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Comment les techniques nucléaires aident-elles les enquêtes criminelles ?

Le nucléaire expliqué
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Les techniques nucléaires permettent d’analyser des éléments de preuve liés à des crimes, tels que des fragments de verre, des douilles de balles ou des résidus de terre. En complément d’autres moyens de preuve scientifiques, telles que l’ADN, ces techniques contribuent à identifier et à poursuivre les auteurs de crimes. (Infographie : Maria Platonova/AIEA).

Les techniques nucléaires peuvent être utilisées pour analyser des éléments de preuves scientifiques liées à des crimes, qu’il s’agisse de trafic de drogue, de meurtres ou de contrefaçons d’œuvres d’art. Les techniques de rayons X, l’analyse par activation neutronique, l’analyse par faisceaux d’ions et la datation au carbone figurent parmi les méthodes les plus couramment utilisées en criminalistique en complément des méthodes plus classiques. Au moyen de l’analyse des propriétés chimiques et physiques des matériaux en complément d’autres preuves scientifiques, telles que l’ADN ou les empreintes digitales, ces techniques contribuent à établir un lien entre les éléments prélevés sur le lieu d’un crime ou d’un délit et les auteurs des faits.

Comment les techniques nucléaires aident-elles les enquêtes ?

Les techniques nucléaires aident les spécialistes à analyser des traces microscopiques de pièces à conviction comme des composants de peinture ou un cheveu. Ces techniques permettent de révéler des informations qui n’auraient pas pu être décelées autrement, par exemple l’âge réel d’une œuvre d’art contrefaite ou le fait de savoir si une personne a été empoisonnée ou non. En outre, les techniques nucléaires ont des effets bien moins destructeurs que d’autres méthodes d’analyse, telles que l’utilisation de substances chimiques qui peuvent altérer l’état d’origine d’éléments de preuve fragiles, par exemple un éclat de verre minuscule. Ainsi, une fois qu’ils ont été analysés à l’aide de techniques nucléaires, les éléments de preuve fragiles peuvent être préservés en vue d’une analyse ultérieure.

Techniques de rayons X en criminalistique

Les rayons X aident à mettre en évidence des crimes. Aux États-Unis, dans l’affaire photographiée ci-dessus à la fin des années 1970, le ministère public a comparé une morsure sur le corps d’une victime aux radiographies dentaires d’un accusé pour obtenir sa condamnation. (Photo : Collection photographique de l’État de Floride).

Les rayons X sont l’un des outils d’analyse les plus utilisés en criminalistique. Les techniques d’émission de rayons X sont sensibles et fiables – elles peuvent être utilisées sur des éléments de preuve minuscules et, dans la plupart des cas, sans les détruire. Les techniques de rayons X donnent généralement des résultats en quelques minutes et il est possible de réaliser plusieurs analyses rapidement. En outre, les appareils à rayons X portatifs peuvent être transportés facilement, ce qui permet d’utiliser cette technologie sur place dans le cadre des enquêtes.

Les techniques de rayons X peuvent aider à détecter la présence d’éléments et à en mesurer la concentration dans pratiquement tous les types de matières et de matériaux. Elles permettent d’analyser la composition du sol, des stupéfiants ou des minéraux et d’en déterminer la provenance. Les rayons X sont également utiles pour les examens comparatifs de peintures, de métaux ou de résidus de tir ainsi que pour les examens médicaux.

Les scientifiques utilisent des appareils tels que le spectromètre à fluorescence X ou le synchrotron pour bombarder l’échantillon à analyser de faisceaux de rayons X. Les faisceaux stimulent les atomes de l’échantillon qui libèrent un rayonnement pouvant être détecté et utilisé pour identifier l’élément d’où proviennent les atomes.

