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Mise en place d’une infrastructure électronucléaire dans les pays primo-accédants

Matthew Fisher

Les participants à un cours organisé en juillet 2019 ont visité la centrale nucléaire de Zwentendorf (Autriche), qui n’a jamais été mise en exploitation et est utilisée à des fins de formation et de démonstration.

(Photo : N. Kurova-Chernavina/AIEA)

Si la construction d’une centrale nucléaire constitue le signe le plus visible du lancement d’un programme électronucléaire, elle est aussi l’aboutissement d’efforts considérables qu’il a fallu préalablement déployer en coulisse, efforts qui ont dû porter sur des aspects aussi divers que les ressources humaines, la réglementation et la législation. Les ressources financières considérables mobilisées grâce à l’Initiative sur les utilisations pacifiques (PUI) permettent à l’AIEA de mener toute une série de programmes pour faciliter la mise en place de l’infrastructure nécessaire à l’introduction réussie de l’électronucléaire.

À l’heure actuelle, une trentaine de pays se sont lancés dans un programme électronucléaire ou envisagent de le faire, et collaborent avec l’AIEA pour développer de manière sûre, sécurisée et durable cette source d’énergie fiable et sobre en carbone. L’AIEA leur prodigue des conseils et renforce leurs capacités en la matière dans le cadre de son « approche par étapes », une méthode en trois phases conçue pour aider les pays à se doter de l’infrastructure nationale nécessaire à la réalisation d’un programme électronucléaire.

Grâce à cet exercice, nous avons pu déterminer si nous disposions de ressources humaines suffisantes pour construire et entretenir des centrales nucléaires au cours des prochaines décennies.
Marzena Kurpinska, Ministère polonais du climat et de l’environnement

« Le niveau de développement infrastructurel n’étant pas le même dans tous les pays primo-accédants, nos programmes d’appui sont conçus pour aider ces pays selon que de besoin, en fonction de leur spécificité », explique le chef de la Section du développement de l’infrastructure nucléaire, Milko Kovachev. « Les fonds provenant de la PUI nous ont donné la possibilité de fournir une assistance adaptée à plusieurs pays désireux de mettre en place un programme électronucléaire. »

Pour mener à bien de tels projets, il faut pouvoir réunir des professionnels qualifiés spécialisés dans des domaines aussi variés que l’ingénierie, la gestion de projets, la sûreté et la sécurité nucléaires et la non-prolifération. Afin d’aider les pays intéressés à planifier et optimiser leurs effectifs, l’AIEA utilise l’outil de modélisation des ressources humaines pour l’électronucléaire (NPHR). Mis à la disposition de l’AIEA par les États-Unis en 2011, cet outil permet d’analyser les plans de mise en valeur des ressources humaines liés aux nouveaux programmes électronucléaires. Il intègre des données sur tous les aspects d’un programme électronucléaire et permet aux utilisateurs de sélectionner différentes approches pour la gestion des effectifs en fonction des besoins spécifiques de leur pays.

Le NPHR a été conçu pour donner aux pays la possibilité de déterminer les lacunes que présentent leurs plans relatifs aux ressources humaines et de prévoir le nombre et le type de travailleurs dont ils auront besoin pour mettre en œuvre leur programme électronucléaire.

L’outil est proposé gratuitement par l’AIEA, qui dispense également des formations d’une semaine permettant de se familiariser à son utilisation. À ce jour, plus de 15 pays ont bénéficié de telles formations.

En avril 2019, une formation consacrée au NPHR s’est déroulée à Vienne ; elle s’adressait à des experts du Niger, pays qui envisage de se doter d’un programme électronucléaire. Les formateurs ont expliqué dans les grandes lignes comment se servir de cet outil et y ont intégré des données propres au Niger, notamment des éléments relatifs au système éducatif et à la main-d’œuvre dont dispose le pays.

