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Être à la hauteur: L’AIEA évalue la qualité des analyses de l’eau des laboratoires

Tiré du Bulletin de l’AIEA
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Carte des villes qui ont participé à des comparaisons interlaboratoires (WICO & TRIC) depuis 2016, des lieux où l’AIEA a formé des experts en hydrologie isotopique depuis 2007 et de ceux où elle a fait don d’instruments laser isotopiques depuis 2007 dans le cadre de son programme de coopération technique.

(Source : AIEA)

Votre analyse chimique de l’eau est-elle excellente, bonne, moyenne ou insuffisante ? Les scientifiques peuvent le déterminer par comparaison. Depuis 30 ans, l’AIEA effectue des comparaisons interlaboratoires concernant l’hydrologie isotopique entre des centaines de laboratoires et des tests de compétence en la matière à l’échelle mondiale.

« La qualité des mesures est essentielle dans toutes les disciplines scientifiques, dit Luis González Hita, technicien en hydrologie à l’Institut mexicain de technologie hydrique. L’hydrologie isotopique n’échappe pas à la règle. Des données certifiées exactes et fiables nous donnent une base solide pour convaincre les responsables politiques. »

Les hydrologues isotopiques étudient les ressources en eau à l’aide de données isotopiques. Les informations issues de leurs travaux sont cruciales pour l’élaboration de stratégies et de politiques de protection de l’eau. Tous les quatre ans environ, plus de 300 laboratoires d’hydrologie isotopique participent à la comparaison interlaboratoires organisée par l’AIEA à l’échelle mondiale pour tester leur compétence.

La comparaison des résultats avec les échantillons de l’AIEA, provenant d’un large éventail d’eaux du monde entier, aide le personnel de chaque laboratoire à déceler les lacunes de leurs analyses à y remédier et à garantir l’exactitude et la précision des données qu’ils produisent.

Il est encore plus pertinent d’effectuer règulièrement des comparaisons de nos jours : avec l’évolution rapide de la technologie, les méthodes et les instruments d’hydrologie isotopique deviennent moins onéreux et plus accessibles. Ces avantages accroissent cependant le risque d’erreur car les personnes qui débutent dans ce domaine ont souvent une formation moins poussée.

« De nos jours, surtout avec les méthodes au laser, la technologie fait une grande partie du travail, dit M. González Hita. Pour effectuer les évaluations, les scientifiques s’appuient donc davantage sur les méthodes et moins sur les compétences ».

La qualité des mesures est essentielle dans toutes les disciplines scientifiques. L’hydrologie isotopique n’échappe pas à la règle. Des données certifiées exactes et fiables nous donnent une base solide pour convaincre les responsables politiques.
Luis González Hita, technicien en hydrologie à l’Institut mexicain de technologie hydrique

Viser l’excellence

Il existe deux grands projets de comparaison interlaboratoires. L’un est la comparaison interlaboratoires des isotopes de l’eau (WICO), qui consiste à tester la capacité des laboratoires de mesurer les concentrations de deutérium (2H) et d’oxygène 18 (18O) dans des échantillons d’eau. Une connaissance précise de ces concentrations permet aux scientifiques de déterminer l’âge et l’origine des eaux.

L’autre est l’intercomparaison internationale de la teneur en tritium (TRIC), qui porte sur la capacité des laboratoires de mesurer la concentration du tritium (3H), radio-isotope naturel, dans l’eau. Cet exercice permet de vérifier la précision et l’exactitude de ces mesures, qui servent à déterminer la vitesse de renouvellement des eaux et à étudier les eaux de moins de 60 ans. La dernière intercomparaison de ce type a été réalisée en 2018, avec une participation record de 90 laboratoires.

