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Déclassement nucléaire

Gérer le passé et prévoir l’avenir

Patrick O’Sullivan

Le nombre d’installations nucléaires qui devront être déclassées devrait augmenter de manière significative au cours des 10 à 20 prochaines années. Il n’existe pas de relation simple entre l’âge d’une installation et le moment de sa mise à l’arrêt définitive, car de multiples facteurs, notamment politiques et économiques, peuvent influer sur cette décision. Le moment choisi pour le déclassement peut également dépendre de la maintenance, des coûts de rénovation et de l’évolution du marché de l’électricité, entre autres choses (voir cet article). Toutefois, les politiques gouvernementales encouragent de plus en plus les stratégies de déclassement immédiat, conformément aux principes de durabilité, afin que les charges liées au déclassement, comme la gestion des déchets, ne soient pas transférées aux générations futures. La possibilité de réutiliser un site pour la construction de nouvelles installations nucléaires ou à d’autres fins est également un élément important à prendre en compte.

Durée et budget

Le déclassement d’une grande installation nucléaire est une entreprise complexe qui nécessite généralement beaucoup de temps et un budget conséquent. Par exemple, le coût du déclassement d’un réacteur nucléaire de puissance, en incluant les coûts liés à la gestion des déchets associés, varie généralement entre 500 millions et 2 milliards de dollars, sachant que le déclassement des réacteurs refroidis par gaz et modérés au graphite est nettement plus coûteux que celui des réacteurs à eau pressurisée ou bouillante, du fait de la taille et de la complexité beaucoup plus importantes de ces réacteurs. Le processus de déclassement dure généralement de 15 à 20 ans, bien que cette durée soit variable. Le coût du déclassement d’une grande installation du cycle du combustible, par exemple une installation de retraitement du combustible usé, s’établit généralement aux alentours de 4 milliards de dollars, et cette opération peut prendre plus de 30 ans. Le déclassement d’un réacteur de recherche d’une puissance thermique de 10 mégawatts peut coûter plus de 20 millions de dollars et prendre de 5 à 10 ans, bien que le coût dépende de la taille du réacteur, de son objectif et de ses antécédents d’exploitation. Toutefois, certains exemples de réussite suggèrent qu’il est possible de réduire la durée et le coût du processus de déclassement.

Des défis de taille pour le secteur du déclassement

L’augmentation prévue du nombre d’installations nucléaires qui seront définitivement mises à l’arrêt d’ici à 2050 signifie que d’importantes ressources – tant humaines que financières – seront nécessaires pour mettre en œuvre les programmes de déclassement requis, dont certains s’étendront jusqu’à la fin de ce siècle. En ce qui concerne les installations commerciales, des fonds ont généralement été mis de côté durant l’exploitation pour couvrir les coûts de déclassement. En revanche, le déclassement d’un nombre important d’installations est financé, directement ou indirectement, par des ressources publiques. Dans ce cas, le processus peut être retardé si des financements suffisants ne sont pas disponibles. Il sera également nécessaire de disposer d’une main-d’œuvre importante et hautement qualifiée pour mettre en œuvre les futurs programmes de déclassement. Inciter les jeunes à opter pour une carrière dans le déclassement et la gestion des déchets radioactifs est l’un des défis les plus importants pour le secteur actuellement.

Recycler et réutiliser les déchets

Le déclassement entraîne la production de grandes quantités de matériaux et de déchets, dont la plupart n’ont pas été contaminés par des substances radioactives. Des efforts sont faits pour qu’une grande partie de ces déchets non contaminés, notamment les métaux, les débris de béton et la terre, soit recyclée ou réutilisée, conformément aux principes de l’économie circulaire (voir cet article). Dans certains cas, les gravats issus de la démolition peuvent être utilisés pour combler les espaces créés par l’enlèvement des structures souterraines. On envisage également d’accroître le recyclage des métaux, notamment en vue de leur réutilisation dans l’industrie nucléaire.

Pour une grande partie des matériaux ayant subi une contamination radioactive – qui représentent généralement environ cinq pour cent du volume total de matériaux issus du déclassement – le niveau de radioactivité n’est que très faible et ces matériaux peuvent être stockés définitivement dans des dépôts en surface ou à faible profondeur. Pour une petite partie des matériaux ayant subi une contamination radioactive (moins de cinq pour cent du volume total de matériaux issu du déclassement), la levée du contrôle réglementaire ou le stockage définitif en surface ou à faible profondeur ne sont pas envisageables en raison de leur activité élevée et de la présence de radionucléides hautement actifs ou à longue période ; ces matériaux seront à terme stockés de manière sûre dans des installations de stockage souterraines (voir cet article).

Faire face aux besoins futurs

Compte tenu de l’ampleur des besoins futurs en matière de déclassement et des gains d’efficience que pourraient permettre les nouvelles technologies, il est probable que les stratégies de mise en œuvre des projets évolueront grandement dans un futur proche, une fois que ces technologies auront été largement adoptées et que leur intérêt en termes de coût aura été démontré. Parmi ces évolutions, on peut citer l’application de techniques numériques pour faciliter la planification et optimiser la mise en œuvre des projets, l’utilisation accrue d’outils télécommandés, y compris les drones et la robotique, pour la segmentation des composants des centrales, la manipulation des matériaux, les mesures et la décontamination, l’automatisation accrue des activités de gestion des déchets et l’utilisation de l’intelligence artificielle (voir cet article).

La chaîne d’approvisionnement a une importance cruciale, car elle permet de garantir l’optimisation de la mise en œuvre des futurs projets, en termes d’efficacité et d’efficience. Il apparaît déjà de façon évidente que les acteurs de la chaîne d’approvisionnement consolident leur expertise pour pouvoir proposer une gamme plus large de services de déclassement dans des domaines tels que la recherche-développement concernant les nouvelles technologies, l’ingénierie, le démantèlement et la gestion des déchets radioactifs. Une évolution récente spécifique au domaine du déclassement de centrales nucléaires a été l’apparition de consortiums spécialisés dans le déclassement qui rassemblent des entreprises spécialisées pour mener du début à la fin des projets de déclassement dans les limites d’un budget donné, en appliquant des approches standardisées et en assumant tous les risques associés au projet (voir cet article).

 

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Qu’est-ce que le déclassement nucléaire ?

Dans le secteur de l’énergie nucléaire, le « déclassement » est un terme générique que l’on emploie pour désigner toutes les activités qui permettent la mise à l’arrêt définitive, la décontamination et le démantèlement des installations nucléaires ainsi que la levée du contrôle réglementaire auquel celles-ci sont soumises. Le déclassement n’est pas terminé tant que les matières radioactives et autres matières dangereuses n’ont pas été retirées du site, et que les bâtiments et les terrains utilisés jusqu’ici comme installations nucléaires n’ont pas été préparés aux fins d’autres usages. Dans l’étape finale (du processus de déclassement), des études approfondies sont menées pour confirmer l’absence de toute radioactivité significative sur le site, ce qui permet de lever le contrôle réglementaire sur ce site.

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04/2023
Vol. 64-1

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