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Détecter des matières nucléaires plus petites qu’un grain de sable

Jennifer Wagman

Des inspecteurs des garanties de l’AIEA prélèvent des échantillons de l’environnement. (Photo : AIEA)

Grâce à ses analystes et experts, l’AIEA vérifie que les matières et technologies nucléaires sont utilisées uniquement à des fins pacifiques. Elle fournit des assurances crédibles à ce sujet, sur la base des informations issues des déclarations officielles des États, des activités de vérification sur le terrain et des autres informations pertinentes pour les garanties. Dans le cadre de leurs activités sur le terrain, les inspecteurs de l’AIEA peuvent notamment prélever et analyser des échantillons – principalement de matières nucléaires et de l’environnement – dans les installations nucléaires et sur les autres sites pertinents.

Des échantillons de matières nucléaires sont prélevés à des fins de comptabilité depuis les années 1970. Ils contiennent généralement des quantités d’uranium de l’ordre du gramme et des quantités de plutonium de l’ordre du milligramme ou du microgramme. Emballés dans des flacons et des conteneurs de protection spéciaux scellés de manière sécurisée, ils sont envoyés au Laboratoire des matières nucléaires de l’AIEA à Seibersdorf (Autriche) pour analyse. En 2021, l’Agence a prélevé plus de 700 échantillons de matières nucléaires.

« Du prélèvement des échantillons par les inspecteurs de l’AIEA à l’analyse dans les laboratoires de l’AIEA, sans oublier l’évaluation finale des résultats à Vienne, on applique une procédure rigoureuse soumise à un contrôle de la qualité pour garantir l’exactitude des résultats et l’établissement de conclusions appropriées », explique Steven Balsley, Directeur du Bureau des services d’analyse pour les garanties de l’AIEA.

Dans les années 1990, les inspecteurs de l’AIEA ont commencé à prélever des échantillons de l’environnement, ce qui s’est révélé déterminant pour la détection de matières et d’activités nucléaires non déclarées. Un échantillon de l’environnement consiste en un chiffon de coton de 10 cm par 10 cm qu’un inspecteur des garanties de l’AIEA frotte sur une surface pour capturer des millions de minuscules particules de poussière. Les informations contenues dans cette poussière permettent de savoir si des matières nucléaires sont présentes, d’en connaître le type (p. ex. du plutonium séparé ou de l’uranium hautement enrichi) et l’âge et de savoir également si d’autres matières sont présentes.

« En analysant les prélèvements effectués sur le terrain par les inspecteurs, l’AIEA peut détecter des matières nucléaires d’un poids inférieur à un nanogramme », indique Todd Mock, analyste des informations relatives aux garanties spécialisé dans les échantillons de l’environnement à l’AIEA.

En 2021, l’AIEA a prélevé plus de 470 échantillons de l’environnement. Environ 80 % des échantillons ont été analysés par 16 laboratoires externes membres du Réseau de laboratoires d’analyse, tandis que le reste a été analysé à Seibersdorf, au Laboratoire des échantillons de l’environnement de l’AIEA. Certifié par l’AIEA, le Réseau de laboratoires d’analyse est composé de laboratoires des États Membres et de la Commission européenne qui complètent les travaux réalisés par les laboratoires de l’AIEA à Seibersdorf.

Comment cela fonctionne ?

L’analyse des échantillons de l’environnement nécessite des outils de traitement minutieux et extrêmement sensibles, non seulement pour détecter les traces de matières nucléaires mais aussi pour garantir que les particules dans les échantillons proviennent exclusivement de l’emplacement spécifié. Préalablement à l’inspection et au prélèvement, les inspecteurs procèdent à un contrôle : ils collectent un échantillon sur leurs propres vêtements pour pouvoir tenir compte, lors du traitement des échantillons de l’environnement, des traces de particules dont ils sont à l’origine.

Les échantillonnages de l’environnement sont effectués par équipes de deux afin de réduire autant que possible la contamination : un inspecteur manipule les échantillons « sales » tandis que l’autre s’occupe du matériel d’échantillonnage.

Lorsque les échantillons arrivent au laboratoire, ils sont ré-étiquetés pour empêcher leur identification et garantir une analyse indépendante. Ils sont ensuite examinés pour détecter la présence de radionucléides. Les résultats de cet examen sont envoyés aux analystes de l’information, qui chargent au minimum deux laboratoires d’effectuer une analyse plus détaillée en suivant des instructions précises.

On distingue deux grands types d’analyse : les analyses globales et les analyses de particules.

Les techniques d’analyse globale permettent de détecter des quantités extrêmement faibles de matières nucléaires. Elles servent à mesurer les quantités d’uranium et de plutonium dans un échantillon prélevé par frottis et à déterminer la composition isotopique moyenne. Utilisées par l’AIEA depuis la moitié des années 1990, elles sont la meilleure façon de détecter la présence de traces de matières nucléaires. Pour effectuer ce type d’analyse, on commence par dissoudre l’échantillon entier dans une solution, ce qui peut prendre plusieurs jours. À l’aide de matériel extrêmement sophistiqué, on analyse ensuite des gouttes de la solution contenant l’échantillon dissout. Une analyse globale demande en moyenne entre trois et quatre semaines par échantillon.

L’analyse de particules, qui prend généralement quelques jours, est utilisée pour déterminer la composition isotopique de l’uranium et du plutonium dans des particules individuelles, mettant ainsi en lumière différentes matières et différents processus. Concrètement, on aspire les particules microscopiques présentes dans l’échantillon prélevé par frottis et on les place sur un support afin de les analyser à l’aide d’instruments de précision pour obtenir des données isotopiques. Le Laboratoire des échantillons de l’environnement utilise des spectromètres de masse pour l’analyse de particules depuis 1999 et, en 2022, l’AIEA a installé un nouveau spectromètre de masse à émission d’ions secondaires à large géométrie pour maintenir ses capacités dans ce domaine à un niveau élevé.

Une fois les analyses terminées, les résultats sont téléchargés sur une base de données sécurisée afin que les experts de la gestion de l’information de l’AIEA les évaluent et les analysent plus en détail. Ils sont ensuite utilisés, en combinaison avec toutes les autres informations pertinentes, pour étayer l’établissement de conclusions relatives aux garanties.

 

10/2022
Vol. 63-3

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