L’analyse par activation neutronique (AAN) en criminalistique

Les enquêteurs utilisent l’AAN depuis des décennies pour déterminer avec précision la quantité d’un élément chimique ou d’isotopes spécifiques d’un élément contenue dans un échantillon de preuve judiciaire, telle qu’une balle. (Infographie : A. Vargas/AIEA)

L’analyse par activation neutronique est une technique qui utilise l’interaction entre un flux de neutrons et la matière à l’étude pour déterminer « l’empreinte des éléments » d’un échantillon, c’est-à-dire sa composition isotopique exacte qui donne des informations sur son âge et son origine.

Lors d’une AAN, les échantillons sont bombardés de neutrons. Les atomes libèrent alors des particules et/ou des rayonnements qui peuvent être captés et analysés par un détecteur spécialisé. Cette technique permet de déterminer la composition de l’échantillon, de le dater et de savoir d’où il provient. L’AAN est généralement utilisée pour analyser la composition des balles afin d’en déterminer l’origine à partir d’échantillons très réduits. En outre, l’analyse effectuée à l’aide de cette technique permet de révéler la composition de la fibre des cheveux, ce qui peut apporter de nouveaux éléments dans une affaire – par exemple, la présence de stupéfiants ou d’autres substances toxiques dans le corps.

L’AAN peut également être utilisée pour déterminer l’origine des aliments de qualité supérieure et identifier les produits de contrefaçon, par exemple les truffes, en les irradiant de neutrons et en détectant le rayonnement gamma émis par les noyaux atomiques des éléments chimiques présents dans un échantillon réduit. Une fois le rayonnement détecté, il est possible d’établir un lien entre les éléments de l’échantillon et un lieu particulier. Cette technique permet aussi de déterminer l’authenticité d’autres produits alimentaires de qualité supérieure.

L’analyse par faisceaux d’ions en criminalistique

L’analyse non destructive par faisceaux d’ions d’objets d’art a été utilisée à l’Institut Jožef Stefan en Slovénie. Consultez cet article pour en savoir plus sur l’utilisation des techniques nucléaires pour étudier et préserver des objets d’art et du patrimoine culturel (Photo : JSI/Ziga Smit)

Parmi les méthodes nucléaires qui sont de plus en plus utilisées dans les enquêtes criminelles figure l’analyse par faisceaux d’ions. Pour ce type d’analyse, des accélérateurs de faisceaux d’ions sont utilisés pour accélérer les ions ou les électrons et ainsi produire un faisceau de particules chargées. Placés dans le faisceau d’ions, les éléments de preuve scientifiques émettent un rayonnement qui peut être capté et analysé. L’utilisation d’ions permet aux enquêteurs de connaître la composition et l’origine de l’élément de preuve, ce qui leur permet d’analyser les stupéfiants, les explosifs et les résidus de tir, ainsi que les faux objets d’art ou historiques. La détermination de l’âge et de la composition des éléments de preuve renforce leur force probante dans les enquêtes.

L’analyse des résidus de tir, par exemple, peut aider dans les enquêtes sur des crimes violents impliquant l’usage d’armes à feu. Un résidu de tir est une nuée de fumée et de particules libérées par l’explosion d’une cartouche d’arme à feu. Les techniques nucléaires, telles que l’analyse par faisceaux d’ions, permettent de détecter les composés inorganiques libérés par le tir et les particules minuscules qui se sont déposées sur des éléments en lien avec le coup de feu (par exemple, sur les mains ou les vêtements du suspect) pour identifier l’auteur du tir.

L’analyse par faisceaux d’ions permet aux enquêteurs de réaliser la cartographie des éléments, ce qui facilite l’analyse d’éléments de preuve spécifiques et permet de déceler d’infimes traces de substances mettant en cause l’auteur des faits, telles que des particules microscopiques de résidus sur de toutes petites surfaces de vêtements.

Des faisceaux d’ions ont également été utilisés pour analyser des fragments de verre issus d’accidents avec délit de fuite et pourrait être utile dans les enquêtes sur des crimes en lien avec des véhicules. Des études montrent que si l’on combine l’analyse par faisceaux d’ions à l’apprentissage automatique pour analyser des fragments de verre des vitres d’une voiture, il est possible d’identifier la marque et le modèle du véhicule avec une précision allant jusqu’à 80 %.

