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La technologie nucléaire dans la lutte contre le paludisme, la dengue et la maladie à virus Zika

Nicole Jawerth

Un moustique Aedes mâle. (Photo : AIEA)

Les maladies telles que le paludisme, la dengue et la maladie à virus Zika, transmises par différentes espèces de moustiques, bouleversent la vie de millions de personnes dans le monde. Les experts de nombreux pays utilisent les techniques nucléaires et dérivées du nucléaire pour détecter et combattre ces maladies dangereuses et souvent mortelles et lutter contre les insectes qui les propagent.

L’imagerie diagnostique permet de détecter les infections palustres qui n’ont pas été décelées lors des contrôles de routine.
Hadj Slimane Cherif, Chef du Bureau pour l’utilisation pacifique de la technologie nucléaire du Ministère des affaires étrangères d’Oman

La dengue et la maladie à virus Zika

Le virus de la dengue et le virus Zika sont principalement transmis par des moustiques de l’espèce Aedes, la plus répandue dans les régions tropicales. La dengue se manifeste généralement par un état grippal débilitant, mais les quatre souches du virus peuvent aussi causer des maladies graves et potentiellement mortelles. Le virus Zika, pour sa part, n’occasionne aucun symptôme ou seulement des symptômes bénins, mais il peut provoquer de graves malformations congénitales chez les nouveau-nés et des troubles neurologiques débilitants chez certains adultes.

La transcription inverse - réaction de polymérisation en chaîne (RT-PCR) est une des techniques de laboratoire les plus précises et les plus utilisées pour détecter ces deux virus. Des experts du monde entier ont reçu une formation et du matériel de l’AIEA afin de pouvoir utiliser cette technique pour détecter, surveiller et étudier les agents pathogènes tels que les virus. Les résultats diagnostiques aident les professionnels de santé à fournir un traitement et permettent aux experts de suivre l’évolution des virus et de prendre des mesures pour limiter leur propagation.

Lorsqu’une nouvelle épidémie s’est déclenchée en 2015 et en 2016, les médecins n’étaient pas certains de la cause de la maladie ; la RT-PCR a permis de déterminer que c’était le virus Zika, et pas celui de la dengue ou un autre. La RT-PCR a été utilisée pour détecter le virus chez les personnes infectées tout au long de l’épidémie, qui a été déclarée « urgence de santé publique de portée internationale » par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en janvier 2016, et l’AIEA a aidé de nombreux pays à utiliser cette technique, en coopération avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Si la menace du virus Zika est maintenant sous contrôle, l’épidémie ayant pris fin en novembre 2016, la dengue est de plus en plus problématique. Par exemple, dans certains pays d’Amérique latine et des Caraïbes, le nombre de cas a jusqu’à triplé entre janvier 2019 et janvier 2020, tandis qu’en Asie le Bangladesh est en proie à la pire épidémie de dengue de son histoire avec plus de 80 000 cas enregistrés en 2019.

La pandémie de COVID-19 qui s’est déclenchée au début de l’année 2020 aggrave la situation. « La coïncidence de la dengue et de la COVID-19 a provoqué la saturation de nombreux systèmes de soins de santé », déclare la cheffe de la Section de la médecine nucléaire et de l’imagerie diagnostique de l’AIEA, Diana Paez. « En plus, comme les deux maladies ont certains symptômes et certaines caractéristiques de laboratoire en commun, il est difficile d’établir un diagnostic différentiel. Un mauvais diagnostic complique la gestion des soins et la lutte contre la maladie, c’est pourquoi les techniques de détection fiables comme la RT-PCR sont d’une importance capitale. »

En plus de diagnostiquer ces maladies et de surveiller leur évolution chez l’homme, les experts cherchent des moyens de réduire la population du moustique Aedes, un vecteur de virus. Une option consiste à lutter contre les insectes à l’échelle d’une zone au moyen de diverses techniques, dont une méthode de régulation des naissances basée sur le nucléaire appelée « technique de l’insecte stérile » (TIS) (voir l’encadré « En savoir plus »).

