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Traitement du cancer : les radiopharmaceutiques gagnent du terrain en Asie grâce à l’AIEA

Tiré du Bulletin de l’AIEA
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Une spécialiste à l’INMOL, à Lahore (Pakistan), vérifie la qualité des radiopharmaceutiques avant leur utilisation sur des patients.

(Photo : INMOL)

Les radiopharmaceutiques – médicaments qui contiennent des substances radioactives – utilisés dans le traitement du cancer sont bien établis dans les systèmes de santé de nombreuses régions du monde, mais ils commencent seulement maintenant à gagner du terrain dans les pays en développement. Ces médicaments, qui peuvent allonger l’espérance de vie des patients, font leur entrée dans un nombre croissant de pays en Asie, notamment grâce à un projet de coopération technique de l’AIEA. On peut citer le lutétium 177 (177Lu)-DOTATATE, radiopharmaceutique utilisé dans le traitement des tumeurs neuroendocrines, qui sont des cancers gastro-intestinaux mortels. Ce médicament a été produit avec succès et est aujourd’hui utilisé en situation clinique, dans le cadre du projet, en Iran, en Jordanie, au Pakistan et en Thaïlande.

Dans le cadre du projet de trois ans sur la production des radiopharmaceutiques, qui s’est achevé en décembre 2018, l’AIEA a apporté son appui à des radiochimistes, à des radiopharmaciens et à des manipulateurs de 20 pays. Ces personnes ont été formées à la mise au point, au contrôle de la qualité et à l’utilisation des radiopharmaceutiques thérapeutiques. Quatre des pays participants utilisent déjà ces radiopharmaceutiques dans leur pratique clinique, et plus de 100 patients ont bénéficié d’un traitement.

« Ce projet a fortement contribué à l’amélioration de la prise en charge des patients atteints de cancer en offrant de nouvelles possibilités thérapeutiques qui n’étaient pas disponibles auparavant, notamment compte tenu de l’absence ou de l’utilité limitée d’autres modalités de traitement telles que la chimiothérapie et la radiothérapie dans certains cas », explique Amer Al-Hourani, radiopharmacien à l’Institut royal jordanien de services médicaux, où dix patients ont jusqu’à présent été traités avec des radiopharmaceutiques.

Radiopharmaceutiques thérapeutiques ciblés

Les radiopharmaceutiques sont des médicaments produits à partir de radio-isotopes habituellement liés à des biomolécules qui peuvent cibler des organes, des tissus ou des cellules précis dans l’organisme humain. Depuis le début des années 1950, ils sont utilisés de plus en plus couramment pour le diagnostic de diverses maladies et, dans une moindre mesure, pour le traitement. Grâce aux progrès récents de la recherche en médecine nucléaire, on met au point de nouveaux radionucléides et radiopharmaceutiques qui offrent un plus grand potentiel de ciblage, ce qui élargit les possibilités d’adaptation et de combinaison des options diagnostiques et thérapeutiques fondées sur les radiopharmaceutiques.

Les participants au projet ont appris à mettre au point et à utiliser principalement le 177Lu-DOTATATE. Les radiopharmaceutiques thérapeutiques ciblés, comme le 177Lu-DOTATATE, consistent essentiellement en des biomolécules telles que des peptides (acides aminés reliés dans un ordre précis), des anticorps et des protéines qui sont radiomarquées chimiquement avec des radionucléides émetteurs bêta, comme le 177Lu.

Le 177Lu est le radio-isotope de choix, car après sa fabrication dans un réacteur de recherche, il survit assez longtemps pour être lié ou marqué à la bonne biomolécule, amené à l’hôpital et injecté au patient.

Une fois dans l’organisme, la biomolécule transporte le 177Lu rapidement et directement jusqu’à la tumeur, où il se concentre avant de bombarder la tumeur avec le rayonnement. Étant donné que la molécule cible uniquement les cellules cancéreuses et que le 177Lu a une durée de vie limitée, cette technique maximise le traitement du cancer tout en réduisant autant que possible la nocivité pour les cellules saines de l’organisme. On l’utilise le plus souvent pour traiter les tumeurs situées dans l’estomac, l’intestin, la prostate et le pancréas.

