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Tripler les rendements de manioc à l’aide de la science nucléaire : l’AIEA célèbre la Journée mondiale de la lutte contre la désertification et la sécheresse

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Des agriculteurs de la province de Gitega, dans le centre du Burundi, récoltent le manioc, racine féculente et importante culture commerciale, après avoir appliqué des méthodes améliorées par les techniques nucléaires pour accroître le rendement des cultures. (Photo : E. Vyizigiro/Institut des sciences agronomiques du Burundi).

Il faut le voir pour le croire ... lorsque les agriculteurs voisins se rendent au champ de manioc de Théogène Ntakarutimana, dans le centre du Burundi où le sol est de plus en plus aride, ils restent souvent bouche bée.

« Tous ceux qui visitent mon exploitation et voient comment je cultive le manioc sont enthousiasmés », raconte Théogène Ntakarutimana, qui a commencé en 2016 à appliquer des méthodes améliorées à l'aide de la science nucléaire et des techniques connexes. « Avant, mon rendement était faible, à peu près 11 tonnes à l’hectare, mais grâce à ces méthodes renforcées, il est passée à 30 tonnes, parfois même 33 tonnes à l’hectare. Les autres agriculteurs me posent des questions sur mes méthodes et tout le monde a envie d’apprendre ».

Le manioc, racine féculente, est la troisième source de glucides au monde après le riz et le maïs, et l’une des principales cultures commerciales pour de nombreux agriculteurs d'Afrique. Le continent africain en produit environ 55% à l'échelle mondiale, suivi par l’Asie avec environ 34%. Cependant, dans de nombreuses régions d’Asie et d’Afrique, des conditions rudes - sécheresse et manque d’eau, ou diminution de la fertilité des sols - nuisent aux exploitations traditionnelles et menacent la sécurité alimentaire.

En 2016, l’AIEA, en coopération avec l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), s'est associée à des instituts de recherche et des associations d’agriculteurs pour accroître la production de manioc en mettant au point des pratiques améliorées de nutrition des sols et de gestion de l’eau faisant appel aux techniques dérivées du nucléaire. Ces nouvelles pratiques ont permis de tripler les rendements.

Les applications nucléaires au service des meilleures pratiques

Lors de la première phase du projet, des chercheurs du Burundi, de République centrafricaine et du Laos ont été formés à utiliser l’azote 15 (15N), un isotope stable de l’azote, pour mesurer la quantité d'engrais et suivre la quantité d’azote absorbée par les plantes. L’azote est un des principaux nutriments nécessaires à la croissance optimale des plantes. Sa teneur dans les sols dépend de leur fertilité et de leur qualité. Associé au potassium et au phosphore, il est utilisé comme engrais pour stimuler la croissance du manioc.

« L’azote est partout : dans l’air que nous respirons, dans l’eau que nous buvons, dans la nourriture que nous mangeons », explique Mohammad Zaman, pédologue à la Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l'alimentation et l'agriculture. « L’azote 15 ne résout pas le problème mais il permet de savoir comment mieux gérer l’azote ».

En quantifiant l’azote absorbé par les plantes, des chercheurs locaux ont déterminé la quantité exacte d’engrais à utiliser, à quel moment du cycle de vie de la plante il faut l'incorporer et comment utiliser le fumier disponible localement comme nutriment ajouté. Ils ont également utilisé des techniques isotopiques pour déterminer la quantité d’eau nécessaire à la croissance du manioc et limiter le gaspillage. Ils ont aussi été formés à la gestion intégrée des ravageurs, à la programmation de la récolte et à l’utilisation d’autres techniques agricoles conventionnelles telles que l’enrichissement des sols pour accroître encore les rendements.

