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Un nouveau modèle économique pour le déclassement d’une centrale nucléaire

Bruce A. Watson

Pionniers de la technologie nucléaire, les États-Unis exploitent aujourd’hui l’un des parcs nucléaires les plus importants, mais aussi les plus anciens au monde, dont le vieillissement se traduit par l’émergence d’un nombre croissant de projets de déclassement. La NRC supervise actuellement 17 centrales nucléaires en cours de déclassement, huit centrales nucléaires mises en attente sûre, ainsi que le déclassement de deux réacteurs de recherche et de plusieurs sites nucléaires. D’autres sites liés à la défense qui relèvent de la compétence réglementaire du Ministère de l’énergie sont également en cours de déclassement. Cette demande stimule l’innovation dans les entreprises, qui font preuve de créativité pour relever le défi.

En 2010, un tout nouveau modèle économique de déclassement a vu le jour aux États-Unis.

Auparavant, tous les projets de déclassement de réacteurs ayant fait l’objet d’une licence de la NRC suivaient un même modèle économique, selon lequel l’exploitant de la centrale nucléaire concernée assumait l’entière responsabilité de l’ensemble du processus de déclassement. Les exploitants pouvaient réaliser les travaux de déclassement eux-mêmes ou mandater une entreprise à cette fin. Au début des années 1990, dix réacteurs ayant obtenu une licence de la NRC ont été mis à l’arrêt. Leur déclassement a été achevé en 2009, selon le modèle traditionnel.

Cependant, fin 2010, les longues discussions entre les entreprises spécialisées en déclassement et les exploitants ont fini par porter leurs fruits et ouvert la voie à une nouvelle manière de mener à bien les projets de déclassement. Dans le premier cas, un exploitant américain a convenu de transmettre une licence temporaire à une entreprise de déclassement. Une fois le déclassement achevé, il redeviendra titulaire de la licence attachée au terrain et à l’installation d’entreposage du combustible usé. La NRC a approuvé ce processus, puis, peu après, un autre similaire entre un deuxième exploitant et une entreprise de déclassement.

Perspectives et défis

Ces accords ne se sont concrétisés qu’après des années de négociations. Les futurs titulaires de licences ont dû étudier attentivement les possibilités à venir et les défis à relever. D’une part, le transfert de licence donne à l’entreprise de déclassement libre accès au fonds d’affectation spécialement créé pour le déclassement de la centrale nucléaire. De l’autre, l’entreprise assume l’entière responsabilité des risques financiers et réglementaires résultant de l’opération. Finalement, les accords ont été conclus en dépit de ces risques. Trois ans plus tard, en 2013, des entreprises ont commencé à accepter des transferts de licence permanents, plutôt que temporaires, dans le cadre de la vente d’une installation.

À bien des égards, 2013 a été une année charnière. C’était la première fois qu’une entreprise spécialisée dans le déclassement adressait une offre d’achat à l’exploitant d’une centrale nucléaire sur le point d’être mise à l’arrêt en vue de procéder à son déclassement. Un accord de vente a alors été négocié pour une centrale nucléaire mise à l’arrêt cette année-là. L’exploitant et l’entreprise de déclassement ont demandé le transfert définitif de la licence au profit de cette dernière.

Les entreprises de déclassement qui se sont vu octroyer ces licences pouvaient souvent intégrer les tâches qui en découlent à leurs activités en cours si elles exploitaient déjà des sites de stockage définitif des déchets nucléaires ou étaient agréées pour fournir des services d’entreposage du combustible usé.

Accélération considérable des délais de planification

Le transfert de licence intervenu en 2013 a très largement contribué à l’accélération significative du calendrier de planification des activités de déclassement. La licence octroyée pour la centrale devait initialement expirer en 2073, ce qui signifie qu’initialement, l’exploitant était tenu de se conformer à la réglementation de la NRC, qui prévoit l’expiration de la licence dans un délai de 60 ans. Pour que la licence expire, la centrale devait être entièrement déclassée, ce qui inclut la remédiation environnementale du site afin qu’il puisse être réaffecté à d’autres usages. Un nouveau titulaire de licence prévoit d’achever ce même processus d’ici 2030, bien que l’installation d’entreposage à sec du combustible usé fasse toujours l’objet d’une autorisation et d’inspections.

D’autres exploitants dont les centrales nucléaires les plus anciennes ont été mises en attente sûre préalablement à leur déclassement, pour lequel l’échéance est fixée à 2030, pourraient également envisager un tel transfert de licence pour accélérer le processus. Il est important de noter qu’aux États-Unis, une centrale nucléaire doit être déclassée et sa licence résiliée dans les 60 ans après la fin de son exploitation.

Les transferts de licence sont devenus assez courants aux États-Unis et concernent un grand nombre de centrales nucléaires en cours de déclassement. Néanmoins, le modèle économique traditionnel en vertu duquel les exploitants se chargent du déclassement des installations reste d’actualité dans nombre de projets de déclassement en cours.

En outre, il est peu probable que d’autres pays soient tentés de suivre le modèle de déclassement américain. La principale raison est que, contrairement à la plupart des autres pays, les centrales nucléaires américaines sont indépendantes sur le plan commercial. Par conséquent, le modèle économique américain est différent de celui de la plupart des autres pays.

Accélérer les projets similaires dans le monde

Toutefois, les processus de déclassement accéléré mis en œuvre aux États-Unis pourraient contribuer à faire avancer des projets similaires dans le monde entier. Nous communiquons à d’autres pays les enseignements qui en sont tirés par l’intermédiaire des organisations internationales et par le truchement des normes de sûreté, des ateliers, des forums, des missions et des publications de l’AIEA. Le travail de l’AIEA est essentiel pour promouvoir la cohérence des opérations de déclassement, en faisant en sorte qu’elles se déroulent dans des conditions de sûreté et dans le cadre de règlementations solides.

L’AIEA joue un rôle important en communiquant des informations sur des modalités cohérentes de déclassement, comme les limites de dose, afin de parvenir à un large accord sur les modalités de fin des opérations d’assainissement d’un site et d’accroître la sûreté des collectivités locales. Les documents de l’AIEA sont très utiles à cet égard. Les spécialistes du déclassement du monde entier ont réellement soif d’en savoir plus sur la manière d’y procéder de manière sûre et efficace.

 

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Bruce A. Watson est assistant spécial au sein de la Division du déclassement, de la récupération de l’uranium et des déchets au sein de l’Office de la sûreté des matières nucléaires et des garanties de la Commission de la réglementation nucléaire (NRC) des États-Unis. Ancien exploitant d’installations nucléaires, il a acquis une grande expérience du déclassement de réacteurs et de leurs matériaux sur site en tant que responsable technique des licences octroyées aux réacteurs de puissance aux États-Unis arrivant à expiration. Bruce a également une vaste expérience internationale du déclassement au sein de l’AIEA, où il a contribué à l’élaboration de guides de sûreté et de programmes de formation sur le sujet et a participé en tant qu’expert à plusieurs missions d’examen par des pairs et missions consultatives de l’organisation.

04/2023
Vol. 64-1

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