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Résilience et sûreté de l’électronucléaire face aux événements extrêmes

Matthew Fisher

Les centrales nucléaires sont construites pour durer. Néanmoins, face à l’augmentation de la probabilité d’événements extrêmes mondiaux — susceptibles de toucher les centrales, comme les catastrophes naturelles et les conditions météorologiques intensifiées par les changements climatiques, ou leur personnel, comme l’augmentation du nombre de maladies infectieuses — la résilience et la contribution des centrales à la réduction des émissions de carbone dépendront de la flexibilité de leur personnel et de la solidité de leur conception.

Pour Loreta Stankeviciute, analyste des systèmes énergétiques à l’AIEA, la transformation fondamentale du secteur énergétique en un système d’approvisionnement en énergie bas carbone est nécessaire pour atténuer les changements climatiques au cours des 20 à 30 prochaines années. « Néanmoins, pour cela, il faut aussi que ce secteur puisse résister aux événements extrêmes et aux changements environnementaux et s’y adapter », précise-t-elle. « De par sa résilience et sa sûreté, l’électronucléaire est bien placé pour aider la communauté internationale à surmonter ces difficultés. »

Pandémies

La résilience des centrales a été testée récemment lors de la pandémie inédite de COVID-19.

La propagation du virus de la COVID-19 sur l’ensemble du globe, au début de l’année 2020, a bouleversé les sociétés et les économies. De nombreuses restrictions, dont des mesures de confinement, ont été mises en place pour limiter cette propagation.

« Malgré ces contraintes mondiales, les centrales nucléaires ont continué de fonctionner en toute sûreté partout dans le monde. Les exploitants ont appliqué des plans d’urgence en douceur et pris toute une série de mesures pour assurer le maintien des opérations et la sûreté du personnel. Ils ont pris les précautions nécessaires et effectué des modifications opérationnelles et organisationnelles judicieuses tout en continuant d’assurer la sûreté et la sécurité des centrales », déclare le Directeur de la Division de la sûreté des installations nucléaires de l’AIEA, Greg Rzentkowski.

Les rapports des exploitants montrent que, si aucun pays n’a signalé avoir dû mettre à l’arrêt un réacteur de puissance en raison des effets de la COVID-19, certains arrêts de maintenance programmés ont dû être raccourcis ou reportés avec l’accord des organismes de réglementation, conformément aux mesures de protection sanitaire qui ont entraîné une réduction temporaire des activités non essentielles. De plus, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement liées à la pandémie, notamment les retards dans la fourniture de services et l’arrêt momentané des activités des fabricants, pourraient retarder la mise en œuvre des projets de construction et de rénovation majeure.

« On ne sait pas encore exactement quel impact les perturbations liées à la pandémie auront sur le secteur industriel », explique le Directeur de la Division de l’énergie d’origine nucléaire de l’AIEA, Dohee Hahn. « Les informations que nous continuons de recevoir nous donnent des indications précieuses sur les répercussions de la pandémie sur l’industrie nucléaire et aideront les exploitants et les responsables de la réglementation à tirer des enseignements de leurs expériences respectives. »

Non seulement l’électronucléaire a prouvé sa résilience pendant la pandémie, mais il a aussi montré qu’il était sûr et adapté pour répondre à l’évolution des besoins énergétiques. Sa part dans le bouquet énergétique de certains pays a augmenté depuis le début de la pandémie, notamment au Brésil, en Corée du Sud et en Inde. Au Royaume-Uni, par exemple, il a grandement contribué à la réduction spectaculaire de la consommation de charbon à des fins de production électrique : en effet, la baisse de la demande d’électricité provoquée par la pandémie a permis au Royaume-Uni de fermer temporairement des centrales au charbon pour recourir davantage à l’électronucléaire.

Changements climatiques

La résilience du personnel des centrales n’a pas seulement été nécessaire à la poursuite harmonieuse de l’exploitation pendant la pandémie ; avec la conception robuste des centrales, elle est aussi indispensable pour faire face aux phénomènes météorologiques extrêmes, notamment ceux découlant des changements climatiques.

Provoqués par l’élévation de la température moyenne de la planète, les changements climatiques influent sur la gravité et la fréquence des événements météorologiques tels que les périodes de températures extrêmes ou de fortes précipitations, la violence des vents et les fortes hausses du niveau des mers. Ces changements devraient encore s’intensifier à court comme à long terme.

« Si l’élévation du niveau des mers et de la température de l’air peut poser problème pour la continuité de l’exploitation d’un réacteur en limitant sa capacité de refroidissement, ce sont les fortes inondations et les vents violents qui, en menaçant la conception de l’installation, risquent de compromettre la sûreté de cette dernière », explique Greg Rzentkowski. « Un des problèmes avec les changements climatiques, c’est que plus ils gagnent du terrain et accentuent les événements extrêmes, moins les observations passées et les modèles prédictifs sont fiables. C’est pourquoi nous devrions commencer à anticiper ces événements et réévaluer périodiquement les risques pertinents pour veiller à ce que les mesures de prévention et d’atténuation des accidents restent adaptées. »

Événements naturels

Les centrales nucléaires peuvent aussi être affectées par les événements naturels extrêmes tels que les séismes, les tornades, les épisodes d’activité volcanique, les tempêtes de verglas et les inondations. Dans de rares circonstances, ces événements peuvent être tellement extrêmes qu’ils dépassent la base de conception des centrales.

On peut citer comme exemple l’accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi (Japon) le 11 mars 2011, provoqué par un tsunami faisant suite à un violent tremblement de terre. Si la centrale nucléaire a été endommagée par ces événements et les explosions d’hydrogène qui s’en sont suivies, aucun décès n’a été à déplorer.

Au lendemain de l’accident, des mesures concrètes ont été prises pour renforcer la sûreté des centrales nucléaires existantes et concevoir des nouvelles centrales plus résistantes aux événements extrêmes. Ces mesures comprennent notamment des options de refroidissement alternatives, des générateurs de secours certifiés au niveau environnemental, des boucliers et des scellés de protection face au vent, et des digues et autres barrages destinés à protéger contre les inondations.

Tous les types d’événements externes susceptibles de toucher un site nucléaire ou de compromettre la sûreté des installations nucléaires sont couverts dans les normes de sûreté de l’AIEA, notamment celles concernant l’évaluation du site et l’évaluation de la conception et de la sûreté. Ces normes correspondent à la pratique actuelle et servent à garantir la sûreté des centrales tout au long de leur durée de vie utile. L’AIEA fournit également des orientations dans ses publications de la collection Énergie nucléaire et d’autres publications techniques, notamment celle consacrée à l’adaptation du secteur énergétique aux changements climatiques.

09/2020
Vol. 61-3

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