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À la découverte des réacteurs de recherche et de leur utilisation

Elisa Mattar, Nicole Jawerth

Depuis plus de 60 ans, les réacteurs de recherche constituent des outils polyvalents utilisés dans le monde entier pour tester des matériaux, faire avancer la recherche scientifique et mettre au point et produire des matières radioactives essentielles au diagnostic, et parfois au traitement, de maladies. Si la gamme de modèles de réacteurs de recherche est vaste, l’éventail de leurs applications, qui offrent des avantages socio-économiques aidant des pays du monde entier à atteindre leurs objectifs de développement durable, l’est encore davantage.

Plus de 800 réacteurs de recherche ont été construits à ce jour. Bien que beaucoup aient été mis à l’arrêt et déclassés au fil des ans, 224 sont encore en service dans 53 pays. Neuf réacteurs de recherche sont en chantier et plus de dix ont été construits au cours des dix dernières années. Étant donné que la plupart de ces réacteurs ont été construits dans les années 1960 et 1970, la moitié de ceux en service dans le monde ont plus de 40 ans et près de 70 % ont plus de 30 ans.

Qu’est-ce qu’un réacteur de recherche ?

Les réacteurs de recherche sont de petits réacteurs nucléaires qui servent principalement à produire des neutrons, à la différence des réacteurs nucléaires de puissance, qui sont plus grands et servent à produire de l’électricité. Par rapport aux réacteurs nucléaires de puissance, les réacteurs de recherche sont de conception plus simple, fonctionnent à des températures plus basses et nécessitent beaucoup moins de combustible, engendrant donc beaucoup moins de déchets. Compte tenu de leur rôle important dans la recherche-développement, de nombreux réacteurs de recherche sont situés sur des campus universitaires ou dans des établissements de recherche.

La puissance des réacteurs de recherche est exprimée en mégawatts (MW). Un mégawatt équivaut à un million de watts, le watt étant une unité de puissance. La puissance des réacteurs de recherche varie entre 0 MW (comme celle d’un assemblage critique) et 200 MW. À titre de comparaison, un grand réacteur nucléaire de puissance peut produire 3 000 MW, ce qui correspond à 1 000 MW électriques. Toutefois, la puissance de la plupart des réacteurs de recherche est inférieure à 1 MW.

Comment les réacteurs de recherche sont-ils utilisés ?

Les réacteurs de recherche produisent des neutrons, particules subatomiques présentes dans la quasi-totalité des atomes, qui sont utiles pour les études scientifiques aux niveaux atomique et microscopique. Ils sont notamment utilisés pour produire des radio-isotopes en médecine et pour irradier des matières dans le cadre de la mise au point de réacteurs de fission et de fusion. Ces particules sont principalement utilisées dans les domaines de l’industrie, de la médecine, de l’agriculture, de la criminalistique, de la biologie, de la chimie et de la géochronologie.

À la différence des réacteurs de puissance, les réacteurs de recherche se prêtent bien à la formation théorique et pratique, en raison de leur complexité moindre. En effet, leurs systèmes et leur conception générale sont simples et facilement accessibles, ce qui permet de simuler différentes conditions d’un réacteur en toute sûreté. Les réacteurs de recherche peuvent être utilisés pour former les exploitants de réacteurs, le personnel d’exploitation et de maintenance d’installations nucléaires, le personnel de radioprotection et d’organismes de réglementation, des étudiants et des chercheurs.

Quelques utilisations des réacteurs de recherche

La recherche à l’aide de neutrons a commencé après la découverte de ces particules par James Chadwick en 1932. Vers la moitié des années 1950, l’utilisation des neutrons dans le domaine de la recherche s’est répandue, notamment parce que les chercheurs ont commencé à appliquer les techniques de diffusion neutronique. Aujourd’hui, les neutrons produits par des réacteurs de recherche sont utilisés à des fins très diverses, dont quelques exemples sont présentés ci-après.