« La TIS a été appliquée avec succès contre plusieurs insectes ravageurs importants pour l’agriculture et est actuellement adaptée pour être utilisée contre les moustiques », indique Rafael Argilés Herrero, entomologiste à la Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture. « Elle agit exclusivement sur les espèces cibles, sans aucune incidence sur les autres organismes vivants ou sur l’environnement. »

Les recherches consacrées à l’utilisation de la TIS contre les moustiques Aedes se sont intensifiées partout dans le monde, en partie grâce à l’appui de l’AIEA et de la FAO. Par exemple, un projet de quatre ans a été lancé en 2016 afin d’aider les pays de la région Amérique latine et Caraïbes. En 2019, à la demande du Bangladesh, un plan de travail quadriennal a été établi concernant l’application de la TIS à titre expérimental contre les moustiques vecteurs de la dengue. Des projets ont aussi été lancés en Asie et en Europe, et la TIS a commencé à être appliquée à titre expérimental dans 13 pays, avec un score allant jusqu’à 95 % des cibles éliminées.

Au début de l’année 2020, l’AIEA, la FAO, le Programme spécial de recherche et de formation concernant les maladies tropicales et l’OMS ont publié le cadre d’orientation sur l’utilisation de la technique de l’insecte stérile à titre expérimental comme outil de lutte contre les maladies transmises par les moustiques Aedes (Guidance Framework for Testing the Sterile Insect Technique as a Vector Control Tool against Aedes-Borne Diseases). Cette publication décrit comment établir un programme de TIS et décider s’il convient d’appliquer cette technique dans les régions touchées d’un pays.

Le paludisme

Le paludisme est une maladie infectieuse parasitaire transmise par les moustiques Anopheles femelles. Près de la moitié de la population mondiale est exposée à cette maladie, qui provoque toute une série de troubles sanitaires pouvant aller jusqu’à la mort.

Les professionnels de santé peuvent diagnostiquer le paludisme en examinant un échantillon de sang au microscope pour visualiser le parasite ou en mesurant les antigènes à partir de la réaction du système immunitaire au parasite. La technique de la réaction de polymérisation en chaîne (PCR) permet également de détecter la maladie, en particulier lorsqu’il y a une faible densité parasitaire ou d’autres infections. Les techniques d’imagerie médicale telles que la radiographie et la tomodensitométrie, quant à elles, permettent aux médecins d’évaluer les complications cliniques de la maladie.

« L’imagerie diagnostique permet de détecter les infections palustres qui n’ont pas été décelées lors des contrôles de routine », souligne le chef du Bureau pour l’utilisation pacifique de la technologie nucléaire du Ministère des affaires étrangères d’Oman, Hadj Slimane Cherif. Il explique que le nombre de cas de paludisme enregistrés à Oman a diminué ces vingt dernières années et que les méthodes moléculaires d’imagerie diagnostique apprises dans le cadre du programme de coopération technique de l’AIEA jouent un rôle majeur dans la nouvelle politique du pays consistant à contrôler les voyageurs en provenance de zones d’endémie palustre. « Cette politique fera d’Oman un pays exempt du paludisme. »

En réduisant la population de moustiques Anopheles grâce à la TIS, les experts espèrent réduire également la propagation du paludisme. Ils rencontrent quelques difficultés techniques, notamment pour garantir que seuls les moustiques mâles stérilisés sont relâchés et mettre au point des pièges efficaces, ce qui compromet l’utilisation de la TIS à grande échelle contre ce type de moustique.

Un des enjeux actuels en ce qui concerne l’utilisation de la TIS contre les moustiques est de trouver une façon de relâcher efficacement ces insectes fragiles. En juin 2020, les chercheurs ont découvert que les drones permettaient de relâcher des mâles stérilisés plus économiquement, plus rapidement et avec moins de dégâts qu’avec les autres techniques habituelles, comme le lâcher au sol ou par avion. Cette découverte marque un tournant majeur dans l’utilisation de la TIS contre les moustiques à plus grande échelle.

EN SAVOIR PLUS

La technique de l’insecte stérile

Technique de l'insecte stérile

La technique de l’insecte stérile consiste à utiliser les rayonnements pour stériliser des insectes mâles produits en masse dans des installations spéciales. Les mâles stériles sont systématiquement lâchés en grand nombre depuis le sol ou par voie aérienne. Ils s’accouplent avec les femelles sauvages dans la nature, sans se reproduire. Ce faisant, la population d’insectes diminue petit à petit ou, si elle est isolée, disparaît complètement. La TIS est utilisée avec succès depuis plus de 50 ans contre les insectes nuisibles à l’agriculture.

06/2020
Vol. 61-2

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