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Réacteurs nucléaires avancés : les possibilités offertes par la fabrication additive

Lucy Ashton

Ces supports d’assemblage combustibles, fabriqués par le Laboratoire national d’Oak Ridge (ORNL) en partenariat avec Framatome et la Tennessee Valley Authority, sont les premiers composants liés à la sûreté imprimés en 3D à être insérés dans une centrale nucléaire. (Photo : F. List/ORNL, Département américain de l’énergie)

Imaginez qu’on puisse imprimer en 3D le cœur d’un réacteur nucléaire ou des pastilles de combustible nucléaire. L’idée que l’impression 3D puisse créer des matériaux suffisamment robustes pour résister aux conditions extrêmes d’un réacteur nucléaire peut sembler farfelue, mais d’après de nombreux experts, c’est pourtant la clé pour accélérer le déploiement de réacteurs avancés et maximiser la contribution de l’énergie nucléaire à la lutte contre le changement climatique.

« À l’avenir, le secteur nucléaire pourrait faire grand usage de l’impression 3D et d’autres techniques de fabrication de pointe, comme le font déjà les secteurs aéronautique et automobile. »
— Aninda Dutta Ray Ingénieur nucléaire à l’AIEA

Déjà utilisée dans certaines industries, l’impression 3D est une forme de fabrication additive qui fait appel à un procédé d’impression par superposition de couches successives de matière pour créer des objets. Ce procédé s’oppose à la fabrication soustractive, qui consiste à découper ou à brûler les matériaux excédentaires. Fonctionnant directement à partir d’un dessin numérique et contrôlée par ordinateur, l’impression 3D permet de produire des formes complexes qui étaient auparavant difficiles à réaliser, voire impossibles. Cette méthode de fabrication est plus rapide, génère moins de déchets, réduit le risque d’erreur et permet souvent aux concepteurs d’alléger le poids des objets – autant d’attributs qui pourraient réduire considérablement les coûts de fabrication.

« À l’avenir, le secteur nucléaire pourrait faire grand usage de l’impression 3D et d’autres techniques de fabrication de pointe, comme le font déjà les secteurs aéronautique et automobile », déclare Aninda Dutta Ray, ingénieur nucléaire travaillant sur la fabrication de pointe à l’AIEA. « Le potentiel est réel. Les premières étapes sont déjà en bonne voie : des recherches et des examens sont menés de manière intense à la lumière des codes et des normes de conception nucléaire existants, et certains organismes de réglementation ont même commencé à rédiger des orientations pour les titulaires de licence. »

Présentation des impressions 3D et essais

Comme pour la plupart des nouveaux procédés de fabrication, on avance à petits pas, lentement et avec précaution. Le secteur nucléaire a enregistré quelques cas de première utilisation d’impression 3D : une hélice de pompe imprimée en 3D a ainsi été installée dans un réacteur slovène en 2017. Ce composant ,qui ressemble à un ventilateur ou à une turbine, propulse l’eau dans la pompe, et a été imprimé en 3D car les dessins originaux n’étaient pas disponibles.

Aux États‑Unis d’Amérique, le Laboratoire national d’Oak Ridge (ORNL) développe des technologies d’impression 3D pour le nucléaire et d’autres secteurs industriels. Dans le cadre d’un essai inédit, l’ORNL a imprimé des fixations appelées « attaches pour canal ». Les pièces ont été installées dans un réacteur nucléaire en 2021 et y resteront jusqu’en 2027, avant d’en être extraites et d’être inspectées pour évaluer leur performance dans les conditions du réacteur. La multinationale française Framatome a installé le premier composant de combustible en acier inoxydable imprimé en 3D dans la centrale nucléaire de Forsmark (Suède) en 2022. En outre, la Fédération de Russie a récemment construit une imprimante 3D capable d’imprimer des objets d’un diamètre maximum de 2,2 mètres et d’une hauteur de 1 mètre, tandis qu’en République de Corée, l’impression 3D est utilisée pour fabriquer des pièces telles que des composants de vannes de réglage.

Étant donné qu’au départ, l’impression 3D n’a pas été inventée pour le secteur nucléaire, les techniques de fabrication sont adaptées pour répondre aux besoins de ce secteur. À l’heure actuelle, des organismes de normalisation industrielle définissent des normes pour l’impression 3D dans différents secteurs, mais celles qui concernent le secteur nucléaire sont en cours d’élaboration.

Selon M. Dutta Ray, il est plus difficile de trouver les meilleures méthodes d’essai, d’établir des normes y afférentes dans le monde entier et d’obtenir l’agrément des organismes de réglementation que d’innover et de perfectionner les techniques de fabrication. En Europe, dans le cadre du projet NUCOBAM (NUclear COmponents Based on Additive Manufacturing), qui réunit 13 organismes de six pays européens, des recherches sont menées pour élaborer les processus de qualification et d’évaluation qui permettraient d’utiliser l’impression 3D dans les centrales nucléaires.

L’Institut de recherche sur l’énergie électrique (EPRI) collabore avec le Département de l’énergie des États‑Unis et des fabricants dans le cadre des recherches visant à rationaliser l’acceptation réglementaire des nouvelles technologies, telles que l’impression 3D. Ces recherches sont axées sur l’étude de l’applicabilité des techniques de fabrication de pointe, l’élaboration de codes et de normes, et l’appui aux examens réglementaires en fonction des résultats des tests indépendants de la performance des matériaux face à la dégradation de l’environnement. « La demande d’autres chaînes d’approvisionnement et d’accélération du déploiement est en nette augmentation à mesure que le secteur de l’énergie poursuit sa transition vers des systèmes énergétiques avancés tels que les réacteurs avancés », déclare Marc Albert, chef d’équipe principal de l’EPRI pour les projets de fabrication de pointe. « La fabrication additive ainsi que d’autres procédés de fabrication de pointe permettront d’accélérer le déploiement des technologies propres. »

Rôle de l’AIEA

L’un des rôles de l’AIEA est d’encourager la coopération internationale et le partage des connaissances. En avril 2023, l’AIEA a lancé le Réseau international pour l’innovation à l’appui des centrales nucléaires en exploitation (ISOP), un réseau inclusif qui permet aux pays de collaborer sur tout un éventail de sujets liés à l’innovation, y compris les techniques de fabrication avancées comme l’impression 3D.

En juin 2022, l’AIEA a également lancé l’Initiative d’harmonisation et de normalisation nucléaires (NHSI), afin de faciliter le déploiement de réacteurs nucléaires avancés et de petits réacteurs modulaires sûrs et sécurisés. La NHSI vise à harmoniser les approches réglementaires et à établir des approches industrielles plus uniformisées, y compris des approches communes pour les codes et les normes nucléaires applicables à la fabrication additive dans le cas des PRM.

« L’innovation concertée est la clé pour que les techniques nucléaires de la nouvelle génération sortent des laboratoires en toute sûreté et soient mises en œuvre dans le monde le plus tôt possible pour contribuer à la réalisation de l’objectif zéro émission nette », déclare Ed Bradley, chef d’équipe de l’AIEA pour l’exploitation des centrales nucléaires et l’appui technique. « Le partage des résultats, des techniques et des connaissances permet de gagner du temps et d’économiser des ressources car il évite aux pays qui ont des centrales nucléaires de faire les mêmes tests ou de dépenser de l’argent pour surmonter les mêmes obstacles. C’est ainsi que nous réussirons. »

 

09/2023
Vol. 64-3

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