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Le Maroc combat la fièvre aphteuse grâce à des techniques dérivées du nucléaire

Elodie Broussard

Un échantillon est prélevé sur une vache afin de dépister la fièvre aphteuse.  (Photo : F. El Mellouli/LRARC)

Depuis le début 2020, le Maroc peut se targuer de n’avoir enregistré aucun cas de fièvre aphteuse en un an. Aboutissement d’une série de campagnes de vaccination contre une nouvelle souche du virus identifiée en 2019 grâce à des techniques dérivées du nucléaire, cette réussite est en partie due au soutien de l’AIEA, en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

La fièvre aphteuse est une maladie animale hautement contagieuse, souvent mortelle, qui touche les bovins et les ruminants, qu’ils soient domestiques ou sauvages, et qui peut aussi avoir de graves répercussions sur la sécurité alimentaire et mettre en péril les moyens de subsistance des éleveurs. Le Maroc compte 29 millions de bovins, ovins, caprins et camélidés, et l’élevage représente près de 13 % de la contribution de l’agriculture au produit intérieur brut.

Lorsque l’épidémie a frappé plusieurs provinces du pays en 2019, les cheptels de cinq localités ont rapidement été touchés. Chaque cas confirmé s’est soldé par l’abattage de tous les troupeaux dans un périmètre de trois kilomètres et la mise en place d’une zone de surveillance d’un rayon de dix kilomètres, paralysant la vente d’animaux et de produits alimentaires d’origine animale.

Afin d’endiguer au plus vite la propagation de la maladie, le Laboratoire régional d’analyses et de recherches de Casablanca (LRARC) a fait appel à des techniques dérivées du nucléaire, qui permettent d’obtenir des résultats rapides et précis (voir l’encadré « En savoir plus »). Les autres méthodes ayant des délais plus longs, leur utilisation mène à un bilan plus élevé en ce qui concerne le nombre d’animaux contaminés et alourdit les coûts liés à l’épidémie.

Selon Ivancho Naletoski, administrateur en santé animale à la Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture, « la véritable difficulté pour les autorités vétérinaires nationales était de déterminer si les flambées de fièvre aphteuse étaient causées par la même souche du virus que celle identifiée lors de l’épidémie précédente en 2015 ».

En 2017, avec l’appui du programme de coopération technique de l’AIEA, des experts de la Division mixte ont dispensé une formation et fourni du matériel et des consommables à dix professionnels de laboratoire vétérinaire originaires du Maroc, afin de faciliter le diagnostic et d’orienter les mesures de lutte et d’intervention. Parmi les personnes formées figuraient des membres du personnel du LRARC, qui ont identifié la nouvelle souche du virus responsable de l’épidémie début 2019 en mettant à profit les compétences acquises et en sollicitant le service de séquençage génétique créé par l’intermédiaire de la Division mixte.

Peu de temps après le début de l’épidémie, le LRARC a séquencé le génome du virus et l’a comparé à celui des souches en circulation à l’échelle locale. Il a dans le même temps envoyé des échantillons pour séquençage génétique au Laboratoire de santé animale à Maisons-Alfort (France), un établissement de référence pour l’identification de la fièvre aphteuse, qui a confirmé son diagnostic.

« En cas d’épidémie, l’identification de la souche virale est la première opération que doivent effectuer les autorités vétérinaires nationales. La deuxième consiste à sélectionner ou à mettre au point un vaccin adapté, car à chaque souche correspond un vaccin particulier », explique Ivancho Naletoski.

Une fois la souche identifiée et le vaccin sélectionné, les autorités vétérinaires marocaines ont procédé en quelques semaines à des campagnes de vaccination qui ont permis de stopper rapidement la propagation de la maladie. Dans tout le pays, les ruminants à risque (bovins, caprins et ovins) ont été vaccinés en masse, à titre obligatoire, sans que les éleveurs aient à payer quoi que ce soit. Ces campagnes de vaccination ont aidé à renforcer les défenses immunitaires des animaux et empêché la propagation du virus.

« Les techniques de séquençage génomique transférées à notre laboratoire par l’AIEA nous ont donné la possibilité de différencier rapidement les souches en circulation dans le pays et d’adapter les plans de lutte contre la maladie en conséquence », indique Fatiha El Mellouli, qui dirige le Service de la santé animale et végétale du LRARC.

Ces efforts ont eu des résultats tangibles pour les éleveurs, les producteurs et les exportateurs d’animaux et de produits d’origine animale au Maroc. Le pays poursuit son programme national de lutte contre la fièvre aphteuse, soutenu par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) depuis 2012, ainsi que ses efforts visant à améliorer la santé animale et le commerce des produits d’origine animale.

EN SAVOIR PLUS

Séquençage génétique et réaction en chaîne par polymérase

 

Les échantillons prélevés sur le bétail sont testés afin de détecter les virus. (Photo : N. Jawerth/AIEA)

Le séquençage génétique est une technique dérivée du nucléaire qui consiste à analyser l’organisation des informations codées dans l’acide nucléique – acide ribonucléique (ARN) ou acide désoxyribonucléique (ADN) – des agents pathogènes. Il permet de connaître la composition du matériel génétique, ce qui aide les scientifiques à déterminer la fonction du gène analysé, son incidence et le comportement de l’agent pathogène. Cela permet non seulement de diagnostiquer une maladie, mais également de connaître son origine, son évolution et les risques qu’elle peut poser.

Les outils et techniques dérivés du nucléaire, dont le séquençage génétique, sont fréquemment utilisés dans l’analyse phylogénétique de la fièvre aphteuse et d’autres maladies, comme la rage, la brucellose et la maladie à virus Ebola.

06/2020
Vol. 61-2

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