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Mise au point de matériaux avancés grâce aux techniques nucléaires

Anass Tarhi

Les barres utilisées dans les réacteurs nucléaires sont faites de matériaux avancés et doivent résister à la chaleur et aux rayonnements.

(Photo : Adobe Stock)

Des emballages alimentaires actifs à base de nanocomposites chargés d’huiles essentielles aux polymères super-absorbants radiogreffés, les matériaux avancés traités par irradiation jouent un rôle de plus en plus important dans la réduction des déchets alimentaires, l’amélioration de la performance agricole et des soins de santé et bien plus encore.

En plus d’être légers et faciles à fabriquer, les matériaux avancés modifiés à l’aide de techniques nucléaires sont plus performants et plus durables. Les technologies des rayonnements, notamment celles fondées sur les accélérateurs, ont affermi leur position et contribuent au développement durable via de nombreuses applications.

On trouve des matériaux de haute performance produits par irradiation partout et dans tout. Tous les objets du quotidien dont on a amélioré la solidité et la sûreté en contiennent. Certains de ces matériaux servent même à rendre notre mode de vie plus durable. »
Celina Horak, chef de la Section des radio-isotopes et de la technologie des rayonnements de l’AIEA

Utilisations des matériaux avancés

Plusieurs procédés radio-assistés sont maintenant bien connus et appliqués dans le secteur industriel pour créer des matériaux avancés ou améliorer la production de matériaux de haute performance. L’exposition à des rayonnements, par exemple, accroît l’adéquation du plastique et du caoutchouc, ce qui permet la production de divers articles, comme des tubes en plastique résistant à la chaleur et à la pression qui servent pour les canalisations d’eau et de chauffage dans les bâtiments.

« On trouve des matériaux de haute performance produits par irradiation partout et dans tout », déclare Celina Horak, chef de la Section des radio-isotopes et de la technologie des rayonnements à l’AIEA. « Tous les objets du quotidien rendus plus solides et plus sûrs en contiennent. Certains de ces matériaux servent même à rendre notre mode de vie plus durable. »

Le radiotraitement est aussi utilisé pour faire sécher ou durcir des peintures, encres et revêtements sans solvant et pour améliorer la solidité, la résistance à la température et l’imperméabilité des emballages biosourcés et biodégradables. De la céramique poreuse contenant des nanoparticules d’argent générées in situ sert désormais à purifier l’eau dans les communautés rurales dans de nombreux pays.

Avantages des matériaux avancés dans le contexte du changement climatique

Pour répondre à la demande énergétique croissante tout en luttant contre le changement climatique, des progrès doivent être réalisés dans la production, l’entreposage et le recyclage des énergies renouvelables. « Les technologies des rayonnements conviennent bien pour la fabrication de membranes spécifiques et de composites de base pour les piles à combustible, pour produire de l’énergie renouvelable plus efficacement », indique Xavier Coqueret, professeur à l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Selon lui, le prétraitement par rayonnements peut être utilisé pour améliorer la biomasse lignocellulosique ou la conversion de l’énergie solaire par des systèmes photovoltaïques avancés.

Pour combattre un autre problème environnemental, à savoir la charge des déchets plastiques dans le monde, des méthodes de recyclage efficaces faisant appel aux rayonnements doivent être utilisées afin de concevoir des produits plastiques et composites avancés qui ne seraient pas réutilisables avec les méthodes traditionnelles, ajoute Xavier Coqueret.

Effets des rayonnements sur les matériaux avancés

Des matériaux solides, résistants et durables, essentiels dans l’industrie en général, sont d’autant plus importants dans le secteur nucléaire, où la sûreté des réacteurs et la faisabilité des opérations du cycle du combustible dépendent des matériaux utilisés. Les deux principales contraintes pour les matériaux utilisés dans les réacteurs nucléaires sont la chaleur - traitée grâce aux systèmes de refroidissement - et les rayonnements.

« Les matériaux structurels à l’intérieur des réacteurs nucléaires peuvent être endommagés par les neutrons rapides, qui expulsent les atomes et produisent de l’hydrogène ou de l’hélium sous forme de gaz. Cela peut provoquer un gonflement, la création de vides ou d’autres modifications structurelles et mécaniques qui limitent la durée de vie utile des matériaux », explique Ian Swainson, physicien nucléaire à l’AIEA. « Il est donc primordial de tester la résistance aux rayonnements des matériaux, et les accélérateurs offrent des moyens supplémentaires d’effectuer de tels tests. »

Les particules chargées perdent la plupart de leur énergie vers la fin de leur parcours à travers un matériau, provoquant des dégâts importants mais localisés. C’est pourquoi les chercheurs testent les matériaux susceptibles d’être employés dans les futurs réacteurs nucléaires en utilisant des particules chargées produites par des accélérateurs de faisceaux d’ions.

« On peut tester les matériaux plus rapidement avec un accélérateur qu’avec un réacteur », explique Ian Swainson, précisant que ce qui peut être fait en un jour avec un accélérateur peut prendre un an avec un réacteur à haut flux. En général, les échantillons ne deviennent pas radioactifs et les zones endommagées peuvent être soigneusement sectionnées et examinées à l’aide de techniques microscopiques.

En 2016, Ian Swainson a contribué à l’organisation d’un projet de recherche coordonnée de l’AIEA d’une durée de cinq ans, dans le cadre duquel des échantillons d’un même matériau ont été distribués à plusieurs installations d’accélérateurs afin d’y être irradiés dans des conditions identiques, ainsi qu’au réacteur de recherche à neutrons rapide BOR-60, en Fédération de Russie, à des fins de comparaison. L’analyse postérieure aidera à améliorer la reproductibilité entre les installations d’accélérateurs et montrera avec quelle efficacité les accélérateurs permettent d’écarter les matériaux peu performants.

En août 2022, l’AIEA organisera la deuxième Conférence internationale sur les applications de la science et de la technologie des rayonnements (ICARST-2022) afin d’étudier ces questions et de mettre en lumière les applications et les nouveautés liées aux rayonnements ionisants. La conférence portera, entre autres, sur les avancées et les limites technologiques ou économiques actuelles dans des domaines spécifiques des matériaux avancés et permettra d’examiner les résultats obtenus avec des procédés d’irradiation bien connus en ce qui concerne l’amélioration de la performance des matériaux.

 

05/2022
Vol. 63-2

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