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Le marché du déclassement nucléaire est promis à un bel essor

Emma Midgley, Joanne Burge

Le déclassement du site de Sellafield (Royaume-Uni) devrait durer de nombreuses décennies. (Photo : Sellafield Ltd.)

De nombreuses centrales nucléaires dans le monde approchant de la fin de leur cycle de vie, on assiste à l’émergence d’un nouveau secteur, celui du déclassement des installations nucléaires. Outre les centrales nucléaires, de nombreuses autres installations du cycle du combustible nucléaire, telles que les centres de recherche, les usines de retraitement du combustible usé et les installations de traitement des déchets, devront être déclassées une fois qu’elles auront atteint leur fin de vie. On estime que plusieurs centaines de milliards de dollars seront dépensés pour le déclassement dans le monde d’ici à 2050, et les entreprises et les investisseurs prennent déjà leurs dispositions.

Il y a actuellement environ 420 réacteurs nucléaires en service dans le monde. Le processus de déclassement de quelque 200 réacteurs nucléaires devrait commencer d’ici à 2050. Il faut des compétences spécialisées pour les travaux de déclassement des réacteurs (projets qui peuvent durer 20 ans ou plus du début à la fin) mais également pour la conception de nouvelles installations nucléaires. Une cinquantaine de réacteurs sont actuellement en construction dans le monde. Avant leur construction, un plan de déclassement a dû être établi pour chacun d’eux. Le secteur du déclassement semble donc avoir de belles perspectives à long terme.

[Le Réseau international sur le déclassement] contribue à la diffusion d’informations relatives au processus de déclassement par la mise en commun des meilleures pratiques et des innovations, afin d’améliorer la coopération et la coordination dans le secteur du déclassement à l’échelle mondiale.
Tetiana Kilochytska, spécialiste du déclassement, AIEA

Les entreprises de génie nucléaire, de construction, de démolition et de gestion des déchets devraient être les principaux fournisseurs de services au secteur. Leur rôle sera de décontaminer et de démanteler les installations nucléaires, et de réhabiliter les sites pour qu’ils soient sûrs et utilisables, en tenant compte des facteurs socio-économiques et de durabilité. Les installations nucléaires doivent également être démantelées et rendues sûres en tenant compte des incidences sur l’environnement, conformément aux principes de l’économie circulaire, notamment en recyclant les métaux, les câbles et les fils récupérés et en séparant le béton uniforme du béton armé. Pour accomplir cette tâche complexe, il faut également une main-d’œuvre spécialisée et très qualifiée dans le domaine nucléaire, qu’il faut maintenant renforcer pour éviter une pénurie de compétences à l’avenir.

Pour conserver les connaissances et faire progresser l’industrie, le Réseau international sur le déclassement de l’AIEA fournit un cadre permettant aux organisations et aux personnes intervenant dans le déclassement et le démantèlement d’installations nucléaires de mettre en commun l’expérience acquise et les enseignements tirés. L’AIEA aide les pays à planifier et à mettre en œuvre le déclassement en leur fournissant des conseils sur la sûreté et les aspects juridiques et techniques, et en favorisant le partage de connaissances dans le cadre de cours et d’ateliers. Elle joue un rôle important en facilitant une large collaboration internationale et en procédant à des examens techniques pour établir des bonnes pratiques et veiller à ce que des enseignements soient tirés de l’expérience.

« Le Réseau rassemble des organisations et des personnes intervenant dans le déclassement et le démantèlement d’installations nucléaires », indique Tetiana Kilochytska, spécialiste du déclassement à l’AIEA. « Il contribue à la diffusion d’informations relatives au processus de déclassement par la mise en commun des meilleures pratiques et des innovations, afin d’améliorer la coopération et la coordination dans le secteur du déclassement à l’échelle mondiale. »

Une des organisations qui mettent leur expertise à la disposition des autres est celle qui est responsable du site de Sellafield au Royaume-Uni. Diverses installations nucléaires ont été implantées sur ce site, notamment des réacteurs de puissance, des installations de retraitement du combustible et des usines de traitement des déchets. À son ouverture dans les années 1950, Calder Hall, sur le site de Sellafield, était la première centrale nucléaire commerciale au monde. Ayant à gérer un grand nombre d’installations nucléaires âgées sur une surface réduite, les professionnels du déclassement travaillant sur le site ont dû concevoir des solutions innovantes et inédites pendant le déclassement, en s’appuyant notamment sur la numérisation et la robotique.

