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Les progrès en science et en technologie des matériaux accentuent les avantages apportés par l’énergie propre d’origine nucléaire

Carley Willis

Vue aérienne de deux turbines de la tranche 2 sur le site du Darlington Refurbishment Project (projet de rénovation). (Photo : R. Radell/Ontario Power Generation)

Les progrès de la science et de la technologie des matériaux aident à prolonger la durée de vie des centrales nucléaires, ce qui permet aux pays exploitants de continuer à recueillir les bienfaits de l’énergie propre qu’elles produisent.

« Le coût de la rénovation d’une centrale nucléaire pour une exploitation à long terme est très inférieur à celui de la construction d’une nouvelle centrale nucléaire », explique Ed Bradley, chef d’équipe chargé de l’appui à l’ingénierie et à l’exploitation des centrales nucléaires à l’AIEA. « L’exploitation à long terme d’une centrale nucléaire constitue une excellente occasion de pérenniser la génération actuelle de ces installations, une des sources les plus rentables d’électricité bas carbone. Grâce aux matériaux et ressources dont nous disposons aujourd’hui et que nous n’avions pas auparavant, cette option est devenue attrayante et compétitive pour de nombreux pays qui cherchent à réduire leurs émissions de carbone. »

La plupart des réacteurs de centrales nucléaires ont été construits initialement pour avoir une durée de vie utile comprise entre 30 et 40 ans. Pour prolonger la durée de vie d’une centrale nucléaire, il faut notamment déterminer si, du point de vue de la sûreté, de la sécurité et de la rentabilité, elle peut continuer de fonctionner après sa date supposée de mise à l’arrêt. Quand sa durée de vie est prolongée, elle peut souvent continuer à être exploitée 20 à 40 ans de plus.

« Compte tenu du travail approfondi et rigoureux mené lors du choix initial du site, de la conception et de la construction d’une centrale nucléaire, ainsi que de la gestion du vieillissement assurée tout au long de son exploitation, assortie de certaines mises à niveau et rénovations, nombre de ces installations peuvent continuer à fonctionner en toute sûreté bien après la date de leur mise à l’arrêt prévue au départ. », déclare Robert Krivanek, spécialiste principal de la sûreté à l’AIEA. « Cependant, leurs composants et leur conception étant parfois tels qu’il est impossible de les rénover facilement ou à moindres coûts, certaines d’entre elles ne sont pas adaptées à une exploitation à long terme », ajoute-t-il.

L’un des problèmes majeurs posés par un réacteur nucléaire de puissance vieillissant est celui de la dégradation. En cours d’exploitation, ses structures et composants doivent résister à des températures élevées, à des conditions difficiles et à un fonctionnement en continu qui peuvent les user au fil du temps.

« Des évaluations régulières et le remplacement d’éléments peuvent atténuer le phénomène de dégradation mais, sur le long terme, ce n’est peut-être pas l’approche la plus rentable, surtout en vue d’une exploitation destinée à durer », déclare Ed Bradley.

Des techniques et matériaux nouveaux

Grâce à la mise au point de nouvelles techniques, comme le soudage laser et le soudage par friction-malaxage, et de nouveaux matériaux, comme l’acier duplex, qui résiste mieux à la corrosion, certains composants peuvent maintenant durer plus longtemps en toute sûreté et, partant, l’exploitation prolongée d’une centrale nucléaire est plus aisée d’un point de vue économique.

Par ailleurs, des chercheurs comprennent maintenant mieux comment les différences de conditions d’exploitation entre centrales nucléaires peuvent affecter leurs composants et structures. Par exemple, dans le cas des réacteurs CANDU, qui ont été mis en service entre 1970 et 1993 en Ontario (Canada), la recherche en science des matériaux et l’inspection des composants ont permis à certains de ces derniers de fonctionner de manière sûre dix ans de plus que les 30 ans prévus. Un programme de rénovation s’élevant à 18,5 milliards de dollars É-U prolongera encore l’exploitation de ces réacteurs pour un second cycle d’une durée maximale de quarante ans. Ainsi, certains réacteurs construits dans les années 1980 seront encore en service dans les années 2060, dans de bonnes conditions de sûreté.

