You are here

Décarboner les industries à l’aide de petits réacteurs modulaires et de microréacteurs

Emma Midgley

Le Département de l’énergie des États-Unis soutient la mise au point d’un petit réacteur modulaire devant être déployé dans un complexe de fabrication de produits de consommation au Texas. (Image : Dow et X-energy)

Qu’il s’agisse de la cimenterie, du transport maritime, de l’exploitation pétrolière et gazière ou de la production d’acier, les secteurs de l’industrie s’interrogent sur leurs pratiques et les modifient afin de réduire les émissions de carbone et de passer à des modes d’exploitation à zéro émission nette. Les nouvelles solutions de génération d’énergie d’origine nucléaire apparaissent comme un choix déterminant.

Les opérations en amont, telles que l’extraction de gaz et de pétrole via le forage, le pompage et la fracturation, requièrent d’énormes quantités d’énergie actuellement produite à partir de combustibles fossiles. Les opérations en aval, telles que le raffinage et la transformation de ces matières en vue de leur utilisation comme combustibles ou dans des produits tels que les produits pharmaceutiques ou les engrais, nécessitent également de la chaleur et de l’électricité générées en grande partie à partir de combustibles fossiles.

« Les entreprises intervenant dans les processus de raffinage et les opérations de forage ont besoin du nucléaire. Il s’agit d’activités à forte intensité de carbone et, dans 30 % des cas, le réseau électrique ne peut pas être raccordé aux zones d’extraction ou de raffinage. »
— Chirayu Batra Directeur de la technologie à Terra Praxis

« La plupart des opérations pétrolières et gazières nécessitent de brûler des combustibles fossiles pour produire l’énergie nécessaire aux activités en amont et en aval », affirme Aline des Cloizeaux, directrice de la Division de l’énergie d’origine nucléaire de l’AIEA. « Pour réduire les émissions de carbone provenant du forage, de la liquéfaction du gaz naturel et du raffinage, l’idéal serait d’utiliser de l’électricité produite à partir de sources à faible teneur en carbone telles que le nucléaire. »

Nombre d’activités pétrolières et gazières, de forage et d’extraction ont lieu dans des endroits isolés et, souvent, il n’est pas possible de recourir à l’électricité du réseau pour alimenter ces processus. C’est là que les microréacteurs ou les petits réacteurs modulaires (PRM) pourraient fournir une alternative à faible teneur en carbone.

« Les entreprises intervenant dans les processus de raffinage et les opérations de forage ont besoin du nucléaire. Il s’agit d’activités à forte intensité de carbone et, dans 30 % des cas, le réseau électrique ne peut pas être raccordé aux zones d’extraction ou de raffinage », indique Chirayu Batra, directeur de la technologie à Terra Praxis, une organisation à but non lucratif qui se concentre sur les solutions de décarbonation des secteurs dont les émissions sont difficiles à diminuer, notamment le charbon, la chaleur industrielle et les transports lourds. « Brûler du diesel et du gaz pour produire l’énergie nécessaire à ces activités est une perte commerciale pour l’industrie et se traduit par une augmentation des émissions de carbone. Il existe un moyen d’électrifier ces processus grâce à une source d’énergie décarbonée, éloignée et fiable. Les microréacteurs pourraient être utilisés à peu près partout, et notamment en mer s’ils sont installés à bord de navires ou sur des plateformes flottantes. »

Des opérations efficaces et propres

Les PRM et les microréacteurs peuvent non seulement être déployés dans des endroits reculés mais les petits réacteurs modulaires peuvent également avoir des usages importants dans des secteurs tels que la fabrication de plastiques ou d’autres formes de traitement industriel utilisant la chaleur. La génération actuelle de réacteurs nucléaires de puissance produit de grandes quantités de chaleur, mais environ 60 à 70 % de cette chaleur est rejetée dans l’environnement en raison du taux de transformation de l’énergie de la vapeur en électricité.

L’un des moyens d’utiliser plus efficacement l’énergie d’origine nucléaire tout en réduisant les émissions de carbone consiste à valoriser la chaleur produite par les réacteurs nucléaires dans des processus industriels ou chimiques. Le programme de démonstration de réacteurs avancés du Département de l’énergie des États-Unis soutient la mise au point d’un PRM à haute température refroidi au gaz qui doit être déployé dans un complexe de fabrication de produits de consommation.

L’entreprise Dow, spécialisée dans les produits chimiques, prévoit de remplacer les moteurs à combustion et à vapeur alimentés au gaz par un PRM dans le cadre de son engagement à réduire les émissions de carbone de 30 % d’ici 2030. L’objectif de Dow est de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050.

Un réacteur nucléaire à haute température, capable de produire de la chaleur à 750 degrés Celsius, représente une méthode à faible teneur en carbone particulièrement adaptée à la production des oléfines, composés chimiques pouvant être utilisés comme matières premières pour les plastiques, les détergents et les adhésifs. Le PRM proposé par Dow sera installé sur un site de fabrication qui existe déjà à Seadrift, au Texas, et devrait réduire les émissions du site d’environ 440 000 tonnes de dioxyde de carbone par an. Il produira de la chaleur industrielle pour fabriquer des produits tels que le polyéthylène, qui est utilisé dans les emballages, les peintures et les mousses.

La construction des quatre réacteurs de ce projet devrait commencer en 2026 et s’achever à la fin de la décennie. Ce projet « permettra à Dow de franchir une étape importante dans la réduction de ses émissions de carbone tout en fournissant à ses clients et à la société des produits à plus faible empreinte carbone », explique Jim Fitterling, président-directeur général de Dow. L’initiative « servira d’exemple de la façon dont il est possible de décarboner le secteur industriel de manière sûre, efficace et abordable », ajoute-t-il.

L’AIEA aide à coordonner les efforts que font des pays du monde entier pour mettre au point des PRM et des microréacteurs en rassemblant les experts, les gouvernements et les organismes de réglementation afin d’améliorer la sûreté et la sécurité du déploiement de cette nouvelle technologie. L’AIEA a lancé son Initiative d’harmonisation et de normalisation nucléaires (NHSI) en juin 2022 et sa Plateforme sur les petits réacteurs modulaires et leurs applications en 2021. La NHSI vise à faire progresser l’harmonisation et la normalisation de la conception et de la construction des PRM et des approches réglementaires et industrielles les concernant, tandis que la Plateforme soutient tous les aspects de la mise au point et du déploiement des PRM, ainsi que de l’octroi de licences et de la surveillance dans ce domaine.

 

09/2023
Vol. 64-3

Suivez-nous

Lettre d'information