Champ de démonstration de culture du manioc dans la province de Cibitoke, dans le nord-est du Burundi. (Photo : E. Vyizigiro/ISABU)

Scientifiques et agriculteurs travaillent ensemble

Durant la deuxième phase du projet, des cours ont été organisés afin que chercheurs et organisateurs locaux élaborent des pratiques propres à chaque région et utilisant la science nucléaire. Des cours avec activités en classe et travail sur le terrain ont ensuite été organisés à l'intention de plus de 350 agriculteurs, dont 146 femmes.

« Nous avons impliqué les agriculteurs dès le début », dit Ernest Vyizigoro, de l’Institut des sciences agronomiques du Burundi (ISABU), dont l’équipe a travaillé avec deux associations régionales d’agriculteurs pour présenter les meilleures pratiques à quelque 80 agriculteurs du pays. « Nous avons organisé plusieurs cours et une journée de démonstrations sur le terrain lors de laquelle nous avons emmené les agriculteurs voir le centre de recherches et les parcelles de démonstration. »

En 2016, lors d'une démonstration sur le terrain, Ernest Vyizigoro et son équipe ont montré aux agriculteurs trois parcelles où le manioc était cultivé selon des méthodes traditionnelles, selon les meilleures pratiques de l’ISABU et à l’aide de techniques dérivées du nucléaire. Les méthodes traditionnelles donnaient un rendement de moins de 12 tonnes, celles de l’ISABU environ 25 tonnes et les techniques dérivées du nucléaire 33 tonnes.  

Des résultats similaires ont été rapportés au Laos en novembre 2018 par l’Institut national de la recherche agronomique et forestière (NAFRI) : sur sa première parcelle de démonstration cultivée à l’aide de méthodes dérivées du nucléaire, les rendements de manioc sont passés de 16 tonnes à près de 37 tonnes.

Même après avoir vu d'eux-mêmes ces résultats, certains agriculteurs ont d'abord hésité à appliquer de nouvelles méthodes avec leurs pratiques traditionnelles, explique Sivienghkek Phommalath, du Centre laotien de recherche agronomique. Cependant, le bouche-à-oreille a suscité un intérêt croissant pour les démonstrations, qui ont attiré d’autres agriculteurs curieux. Sivienghkek Phommalath raconte qu’au moins huit agriculteurs se rendent à la parcelle de démonstration au moins deux fois par mois.

« Nous encourageons les agriculteurs à s'occuper de ces parcelles pour qu'ils soient impliqués dès le début et qu'ils puissent voir par eux-mêmes les avantages », souligne-t-il.

Partager les fruits de la science

Pour toucher davantage d’agriculteurs et répandre les meilleures pratiques, l’AIEA continue de travailler avec des contreparties en Afrique et en Asie pour mettre au point une brochure facile à utiliser à l’intention des agriculteurs. « La brochure est un ouvrage complet, qui explique aux agriculteurs tout ce qu'il faut faire », dit Mohammad Zaman, « à commencer par la préparation du terrain et l’application d’engrais, puis la gestion des mauvaises herbes et des insectes, et enfin la récolte au bon moment ». La brochure sera traduite dans les langues locales et diffusée avant la fin de l’année.

Comme d’autres pays manifestent un intérêt croissant suite aux réussites des trois premiers pays, l’AIEA compte lancer en 2020 un projet régional de coopération technique pour mettre au point et diffuser les meilleures pratiques de production du manioc en Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale et en Afrique de l’Est.

Deuxième séminaire international sur la sécheresse et l’agriculture

Pour commémorer la Journée mondiale de la lutte contre la désertification et la sécheresse, la FAO organise en collaboration avec le Gouvernement des Pays-Bas le Deuxième séminaire international sur la sécheresse et l’agriculture, le 17 juin à Rome. Ce séminaire, qui sera diffusé en direct, sera l’occasion de présenter les outils et les meilleures pratiques aux fins d'améliorer la préparation et la résilience face à la sécheresse. De tels projets, appuyés par la Division mixte FAO/AIEA, s’inscrivent dans la célébration de l'événement.

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