« Nos réacteurs ont été construits à une époque où nous étions peu familiarisés avec les centrales nucléaires, et la durée de vie de nos modèles prévue au départ était prudemment estimée à 30 ans », déclare Fred Demarkar, Président-directeur général du Groupe de propriétaires de CANDU, groupe d’exploitants de centrales nucléaires présent dans sept pays dotés de réacteurs CANDU. « C’est en exploitant ces appareils, en apprenant à les connaître et à comprendre leur processus de vieillissement que nous nous rendons compte de l’avantage inappréciable que nous retirons à les exploiter sur le long terme. »

Fred Demarkar explique comment s’appuyer sur la recherche de pointe menée en science des matériaux pour prédire le comportement de ceux-ci plusieurs années à l’avance. « Les réacteurs CANDU sont dotés de composants appelés tubes de force pour refroidir le combustible. Dans l’enceinte de ces réacteurs, les propriétés de ces derniers évoluent avec le temps, en raison de l’intensité des flux de neutrons et de la pression et des températures élevées, ainsi que de la corrosion due à l’eau de refroidissement. Pour anticiper les changements dus à la corrosion, par exemple, nous commençons par examiner les tubes de force irradiés ayant été extraits des réacteurs en service. Nous leur appliquons ensuite des techniques d’accélération artificielle de la corrosion, puis nous soumettons ces composants vieillis artificiellement à des tests poussés afin de déterminer les propriétés de leurs matériaux. Nous sommes ainsi à même d’établir la durée pendant laquelle nous pouvons les utiliser. C’est en ayant une longueur d’avance en laboratoire que nous pouvons nous assurer que ces composants continueront de fonctionner de manière sûre et fiable jusqu’à leur date prévue de rénovation », explique-t-il.

Mégadonnées et électronucléaire

Par ailleurs, des chercheurs étudient en ce moment comment mesurer et établir la possibilité d’exploiter une centrale nucléaire à long terme à partir de mégadonnées. Ce terme « mégadonnées » fait référence à l’analyse de quantités considérables et extrêmement complexes de données recueillies très rapidement et souvent en temps réel qui permet de dégager des tendances et des schémas et de prédire des effets et des comportements.

Dans le cadre de l’exploitation à long terme d’une centrale nucléaire, des millions de données sur le fonctionnement d’une centrale sont recueillies, notamment celles issues des journaux de bord, des mesures prises dans les réacteurs et des événements signalés. En les extrayant à l’aide de logiciels dédiés, les chercheurs peuvent prédire, grâce à des outils de simulation, la manière dont les systèmes, structures et composants d’une centrale vont probablement vieillir dans différentes conditions, déterminer ceux qui auront besoin d’être remplacés et estimer à peu près le moment où cette opération devrait intervenir.

« Les mégadonnées ne sont pas seulement l’avenir, elles s’inscrivent dans le présent et commencent à s’imposer », déclare Fred Demarkar. « Nos centrales nucléaires se modernisent ; elles sont équipées de davantage d’instruments portables et faciles à installer, ce qui nous permet de recueillir des données et d’anticiper les problèmes au plus tôt, et donc de prendre des mesures correctives sans délai. Nous constatons de réels avantages : elles fonctionnent mieux maintenant qu’à n’importe quel autre moment de leur passé. »

Aider les pays concernés à mener à bien l’exploitation à long terme de leurs centrales nucléaires est un des aspects de l’action menée par l’AIEA. Celle-ci élabore des normes de sûreté reconnues au niveau international, donne des orientations dans des publications techniques comme celle intitulée « Ageing Management for Nuclear Power Plants: International Generic Ageing Lessons Learned » (Gestion du vieillissement des centrales nucléaires : enseignements génériques tirés au niveau international), et partage son savoir-faire dans le cadre des missions d’examen par des pairs des Questions de sûreté concernant l’exploitation à long terme (SALTO). Elle coordonne également un groupe de travail permettant à des exploitants, organismes de réglementation et décideurs des quatre coins du globe de mettre en commun leurs données d’expérience et d’échanger leurs bonnes pratiques.

« Le problème principal d’une exploitation à long terme, c’est de maintenir les normes de sûreté les plus rigoureuses tout en restant soucieux de la rentabilité », déclare Garry G Young, Directeur des services de renouvellement des licences chez Entergy Nuclear et Président du groupe de travail de l’AIEA sur l’exploitation à long terme. « Notre groupe de travail recherche sans cesse des moyens de garantir efficacité et sûreté, et de diffuser les résultats et les avancées obtenus dans le domaine, de sorte que les travaux de recherche-développement profitent à tous. »

09/2020
Vol. 61-3

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