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Le plasma en combustion

Un facteur essentiel de la fusion

Matteo Barbarino

Particules de haute énergie, sous la forme de plasma, traversant un réacteur de type tokamak. (Photo : Shutterstock)

Au cœur du soleil, les températures extrêmes et l’énorme pression résultant des forces gravitationnelles sont des conditions idéales pour la fusion nucléaire.

Cependant, recréer ces conditions sur la Terre, en l’absence des forces gravitationnelles extrêmes d’une étoile et au moyen d’un réacteur de fusion, pose de nombreuses difficultés techniques. La plus grande consiste à maintenir le plasma de fusion (gaz chargé composé d’ions et d’électrons libres dans lequel se produit la réaction) à plus de 100 millions de degrés Celsius, ce qui permet de confiner ses particules dans un champ magnétique et de les maintenir ensemble suffisamment longtemps pour que les réactions aient lieu et l’énergie soit produite.

Les scientifiques et ingénieurs spécialistes de la fusion doivent notamment comprendre et valider les hypothèses actuelles relatives au comportement de ce plasma de fusion chaud pour que de l’électricité puisse être produite à partir de la fusion.

ITER nous donnera l’occasion d’étudier les “plasmas en combustion” dans lesquels au moins 66 % de la chaleur totale proviendra de particules alpha de fusion.
Alberto Loarte, chef de la Division de la science, Organisation ITER

Un super combustible pour atteindre une température plus élevée que celle du soleil

Pour la fusion, les options en ce qui concerne le combustible sont limitées. Le combustible qui donne les meilleurs résultats sur la Terre est composé d’un mélange d’ions deutérium et tritium, deux formes lourdes de l’hydrogène. Lorsqu’ils entrent en collision à des températures extrêmes, le deutérium et le tritium fusionnent pour former des particules chargées comportant deux protons et deux neutrons, appelées « particules alpha », et des neutrons libres. Tandis que les neutrons sortent du champ magnétique et n’interagissent pas avec le plasma, les particules alpha sont confinées par le champ magnétique et contribuent à chauffer le plasma qui les entoure. « Il est essentiel de contrôler cette chaleur pour exploiter l’énergie de fusion », indique Matthew Hole, professeur à l’Université nationale d’Australie.

Les particules alpha chargées et leur énergie sont cruciales à l’obtention d’une puissance de fusion sûre et durable pour maintenir le plasma à une température constante, ce qui permet aux réactions de s’auto-entretenir. Il est essentiel d’y parvenir pour exploiter un réacteur de fusion.

Dans les années 1990, des réacteurs de fusion expérimentaux ont produit jusqu’à 16 mégawatts (MW) de puissance pendant un peu moins d’une seconde. Lors de ces expériences, les particules alpha n’ont fourni que près de dix pour cent de la chaleur apportée de l’extérieur. On s’employera à comprendre ce qui se passe lorsque les particules alpha fournissent plus de chaleur dans le cadre d’initiatives comme ITER — expérience internationale menée à l’échelle d’un réacteur actuellement en construction en France.

« ITER va nous permettre d’étudier les “plasmas en combustion” dont au moins 66 % de la chaleur totale proviendra de particules alpha en fusion. Dans ces conditions, ITER produira 500 MW de puissance de fusion pendant 500 secondes au maximum », explique Alberto Loarte, chef de la Division de la science à l’Organisation ITER. D’après lui, les expériences menées par son organisation apporteront des réponses très attendues à des questions clés relatives à la physique du plasma en combustion, notamment concernant la manière de créer un plasma auto-entretenu par la chaleur interne émise par les particules alpha, et de trouver des conditions d’exploitation optimales pour une performance de fusion élevée qui soient compatibles avec la capacité de la paroi du réacteur à résister à la puissance.

Comment faire pour que le plasma soit auto-entretenu

Un indicateur important de la performance d’un réacteur de fusion est son « gain de puissance de fusion », déterminé par la température, la densité et le temps de confinement énergétique du plasma, qui est la mesure de l’efficacité avec laquelle le champ magnétique maintient l’énergie du plasma sur la durée. Trois conditions sont requises pour créer une réaction auto-entretenue : une température d’environ 100 millions de degrés Celsius, une densité un million de fois inférieure à celle de l’air, et un temps de confinement énergétique de seulement quelques secondes.

Si les conditions requises sont bien connues, on est loin de savoir comment les réunir toutes en même temps. Par exemple, il est en principe avantageux d’augmenter la densité du plasma, car cela augmente la probabilité que les réactions de fusion se produisent. « Cependant, de nombreuses expériences montrent que le confinement du plasma se dégrade plus que prévu à mesure que la densité approche sa valeur maximale », affirme Richard Hawryluk, Directeur adjoint à la fusion au Laboratoire de physique des plasmas de Princeton, aux États-Unis d’Amérique.

Pour que l’expérience d’ITER soit un succès, des solutions à ces problèmes doivent être trouvées, et une grande partie de la recherche nécessaire à cet effet requiert une coopération internationale. Dans le cadre d’une série de réunions techniques sur la physique des particules énergétiques, le contrôle du plasma, et l’acquisition, la validation et l’analyse de données sur la fusion, l’AIEA crée une plateforme pour l’échange de résultats scientifiques et techniques et aide à développer des outils de modélisation pouvant être utilisés pour prédire le comportement d’un plasma de fusion dans ITER et les futurs réacteurs de puissance de fusion.

Trouver les conditions optimales

L’un des plus grands défis consiste à trouver des conditions d’exploitation optimales pour une puissance de fusion maximale et un contrôle du plasma permettant une performance élevée sans dépassement des limites d’exploitation pendant de longues périodes. Le dépassement de ces limites pose problème car il peut conduire à des instabilités pouvant entraîner un phénomène appelé « perturbation du plasma ».

« Dans un réacteur de type tokamak en forme de tore, comme ITER, une perturbation pourrait conduire rapidement à une perte du plasma, en quelques millisecondes, et soumettre les composants du réacteur à une contrainte thermique et mécanique importante », explique Michael Lehnen, coordonnateur scientifique pour la Section de la stabilité et du contrôle de l’Organisation ITER. « L’AIEA contribue à éviter la réalisation de ce scénario en favorisant l’échange d’informations sur les travaux expérimentaux, théoriques et de modélisation dans ce domaine, et mettra l’accent, au cours des prochaines années, sur la mise en place d’une base solide pour la conception du système d’atténuation des perturbations d’ITER. »

Des expériences récentes et des activités de modélisation visant à intégrer des méthodes reposant sur l’intelligence artificielle mettent en lumière les conditions requises pour un contrôle efficace du plasma, ce qui aide à avancer vers une conception et une exploitation sûres des futures centrales de puissance de fusion. « Des statistiques avancées solides et des approches fondées sur l’apprentissage automatique appliquées à la recherche sur les perturbations peuvent aider à repérer des schémas importants et à révéler des informations cachées que l’on pourrait tirer de données expérimentales recueillies au fil de nombreuses années », indique Cristina Rea, chercheuse au Centre de la science du plasma et de la fusion de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT).

Il se crée, entre physiciens spécialistes du contrôle, modélisateurs, développeurs de scénarios et ingénieurs de données, une synergie fructueuse qui engendre de nouvelles solutions destinées à éviter ces limites de perturbation. « Il convient de poursuivre les travaux pour évaluer l’applicabilité de ces méthodes fondées sur des données pour des projets comme ITER, mais les résultats obtenus jusqu’à présent sont encourageants », déclare Cristina Rea.

05/2021
Vol. 62-2

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