(Photos : W. Kriengsinyos/Mahidol University ; Infographie : A. Vargas/AIEA)
La nouvelle technique du double marquage aux isotopes stables permet d’évaluer la digestion des protéines de manière peu invasive par des analyses de sang et de l’haleine. Dans la première phase de la technique, les acides aminés des aliments testés sont marqués à l’aide d’un isotope stable deutérium, une forme d’hydrogène. Le deutérium, qui est sans danger, est d’abord ajouté à l’eau d’abreuvement des animaux pour l’étude des sources de protéines animales et à l’eau d’irrigation pour les sources végétales. Ensuite, une fois que le lait ou les légumineuses, par exemple, sont prêts à être consommés, les aliments marqués au deutérium sont consommés avec une source de protéines de référence marquée au carbone 13, un isotope stable du carbone.
Des échantillons de sang et d’haleine sont prélevés avant et plusieurs fois après la consommation du repas pour l’analyse de la concentration en acides aminés. « La digestibilité est déterminée par le rapport entre les acides aminés marqués dans le sang et ceux du repas testé. La présence de carbone 13 dans les échantillons d’haleine constitue un deuxième indicateur de la digestion des protéines », explique M. Owino.
La technique isotopique produit des données alignées sur le Digestible Indispensable Amino Acid Score (DIAAS), recommandé par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « Cette technique offre un protocole humain relativement moins invasif pour mesurer la digestibilité des protéines conformément à tous les critères requis pour l’indice de qualité des protéines du DIAAS », déclare Sarita Devi, maître de conférences au St. John’s Research Institute. « Elle permet de mesurer la digestibilité de plusieurs acides aminés à la fois. De plus, elle n’est pas affectée par les protéines endogènes présentes dans les sécrétions intestinales qui peuvent perturber la mesure de la digestion des protéines alimentaires exogènes. »
Cette technique a été mise au point dans le cadre d’un projet de recherche coordonné (PRC) de l’AIEA en 2015 et appliquée dans sept pays : le Brésil, l’Inde, la Jamaïque, le Maroc, le Mexique, le Pakistan et la Thaïlande, avec l’appui technique de la France et du Royaume-Uni. Au mois de décembre 2021, des experts se sont réunis en ligne pour étudier les résultats du PRC, dont ceux issus de l’utilisation de la technique du traceur isotopique.
« Le PRC a permis de mettre au point et valider une nouvelle technique peu invasive pour déterminer la digestibilité et l’utilisation des protéines des régimes alimentaires à base de plantes, tels qu’ils sont consommés par les populations vulnérables, dans les régions où les régimes alimentaires sont fréquemment à base de plantes », déclare Maria Xipsiti, nutritionniste à la FAO. « Les nouvelles données sur la réelle digestibilité des protéines provenant des légumineuses qui ont été générées par le PRC contribueront à la création d’une solide base de données sur la digestibilité des protéines qui sera gérée conjointement par la FAO et l’AIEA. »
Les résultats obtenus grâce à cette technique seront présentés lors du Colloque international sur les protéines et la santé humaine, qui se tiendra en 2023 à Amsterdam (Pays-Bas). « En plus d’une quantité de protéines totales, l’être humain a quotidiennement besoin d’une quantité de protéines absorbées avec un équilibre optimal des acides aminés », selon Paul Moughan, professeur émérite à l’Université Massey, en Nouvelle-Zélande. Moughan, qui est également lauréat de la bourse du Riddet Institute New Zealand Centre of Research Excellence, a fait un exposé lors de la réunion qui s’est tenue en décembre 2021, et il préside le comité d’organisation du colloque susmentionné, auquel l’AIEA participe également. « La qualité des protéines est d’une importance capitale, notamment dans les pays à revenu faible ou intermédiaire où les protéines et les acides aminés sont souvent insuffisants dans les régimes alimentaires, mais aussi dans les pays plus riches, pour des groupes spécifiques de population, comme les personnes âgées ou celles qui cherchent à gérer leur prise de poids. »