En octobre 2019, un atelier a été organisé en Pologne afin de formuler des observations concernant le plan national relatif aux ressources humaines et d’actualiser le modèle qui avait été établi spécifiquement à son intention grâce au NPHR. La Pologne prévoit de déployer une capacité électronucléaire maximale de 9 000 GWe au cours des prochaines années dans le but de réduire sa dépendance aux centrales au charbon et de diminuer ses émissions de carbone.

« L’atelier nous a surtout permis de travailler sur plusieurs scénarios élaborés à partir des données nationales, en fonction de l’évolution dynamique d’éléments tels que le calendrier de mise en œuvre du programme et la disponibilité de personnels techniques », a indiqué Marzena Kurpinska, une spécialiste affectée au Département de l’énergie nucléaire du Ministère polonais du climat et de l’environnement. « Grâce à cet exercice, nous avons pu déterminer si nous disposions de ressources humaines suffisantes pour construire et entretenir des centrales nucléaires au cours des prochaines décennies. »

Vers des systèmes de gestion intégrés

La sûreté et l’efficacité des programmes électronucléaires exigent de solides systèmes de direction et de gestion. Le projet quadriennal consacré aux systèmes intégrés de gestion (IMS), lancé en 2017, vise à aider les pays primo-accédants à comprendre les aspects essentiels de la gestion et de la direction et, en particulier, à intégrer les éléments liés à la sûreté nucléaire, à la sécurité, aux garanties, à l’assurance de la qualité et à la protection environnementale dans un système de gestion centralisé dynamique.

Dans le cadre de ce projet, des missions d’experts et des ateliers sont organisés pour remédier aux lacunes relevées dans les systèmes de gestion des organismes d’exploitation et de réglementation, conformément aux orientations figurant dans la publication de l’AIEA intitulée « Direction et gestion pour la sûreté » (collection Normes de sûreté de l’AIEA, GSR Part 2).

Les plans de gestion des pays sont également évalués dans le cadre d’examens documentaires réalisés soit par des fonctionnaires de l’AIEA, soit par des consultants externes, et des suggestions sont faites en vue de les améliorer. En 2020, deux examens de ce type ont été effectués pour le Ghana, qui continue d’avancer dans l’élaboration de son programme électronucléaire, avec la mise en place d’un organisme - Nuclear Power Ghana - chargé de gérer la construction et l’exploitation de la première centrale nucléaire ghanéenne en 2018, après la création de l’autorité de réglementation nucléaire nationale en 2015.

« Les missions d’examen ont grandement contribué à cerner nos points forts et nos points faibles lorsqu’il a fallu établir un système intégré de gestion destiné à se conformer aux prescriptions de sûreté et autres », explique Charles Kofi Klutse, chercheur à l’Institut de l’énergie d’origine nucléaire de la Commission ghanéenne de l’énergie atomique. « L’équipe chargée de la mission nous a aidés à adopter une approche globale pour développer, mettre en place et améliorer continuellement nos systèmes de gestion dans le droit fil des objectifs de notre programme électronucléaire. »

Parmi les outils mis au point grâce à la PUI figure également le Cadre de compétences sur l’infrastructure nucléaire. Cette base de données contient des informations sur les compétences requises pour élaborer un programme électronucléaire, à partir des normes de sûreté, des orientations sur la sécurité nucléaire et des publications de la collection Énergie nucléaire de l’AIEA. Les utilisateurs peuvent effectuer des recherches sur des thèmes précis, comme l’infrastructure ou la phase de réalisation, afin de mieux comprendre les compétences requises aux différents stades de la mise en œuvre d’un programme.

Depuis sa création en 2010, la PUI a permis de mobiliser plus de 10 millions d’euros au profit de projets de développement infrastructurel et de mise en valeur des ressources humaines, notamment des projets de coopération technique interrégionaux, parmi lesquels figure celui intitulé « Appui à la prise de décisions en connaissance de cause et à la création de capacités en vue du lancement et de la mise en œuvre de programmes électronucléaires », qui est en cours.

11/2020
Vol. 61-4

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