aliments dans la région Asie et Pacifique via le Réseau asiatique de sécurité sanitaire des aliments, dont la coordination est assurée par l’AIEA. Les laboratoires qui valident la sécurité sanitaire des aliments sont là pour prévenir les cas de maladies d’origine alimentaire en s’attachant à maîtriser les risques par des tests de routine, des contrôles et des procédures de surveillance. Cela étant, les systèmes de sécurité sanitaire des aliments ne sont pas parfaits. « Il arrive effectivement qu’il y ait des cas de maladies, et il est important que les organismes compétents et les pouvoirs publics y soient préparés ; ils ne doivent prendre aucun risque à la légère, qu’il s’agisse de risques chimiques, physiques ou microbiologiques, comme les zoonoses », indique James Sasanya.

Les laboratoires du Réseau asiatique de sécurité sanitaire des aliments partagent des informations et des méthodes d’analyse, et participent aussi à des programmes de tests de compétence. Outre qu’elle est indispensable pour régler les questions régionales de sécurité sanitaire des aliments, cette approche pourrait servir à faire face aux situations d’urgence en la matière.

Le Centre mixte FAO/AIEA a également apporté son concours à la mise en place et au renforcement de réseaux de sécurité sanitaire des aliments dans d’autres régions, notamment en Amérique latine et en Afrique. Un projet de l’AIEA consacré aux interventions d’urgence touchant la sécurité sanitaire des aliments cherche actuellement à mettre au point des méthodes d’analyse isotopique et d’autres méthodes rapides et complémentaires dans les laboratoires du Centre mixte FAO/AIEA à Seibersdorf (Autriche), et à dispenser aux membres du réseau une formation qui leur permette d’appliquer ces méthodes sur le terrain. « Ces réseaux de laboratoires pourraient à l’avenir aider les pays à faire face aux situations d’urgence en matière de sécurité sanitaire des aliments, notamment les zoonoses d’origine alimentaire », estime James Sasanya.

 

09/2021
Vol. 62-3

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