« Il s’agit d’un défi très complexe en matière de déclassement nucléaire », reconnaît Mike Guy, de Sellafield Limited.

« La difficulté tient au grand nombre et à la diversité des installations très proches les unes des autres sur un site encombré. Les difficultés de gestion des déchets sont nombreuses, notamment les déchets stockés dans des piscines sous-marines et l’enlèvement des déchets de cellules particulièrement vastes et complexes. »

Le déclassement du site de Sellafield a commencé dans les années 1980 et devrait se poursuivre tout au long de ce siècle, voire au-delà. Les responsables du site de Sellafield sont donc idéalement placés pour faire profiter la communauté internationale du déclassement de leur expertise unique et de leur riche expérience. Ils ont déjà mis en œuvre de nouveaux processus pour simplifier et accélérer le traitement des déchets radioactifs sur les anciens sites et partagé leur connaissance du démantèlement des structures pour aider les ingénieurs à concevoir des installations plus faciles à démonter.

En outre, l’investissement dans les chaînes d’approvisionnement qui travaillent avec Sellafield Limited montre que les entreprises qui se lancent dans l’industrie nucléaire peuvent escompter des avantages financiers. En 2021, l’Autorité du déclassement nucléaire du Royaume-Uni, l’organisme public qui supervise le déclassement du site de Sellafield, a dépensé environ 55 % de son budget annuel de 4 milliards de dollars É.-U. pour des services fournis par des entreprises partenaires.

Déclassement accéléré

L’expérience tirée de la mise en œuvre de programmes de déclassement sur plusieurs années est de plus en plus mise à profit pour raccourcir les délais d’exécution des projets de déclassement. La réduction du nombre d’années consacrées à divers projets peut générer d’importantes économies budgétaires, car les charges salariales représentent une grande partie du coût d’un projet. Les projets de déclassement de réacteurs commerciaux qui ont débuté récemment aux États-Unis visent à réduire la durée de la phase principale du démantèlement (hormis les activités liées à l’expiration de la licence) à une période de cinq à sept ans, soit environ la moitié de la durée moyenne actuelle de cette phase d’activité à l’échelle mondiale.

En optimisant l’interaction entre les principales activités des projets et le démantèlement et la gestion des déchets, il est possible de réduire leur délai d’achèvement. Une gestion judicieuse du projet et de bonnes relations entre le propriétaire de l’installation et les intervenants de la chaîne d’approvisionnement sont essentielles. Les grands programmes tels que celui de Sellafield cherchent généralement à mettre en place des partenariats à long terme avec les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, sur la base de contrats pouvant atteindre dix ans.

L’obtention rapide d’une autorisation de déclassement contribue également à réduire le délai de levée du contrôle réglementaire de l’installation. En Allemagne, les programmes récents visent à obtenir les autorisations de déclassement à peu près au moment de la mise à l’arrêt définitive de l’installation. Pour ce faire, il faut procéder à des activités de planification détaillées et aux évaluations de la sûreté associées avant la mise à l’arrêt définitive de l’installation.

Les projets de déclassement génèrent de très grandes quantités de matières qui doivent être gérées efficacement. Il faut pouvoir recycler ou réutiliser une grande partie de ces matières et éliminer rapidement celles à gérer comme des déchets pour réduire les coûts globaux et accélérer les projets de déclassement à l’avenir.

 

04/2023
Vol. 64-1

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