La diffusion neutronique est une technique d’analyse qui permet de comprendre la structure et le comportement de solides et de matières condensées. Lorsque les neutrons interagissent avec les atomes de la matière, leur énergie et d’autres de leurs propriétés peuvent subir des changements qui permettent d’étudier la structure et la dynamique de la matière. De par leurs propriétés, les neutrons sont aussi très utiles pour étudier l’hydrogène, de petits ou grands objets, ainsi que d’innombrables matériaux, notamment des matériaux magnétiques. Ainsi, ils permettent par exemple de comprendre comment les os se régénèrent, d’étudier les protéines du cerveau, d’améliorer les batteries et de créer des aimants.

Pour analyser des matériaux, on associe souvent des techniques neutroniques à des techniques faisant appel aux rayons X, car elles fournissent des informations complémentaires. Les neutrons sont sensibles aux éléments plus légers, en particulier l’hydrogène dans l’eau et la matière biologique, tandis que les rayons X sont plus sensibles aux éléments plus lourds, tels que le fer dans l’acier. La combinaison de techniques neutroniques et de techniques faisant appel aux rayons X permet d’obtenir une plus grande sensibilité à tous les composants d’un échantillon ou d’un objet.

L’utilisation de neutrons aux fins de la recherche sur les matériaux aide les scientifiques à comprendre et à élaborer des technologies dans des domaines divers : de l’électronique à la médecine en passant par les matériaux de construction pour des conditions extrêmes, comme le matériel destiné au travail dans l’espace ou dans les centrales nucléaires.

En outre, les neutrons produits par les réacteurs de recherche peuvent servir à caractériser des objets du patrimoine culturel, comme des peintures ou des monuments. Les techniques neutroniques permettent de distinguer différents types de matériaux utilisés dans les œuvres d’art, comme des peintures, ainsi que les composants élémentaires et la texture d’objets historiques, comme des pierres. Ces techniques sont appelées « essais non destructifs », car elles permettent aux chercheurs d’étudier les objets sans les endommager.

L’irradiation neutronique peut également servir à créer de nouveaux matériaux ayant des propriétés utiles. Par exemple, on irradie du silicium à l’aide de neutrons pour en modifier la conductivité en vue de son utilisation dans des semi-conducteurs de forte puissance.

Les réacteurs de recherche sont aussi utilisés pour produire des radio-isotopes, éléments instables qui retrouvent la stabilité après avoir subi une décroissance radioactive. Au cours du processus de décroissance, divers types de rayonnements sont émis et peuvent être utilisés à des fins médicales ou industrielles.

L’une des utilisations les plus fréquentes des radio-isotopes est le diagnostic et le traitement de maladies telles que le cancer ou les maladies cardio-vasculaires. Le radio-isotope le plus utilisé en médecine est le technétium 99m, qui est obtenu à partir du molybdène 99 et est utilisé en imagerie diagnostique.

Appuyer l’utilisation des réacteurs de recherche

Depuis plusieurs dizaines années, l’AIEA promeut l’utilisation des réacteurs de recherche dans le monde entier. Elle fournit un appui aux pays à toutes les phases d’un projet de réacteur de recherche : planification, construction, mise en service, exploitation, déclassement en fin de vie utile et démantèlement. Elle aide aussi les pays à optimiser l’utilisation efficiente et durable de leurs réacteurs de recherche et aide ceux qui ne possèdent pas de tels réacteurs à y avoir accès afin qu’ils puissent eux aussi bénéficier de leurs avantages. Cet appui est fourni sous la forme de formations, d’ateliers, d’une mise en commun des compétences et des meilleures pratiques, de services d’examen par des pairs, ainsi que de documents d’orientation, de normes et de cours en ligne. L’AIEA apporte également son concours en ce qui concerne la sûreté et la sécurité des réacteurs de recherche, notamment le remplacement sûr et sécurisé du combustible à l’uranium hautement enrichi par du combustible à l’uranium faiblement enrichi.

11/2019
Vol. 60-4

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