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Fraude alimentaire : les trois produits les plus touchés et les solutions proposées par les scientifiques nucléaires pour la détecter

Monika Shifotoka

Saviez-vous que les aliments que vous avez dans votre cuisine ne sont pas toujours ce qu’ils semblent être et que leur composition ne correspond pas forcément aux informations figurant sur l’étiquette ?

Des fraudeurs ont subrepticement infiltré le lucratif marché mondial de l’alimentation et ont mis au point des méthodes destinées à escroquer les consommateurs, notamment en produisant des denrées alimentaires contrefaites qui imitent certaines marques ou recettes, en rajoutant des substances non déclarées dans les aliments, en diluant des ingrédients à forte valeur ajoutée ou en les remplaçant par des ingrédients à moindre prix, en dissimulant des ingrédients de mauvaise qualité, ou encore en apposant des étiquettes falsifiées sur les produits. Outre qu’elle se fait sentir sur le portefeuille des ménages et fait du tort au commerce international, la fraude alimentaire peut aussi mettre en danger la santé et la sécurité publiques.

La fraude alimentaire désigne toute action entreprise dans l’intention de tromper les clients sur l’identité, la qualité et la composition de produits alimentaires pour en tirer un profit financier. Compte tenu de la nature clandestine de ce type de fraude, il est difficile de calculer le coût exact qu’elle représente pour l’industrie alimentaire mondiale, mais on estime le préjudice subi par les producteurs à 40 milliards de dollars par an.

Dans le cadre de ses programmes de recherche et de coopération technique, et à la faveur des efforts conjoints qu’elle déploie avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’AIEA aide les pays à combattre la fraude alimentaire grâce aux techniques nucléaires et connexes, qui permettent de déterminer l’origine des aliments, de vérifier leur authenticité et de les analyser pour s’assurer qu’ils ne contiennent pas d’adultérants. Les méthodes d’authentification et de traçabilité des aliments, telles que l’analyse des isotopes stables, peuvent servir à détecter et prévenir la fraude alimentaire, et contribuent aussi à protéger la santé publique.

Quelle aide les scientifiques nucléaires peuvent-ils apporter pour détecter la fraude alimentaire ?

Chaque élément a une identité chimique définie par sa composition atomique, laquelle est constituée de neutrons, de protons et d’électrons. Les atomes qui possèdent le même nombre de protons mais ont un nombre différent de neutrons sont appelés isotopes. Les isotopes stables sont des formes non radioactives d’atomes qui, en raison de leurs propriétés uniques, se prêtent à un large éventail d’applications, y compris l’analyse scientifique des aliments et la détection de la fraude alimentaire.

En comparant les rapports des isotopes stables, les scientifiques peuvent faire la distinction entre des denrées alimentaires authentiques et celles qui sont adultérées, et repérer les étiquettes portant des informations mensongères concernant l’origine géographique d’un aliment et son processus de production. Pour mesurer les isotopes stables, la méthode utilisée est la spectrométrie de masse isotopique, qui permet de détecter les différences les plus infimes entre les proportions d’isotopes lourds et légers. Ces proportions sont comme des « empreintes digitales » ou des signatures que la nature laisse sur les aliments. Ces informations invisibles à l’œil nu peuvent servir à déterminer si les aliments que nous achetons contiennent effectivement les ingrédients mentionnés sur l’étiquette ou s’il s’agit de produits falsifiés.

Selvarani Elahi, responsable adjointe du Service Chimie pour le Gouvernement britannique et directrice exécutive du réseau Food Authenticity Network (FAN), met en avant les efforts de collaboration que celui-ci déploie pour empêcher la fraude alimentaire : « En tirant parti des informations, cours et outils mis gratuitement à leur disposition par ce réseau mondial, les pays peuvent améliorer leurs capacités de détection de la fraude alimentaire et y être moins exposés. » Le réseau FAN facilite la collaboration entre les scientifiques, l’industrie alimentaire, les pouvoirs publics et les universités.

Principales cibles des fraudeurs : l’huile d’olive, le miel et les produits de la mer

Parmi les produits alimentaires les plus touchés par la fraude alimentaire figurent l’huile d’olive (recherchée pour ses effets bénéfiques sur le cœur), les produits de la mer (prisés pour leur teneur en acides gras essentiels de type oméga‑3) et le miel (apprécié pour son goût sucré naturel et ses propriétés bienfaisantes pour la santé).

L’huile d’olive peut être adultérée par l’ajout d’autres produits moins chers tels que l’huile de tournesol, de colza ou même de noisette, ce qui entraîne des risques pour la santé des personnes allergiques aux huiles de substitution. Cette pratique a des répercussions sur la sécurité sanitaire des aliments, car l’huile adultérée peut contenir d’autres composants potentiellement toxiques ou nocifs.

L’analyse des isotopes stables permet aux scientifiques de retracer efficacement l’origine géographique d’un produit alimentaire, de différencier les aliments biologiques des aliments issus des méthodes de production conventionnelles, et de détecter les adultérations en repérant les incohérences dans les signatures isotopiques.

Le dépistage rapide est une autre méthode utilisée pour détecter les cas de fraude et vérifier l’authenticité et la provenance des denrées alimentaires.

Les scientifiques du Centre mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture (Centre mixte FAO/AIEA) ont réussi, grâce à la spectroscopie proche infrarouge, à distinguer l’huile d’olive extra vierge de Slovénie de celle d’autres pays, avec un taux de sensibilité de 94 % et un taux de spécificité de 86 %.

« La spectroscopie infrarouge et d’autres techniques telles que la chromatographie en phase gazeuse/spectrométrie à mobilité ionique peuvent être utilisées pour analyser des échantillons en laboratoire ou directement sur le terrain. Ces techniques se caractérisent par un débit de traitement des échantillons élevé et de faibles coûts opérationnels, dans la mesure où elles ne requièrent que peu ou pas de préparation des échantillons et ne nécessitent pas de produits chimiques ni d’installations de laboratoire spécialisées », explique Christina Vlachou, cheffe du Laboratoire du contrôle et de la sécurité sanitaire des aliments du Centre mixte FAO/AIEA.

La fraude portant sur le miel, qui consiste à rajouter au miel naturel des édulcorants meilleur marché tels que le sirop de maïs à haute teneur en fructose, est tout aussi répandue. L’analyse des isotopes stables et les outils de dépistage rapide peuvent aider à détecter l’adultération du miel, à vérifier les informations relatives à l’origine florale ou géographique, et à faire la différence entre le faux miel de manuka et le vrai – qui atteint des prix élevés.

Pour ce qui est des produits de la mer, les escroqueries prennent souvent la forme d’étiquettes falsifiées, procédé par lequel une espèce de poisson ou de fruit de mer meilleur marché est vendue comme une variété plus chère – une pratique qui non seulement trompe les consommateurs, mais sape également les efforts de conservation visant à prévenir la surpêche des espèces menacées d’extinction. L’analyse des isotopes stables permet aux scientifiques de vérifier si les produits sont correctement étiquetés, et peut même être utilisée pour distinguer les poissons d’élevage des poissons sauvages.

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L’AIEA œuvre pour la qualité et la sécurité sanitaire des aliments au niveau mondial et établit des partenariats axés sur la lutte contre la fraude alimentaire dans le cadre d’Atoms4Food, une nouvelle initiative phare lancée l’an dernier.

 

09/2024
Vol. 65-2

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