You are here

Les Émirats arabes unis utilisent l’électronucléaire pour lutter contre le changement climatique et partagent leur expérience

Michael Madsen

Une fois prêtes, les quatre tranches de la centrale de Barakah pourront fournir jusqu’à un quart de l’électricité des Émirats arabes unis. (Photo : ENEC)

Tout le monde s’accordera à dire qu’aux Émirats arabes unis, l’été est une saison particulièrement chaude. Les températures y atteignent régulièrement les 40 °C et passent parfois même la barre des 50 °C. Le changement climatique aggrave cette situation. Le pays, qui compte près de 10 millions d’habitants, est classé parmi les plus sensibles aux effets du changement climatique – notamment la hausse des températures, la baisse des précipitations, les sécheresses, l’augmentation du niveau de la mer et la multiplication des tempêtes. Pour rester habitable à long terme, il devra lutter contre ce phénomène.

L’une des stratégies que les Émirats ont mis en place à cette fin consiste à se servir de l’électronucléaire pour réduire l’empreinte carbone de son système énergétique – stratégie qu’ils aident à mettre en place dans d’autres pays, en coopération avec l’AIEA.

En 2007, après mûre réflexion, les Émirats ont décidé de mettre sur pied un programme électronucléaire civil. Huit ans seulement après le lancement des travaux en 2012, un réacteur nucléaire de conception sud-coréenne, le premier d’une série de quatre, y a été couplé au réseau. La nouvelle centrale, située à Barakah à presque 300 kilomètres à l’ouest de la capitale du pays, Abou Dhabi, est la première du monde arabe.

« La liste des primo-accédants est longue, mais les Émirats arabes unis se démarquent par le lancement réussi de leur programme, qui leur a permis d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins commerciales en très peu de temps, dans le plein respect de toutes les normes et réglementations de sûreté que l’on exige aujourd’hui », explique François Foulon, professeur, responsable du département de génie nucléaire et directeur du Centre émirien de technologie nucléaire à l’Université Khalifa.

M. Foulon travaille en étroite collaboration avec l’AIEA pour permettre aux experts d’autres pays de se rendre aux Émirats arabes unis et de tirer parti de leur expérience. À ce titre, l’Université Khalifa a été désignée en 2017 centre collaborateur de l’AIEA pour l’infrastructure et les ressources humaines dans le domaine de l’énergie nucléaire.

« Lorsque les Émirats arabes unis ont lancé leur programme nucléaire, leurs infrastructures et capacités étaient limitées : très peu d’ingénieurs nucléaires, aucune expérience ou législation en la matière, et aucun modèle comparable à suivre pour un projet d’une telle ampleur », explique M. Foulon. « Le pays est parti de zéro pour presque tout. L’AIEA l’a aidé tout au long de ce parcours, et c’est aujourd’hui au tour des Émirats de transmettre leur expérience à d’autres pays pour les aider à concrétiser leurs ambitions électronucléaires. »

À l’heure où la crise climatique s’aggrave dans le monde, il est nécessaire d’augmenter la part de l’énergie d’origine nucléaire. Le monde peut tirer parti de l’expérience des Émirats pour assurer un avenir décarboné.
Liliya Dulinets, chef de la Section du développement de l’infrastructure nucléaire de l’AIEA

Décarboner l’énergie aux Émirats arabes unis et ailleurs

Les principales raisons qui ont poussé les Émirats arabes unis à se tourner vers l’électronucléaire sont la fiabilité de cette source d’énergie, sa disponibilité 24 heures sur 24 et une faible teneur en carbone en charge de base, précise M. Foulon. L’électronucléaire bas carbone joue un rôle clé dans l’objectif de « zéro émission nette » que le pays entend atteindre à l’horizon 2050, et dont l’un des jalons est de disposer de 14 gigawatts d’énergie propre d’ici 2030.

La centrale de Barakah participe à cet objectif. Deux tranches y sont actuellement exploitées à des fins commerciales, la troisième est en cours de démarrage et la quatrième en est aux dernières étapes de la mise en service. Une fois les quatre tranches prêtes, elles pourront fournir jusqu’à un quart de l’électricité des Émirats. Selon la Société de l’énergie nucléaire des Émirats arabes unis (ENEC), elles devraient produire jusqu’à 5 600 mégawatts d’électricité, soit suffisamment pour alimenter 574 000 foyers pendant une année entière. Le pays devrait ainsi émettre annuellement 22,4 millions de tonnes de carbone en moins, soit l’équivalent que ce que pourraient absorber 350 millions d’arbres en 10 ans. Ce chiffre représente également un quart de l’objectif que les Émirats ont promis d’atteindre en matière de réduction des émissions lors la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26), en 2021.

D’autres pays s’intéressent eux aussi à l’électronucléaire pour ses capacités d’atténuation du changement climatique, et une trentaine d’entre eux envisagent aujourd’hui d’entreprendre un tel programme. Soutenue par l’AIEA, l’Université Khalifa partage en tant que centre collaborateur son savoir-faire avec certains de ces pays.

« Forts de l’expérience qu’ils ont acquise en construisant des centrales nucléaires, les Émirats arabes unis sont devenus un « astre au zénith » pour tous les primo-accédants. Les leçons sont claires et étonnantes », affirme Kufre Friday Akpan, responsable scientifique principal à la Commission nigériane de l’énergie atomique. En 2019, M. Akpan a participé à la formation de l’AIEA sur l’établissement des infrastructures électronucléaires consacrée à l’application des prescriptions nationales aux programmes nucléaires, organisée aux Émirats arabes unis.
Il a ainsi pu se rendre sur place et rencontrer les experts de l’Autorité fédérale émirienne de réglementation nucléaire (AFRN) et de l’ENEC, pour apprendre directement auprès d’eux.

« En tant que centre collaborateur, l’Université Khalifa permet aux experts du monde entier de profiter de l’acquis des Émirats et de leurs avancées sur la voie de l’électronucléaire », indique Liliya Dulinets, chef de la Section du développement de l’infrastructure nucléaire à l’AIEA. Mme Dulinets travaille en étroite collaboration avec le centre pour organiser des sessions de formation dans le pays et optimiser les enseignements dispensés. Au fil des ans, le centre collaborateur a mis sur pied de nombreuses formations, notamment un cours théorique sur le nucléaire et la mise en valeur des ressources humaines pour des primo-accédants comme l’Arabie Saoudite, la Malaisie et le Viet Nam.

Pour Mme Dulinets, la Conférence ministérielle internationale sur l’électronucléaire au XXIe siècle que les Émirats ont accueillie sur leur sol en 2017 leur a servi de tremplin pour mettre en lumière leur réussite dans le domaine nucléaire. En 2023, ils seront sur le devant de la scène mondiale, puisqu’ils accueilleront la COP28 à Dubaï. Mme Dulinets assure actuellement la coordination avec le centre collaborateur pour renforcer la coopération et assurer des formations adaptées aux besoins des primo-accédants. « À l’heure où la crise climatique s’aggrave dans le monde, il est nécessaire d’augmenter la part de l’énergie d’origine nucléaire.
Le monde peut tirer parti de l’expérience des Émirats pour assurer un avenir décarboné. »

12/2022
Vol. 63-4

Suivez-nous

Lettre d'information