La datation au carbone en criminalistique

Ce spectromètre de masse par accélérateur, installé au Centre de datation et de diagnostic de l’Université de Salento, est utilisé pour la datation au carbone d’échantillons. (Photo : Université de Salento)

La datation au carbone est une méthode qui utilise un isotope du carbone – le carbone 14 – pour déterminer l’âge réel d’objets anciens composés de matières organiques et détecter les contrefaçons d’œuvres d’art. Cette technique permet de déterminer l’âge d’objets datant au plus de 50 000 ans et a déjà aidé un certain nombre d’enquêteurs à déterminer l’authenticité de tableaux, de statues et d’autres objets historiques de valeur.

Par exemple, en 2019, des experts ont utilisé la datation au carbone pour identifier les contrefaçons de deux toiles célèbres – l’une impressionniste et l’autre pointilliste. L’analyse des fibres des toiles a révélé qu’elles avaient été fabriquées après la mort des artistes supposés, ce qui a permis de déterminer qu’il s’agissait de contrefaçons.

Autres méthodes

D’autres techniques nucléaires courantes peuvent également être utilisées dans les enquêtes, par exemple l’analyse des isotopes stables pour déceler la fraude alimentaire.

L’analyse des isotopes stables est une technique utilisée pour déterminer l’origine et l’authenticité de différentes denrées alimentaires, ce qui permet aux spécialistes de détecter l’adultération de ces denrées et de poursuivre les personnes impliquées (par exemple, la vente d’aliments de mauvaise qualité sous des labels de qualité supérieure à des prix élevés). Les isotopes stables sont mesurés à l’aide d’appareils spécialisés pouvant détecter les différences les plus infimes entre les proportions d’isotopes lourds et légers. Ce type d’analyse peut fournir des preuves concernant un type de denrée alimentaire particulier afin de vérifier qu’il provient de la région adéquate et qu’il est réellement composé des ingrédients affichés sur l’étiquette (par exemple, détection des sirops de sucre ajoutés au miel). 

Quel est le rôle de l’AIEA ?

  • L’AIEA contribue à la mise au point et à l’application de nouvelles techniques nucléaires à des fins d’analyse. L’AIEA élabore et fournit des outils d’analyse nucléaire innovants et des cadres y afférents pour répondre aux besoins des différents pays.
  • Grâce à son réseau mondial de laboratoires nucléaires nationaux, l’AIEA fournit concrètement des outils aux experts en criminalistique et aux enquêteurs au travers de son programme de coopération technique et de ses projets de recherche coordonnée.
  • L’AIEA propose des cours d’apprentissage en ligne axés sur l’application des techniques nucléaires dans le domaine des sciences du patrimoine culturel et de la criminalistique.
  • Au travers de ses projets de recherche coordonnée (PRC), l’AIEA étudie la manière dont les techniques nucléaires d’analyse peuvent être utilisées pour obtenir des informations sur l’origine et l’authenticité des denrées alimentaires, évaluer l’authenticité des œuvres d’art et analyser les éléments de preuve sur le lieu d’un crime.
  • L’AIEA soutient également les pays en leur fournissant une assistance technique pour le renforcement des capacités en criminalistique au travers de formations, de missions en résidentiel, et d’avis et de consultations scientifiques.
  • L’AIEA s’efforce de combler l’écart entre les scientifiques, les services chargés de l’application de la loi et les spécialistes de criminalistique afin d’améliorer la prévention et la lutte contre les activités criminelles dans le monde entier en utilisant la science et la technologie nucléaires.
  • L’AIEA publie des documents pour diffuser les informations relatives à l’utilisation des différentes techniques nucléaires et aux possibilités qu’elles offrent pour les enquêtes et la détection des fraudes.
  • L’AIEA collabore avec d’autres organismes du système des Nations Unies tels que l’ONUDC, l’UNICRI, l’ONUDI, la FAO et d’autres partenaires internationaux afin de promouvoir les techniques nucléaires d’analyse en criminalistique.

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