« Le déroulement des comparaisons interlaboratoires est simple, explique Leonard Wassenaar, Chef du Laboratoire d’hydrologie isotopique de l’AIEA basé à Vienne (Autriche). Nous préparons et vérifions soigneusement des échantillons d’eau avant de les envoyer aux différents laboratoires. Ceux-ci les analysent et nous envoient leurs résultats, que nous comparons avec les valeurs de référence de l’AIEA. Pour finir, nous compilons les résultats anonymement dans un rapport général destiné à la communauté scientifique et en parallèle nous envoyons à chaque laboratoire un rapport individuel détaillé dans lequel nous formulons des suggestions d’amélioration et des recommandations. »

Les rapports que l’AIEA établit au terme de chaque exercice contiennent des recommandations fondées sur l’observation qui aideront les laboratoires à perfectionner leurs méthodes et à améliorer leur performance. Ils aident également les experts de l’AIEA à déceler les lacunes et à cibler l’assistance qu’ils apportent, notamment en formant le personnel de laboratoire dans le cadre du programme de coopération technique de l’AIEA.

La vigilance à l’épreuve

La dernière intercomparaison WICO, réalisée en 2016 avec la participation de 235 laboratoires, est la plus grande comparaison interlaboratoires concernant des isotopes stables jamais organisée à l’échelle mondiale. Ses résultats ont paru dans la revue scientifique Rapid Communications in Mass Spectrometry en novembre 2017.

Lors de cet exercice, Leonard Wassenaar et son équipe ont introduit une nouveauté.

« Nous avons ajouté du méthanol à l’un des échantillons d’eau pour tester la vigilance des laboratoires face à des contaminants interférents - sans les prévenir, bien sûr, explique-t-il. Comme de nombreux laboratoires ne l’ont pas décelé, nous avons conçu quelques stratégies pour les aider à détecter la présence dans l’eau de contaminants interférents qui pourraient fausser les résultats. »

La plupart des laboratoires participant à l’intercomparaision WICO de 2016 ont obtenu des résultats acceptables à excellents pour l’analyse des isotopes de l’oxygène et près de la moitié d’entre eux pour l’analyse du deutérium. En revanche, 5 à 6% ont obtenu des résultats insuffisants, qui, selon Leonard Wassenaar, pourraient être dus à l’augmentation rapide du nombre d’instruments dans les laboratoires, notamment de lasers bon marché, surtout dans les laboratoires les moins expérimentés.

« Nous avons conclu que ces mauvais résultats tenaient probablement à des "inconnues connues" non quantifiables, dit Léonard Wassenaar. Des erreurs dans les feuilles de calcul Excel ou un instrument dont l’état laisse à désirer peuvent expliquer pourquoi des laboratoires obtiennent de mauvais résultats alors qu’ils semblent tout faire correctement. De telles erreurs, humaines ou non, sont courantes mais pas toujours évidentes du point de vue des laboratoires. »

Il peut s’agir d’erreurs liées aux connaissances ou aux compétences, comme l’expérience de l’opérateur, d’erreurs de traitement des données de base, du non-respect du protocole de mesure, de l’altération d’échantillons ou du dysfonctionnement des instruments d’analyse.

Selon des études récentes parues dans la revue Accreditation and Quality Assurance, les erreurs humaines pourraient compter pour beaucoup dans la qualité insuffisante des analyses géochimiques. Les résultats de l’enquête menée auprès des laboratoires participants à l’issue de l’intercomparaison WICO de 2016 tendent à confirmer que les erreurs humaines, techniques et instrumentales sont les principales causes d’insuffisance qualitative des analyses des isotopes de l’eau.

« La découverte d’erreurs conduit à des ajustements. Il importe de savoir quand nos résultats sont fiables et quand ils ne le sont pas », dit González Hita. Son laboratoire au Mexique a obtenu de très bons résultats au dernier test WICO. « L’exercice WICO de 2016 nous a permis de confirmer que nous réalisons des analyses de bonne qualité. Il est aussi utile que les pays voisins le sachent, car ils peuvent faire appel à nos services et nous pouvons partager nos meilleures pratiques. »

Cet article a été publié dans le Bulletin d’avril 2019 sur l’eau

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