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Les techniques nucléaires contribuent à révéler un taux élevé d’érosion du sol au Bénin

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L’érosion du sol est un problème majeur pour les agriculteurs du Bénin. Les techniques nucléaires aident les scientifiques à en déterminer les causes exactes afin de pouvoir la contrer. (Photo : E. Fulajtar/AIEA)

Les traces inoffensives d’essais nucléaires effectués il y a plus de 50 ans aident les chercheurs à évaluer les taux d’érosion du sol. En Afrique, 65 % environ des terres agricoles du continent sont touchées par des pertes de couche arable et d’éléments nutritifs du sol causées par l’érosion, selon l’Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Le Bénin fait partie des pays sévèrement touchés par l’érosion du sol, qui pose un problème majeur de développement économique, puisque l’agriculture représente environ 35 % du PIB du pays et 80 % de ses recettes d’exportation. Lors d'une étude récente, une technique nucléaire a été utilisée pour évaluer les taux d’érosion du sol et appuyer la préservation des terres.

« Les données montrent que plus de 90 % des sols du Bénin présentent un niveau élevé de dégradation », constate Pascal Houngnandan, directeur du laboratoire de microbiologie des sols et d’écologie microbienne au sein de la faculté des sciences agronomiques de l’Université d’Abomey-Calavi, au Bénin. « Dans cette étude, on s'est servi d’instruments et de moyens qui orientent les mesures de préservation et de régénération des terres agricoles, une question particulièrement cruciale puisque toute production agricole dépend du sol. »

La plus grande part des terres cultivables du Bénin est utilisée par de petites exploitations familiales fondées sur le travail manuel et une grande variabilité des cultures. Ces petites parcelles aux limites physiques multiples et irrégulières rendent difficile d’obtenir des résultats représentatifs et fiables par les méthodes classiques de mesure de l’érosion du sol.

Les techniques fondées sur les radionucléides sont nettement mieux adaptées : les radionucléides de césium 137 (137Cs) rejetés dans l’atmosphère par les essais d’armes nucléaires et retombés sur les sols du monde entier au cours des années 1950 et 1960 peuvent être utilisés pour mesurer l’érosion des sols. Si la quantité de césium 137 dans le sol au site étudié est inférieure à celle trouvée dans des zones témoins non touchées par l’érosion, cela signifie que l’érosion y a causé la perte d’une partie du sol. On peut quantifier cette différence, ce qui permet aux scientifiques d’évaluer le taux d’érosion et les conséquences de celle-ci sur la fertilité des sols en mesurant le césium 137.

Exemple d’utilisation complexe des terres au Bénin : cultures de manioc et de palmiers à huile. (Photo : E. Fulajtar/AIEA)

En utilisant cette technique, les scientifiques ont estimé les taux d’érosion du sol de trois zones agroécologiques du sud du Bénin, définies par un ensemble de caractéristiques du sol, du relief et du climat. Ils ont constaté que le taux annuel moyen d’érosion du sol était de 11,8 tonnes/hectare à Govié, 18,8 tonnes/hectare à Linsinlin et de 22,4 tonnes/hectare à Lokogba. Ces taux estimés correspondent respectivement à une perte de sol de 48 mm, 77 mm et 91 mm de sol sur les sites étudiés depuis 1954, année où le césium 137 a commencé à se déposer. « Étant donné que la vitesse de formation des sols ne dépasse pas 0,1 mm par an, on a calculé qu’une couche d'environ 6 mm s’était formée sur la même période, pour une perte de 48 à 91 mm de sol, Ce qui entraîne de graves conséquences pour la fertilité des sols et donc pour le rendement des cultures », dit Pascal Houngnandan.

L’équipe de chercheurs a également mesuré la perte de nutriments et de matière organique du sol. Des nutriments peuvent en effet également être perdus à cause de l'érosion, entraînés par les eaux depuis des terres autrefois fertiles vers les lacs et les rivières. En raison de l’agriculture intensive et de l’érosion hydrique, la quantité d’azote présente dans le sol a diminué de 27 % à Govié, de 6 % à Lokogba et de 34 % à Linsinlin. L’équipe a en outre noté que la quantité de phosphore présente dans le sol avait diminué de 35 % à Lokogba, et la quantité de matière organique de 2,5 % à Govié et de 3 % à Lokogba.

« Ces résultats indiquent que des mesures de préservation des sols sont nécessaires », dit Pascal Houngnandan. « La prochaine étape de nos recherches sera de tester plusieurs pratiques de préservation et de déterminer laquelle est la plus efficace, avant de la proposer aux agriculteurs. Les résultats du projet de coopération technique de l’AIEA orienteront et favoriseront l'action de préservation que nous entendons mener et amélioreront le programme national de préservation des sols. »

« L’étude sur l’érosion au Bénin, menée avec l’appui technique de la Division mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l'alimentation et l'agriculture, en collaboration avec l’Institut national des recherches agricoles du Bénin, est un bon exemple de la contribution des techniques nucléaires à la préservation des sols, en particulier dans des conditions environnementales caractérisées par un climat tropical et de longues pentes douces de plateaux d’érosion  », explique Lee Heng, qui dirige la Section de la gestion des sols et de l'eau et de la nutrition des plantes de la Division mixte FAO/AIEA.

Les longues pentes douces des plateaux dénudés africains à utilisation complexe des terres sont exposées à l’érosion. (Photo : E. Fulajtar/AIEA)

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