Compte tenu de la capacité de ciblage de certains radiopharmaceutiques, comme le 177Lu-DOTATATE, ceux-ci constituent une option thérapeutique utile pour les cancers qui ont atteint plusieurs organes en passant par le système lymphatique ou la circulation sanguine. Dans de tels cas, la résection de la tumeur initiale ne suffit pas et la radiothérapie nécessiterait d’exposer de grandes parties de l’organisme au rayonnement, ce qui serait dangereux pour le patient. Cette technique compte aussi parmi les traitements privilégiés pour les patients dont le système immunitaire est trop faible pour qu’ils puissent subir une chimiothérapie, traitement qui touche l’ensemble de l’organisme.

Traiter les patients, prolonger l’espérance de vie

En plus de mettre en place des services de prise en charge du cancer fondés sur le 177Lu-DOTATATE, plusieurs pays ayant participé au projet ont également élargi leurs capacités théranostiques. La théranostique est une méthode de prise en charge du cancer qui repose sur les radiopharmaceutiques à la fois pour le diagnostic et pour le traitement.

Au Pakistan, par exemple, 15 médecins ont été formés et ont reçu le matériel nécessaire, en partie grâce à l’AIEA, pour aider à la mise sur pied de services théranostiques fondés sur les radiopharmaceutiques. Chaque année, on dénombre dans ce pays plus de 170 000 nouveaux cas de cancer.

« L’ouverture d’un centre théranostique à l’INMOL, le tout premier au Pakistan, marque un tournant historique », affirme Irfan Ullah Khan, directeur scientifique adjoint à l’Institut de médecine nucléaire et d’oncologie de Lahore (INMOL), au Pakistan. « Bien que le projet [de l’AIEA] soit terminé, nous disposons [maintenant] de la technologie au Pakistan, et nous continuons ainsi à faire bénéficier les patients de traitements efficaces. Cela a vraiment changé leur vie. »

« Dans le cadre d’un projet de suivi de trois ans, lancé début 2019 au titre de la deuxième phase d’appui, l’AIEA aide les pays qui avaient participé au projet initial à poursuivre et à mener à bien les demandes d’octroi d’autorisation et la pleine mise en œuvre de la méthode », explique Mykola Kurylchyk, responsable de la gestion de projet à l’AIEA chargé de cette initiative.

« Tout pays doté d’un réacteur de recherche est capable, en principe, de produire ces isotopes, et l’AIEA est déterminée à mettre cette technologie à la disposition de tous les pays intéressés », poursuit-il.

Des émetteurs bêta aux émetteurs alpha

Le projet de l’AIEA vise aussi à aider les pays à jeter les bases nécessaires à l’utilisation d’émetteurs alpha comme radiopharmaceutiques.

Les radiopharmaceutiques comportant une matière radioactive qui subit une désintégration alpha – c’est-à-dire qui émet un atome d’hélium 4, dont le noyau est composé de deux protons et de deux neutrons – et non une désintégration bêta, sont plus efficaces dans le traitement du cancer mais plus difficiles à produire. Les particules alpha transfèrent davantage d’énergie et ont un plus petit rayon d’action.
Elles peuvent donc mieux pénétrer les cellules cancéreuses et ont un pouvoir de destruction de ces cellules jusqu’à dix fois supérieur à celui des particules bêta.

« Après que les pays ont appris à produire et à administrer des émetteurs bêta, la production et l’utilisation d’émetteurs alpha constituent l’une des étapes suivantes pour un traitement encore plus efficace et plus ciblé », explique Amir Jalilian, chimiste spécialiste des radio-isotopes et des radiopharmaceutiques à l’AIEA.

L’AIEA a aidé des experts du Koweït et de la Thaïlande à acquérir cette technique plus avancée, et deux hôpitaux, un dans chacun de ces pays, l’utilisent aujourd’hui à des fins thérapeutiques. Des spécialistes dans d’autres pays participants ont pour objectif de commencer la production et l’utilisation d’émetteurs alpha d’ici à 2021, grâce au projet de coopération technique de suivi.

Ce projet a fortement contribué à l’amélioration de la prise en charge des patients atteints de cancer en offrant de nouvelles possibilités thérapeutiques qui n’étaient pas disponibles auparavant.
Amer Al-Hourani, radiopharmacien, Institut royal jordanien de services médicaux

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