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Qu’est-ce que la fusion ? Pourquoi est-elle si difficile à réaliser ?

Irena Chatzis, Matteo Barbarino

Le soleil, comme les autres étoiles, tire son énergie d’une réaction appelée fusion nucléaire. Si cette réaction pouvait être reproduite sur terre, elle permettrait de produire une énergie pratiquement illimitée, propre, sûre et à un coût abordable pour répondre aux besoins en énergie de toute la planète. (Image : NASA/SDO/AIA)

Il y a cinq cents ans, dans l’actuel Mexique, les Aztèques croyaient que le soleil tirait toute sa puissance du sang des sacrifices humains. Nous savons aujourd’hui que le soleil, comme les autres étoiles, produit de l’énergie grâce à une réaction appelée fusion nucléaire. Si cette réaction pouvait être reproduite sur terre, elle permettrait de produire une énergie pratiquement illimitée, propre, sûre et à un coût abordable pour répondre aux besoins en énergie de toute la planète.

Mais comment fonctionne au juste la fusion nucléaire ? En termes simples, la fusion nucléaire est le processus par lequel deux noyaux atomiques légers s’unissent pour en former un seul plus lourd en libérant une énorme quantité d’énergie. Les réactions de fusion se produisent dans un état de la matière appelé plasma, gaz chargé à température très élevée, constitué d’ions positifs et d’électrons libres, et aux propriétés distinctes de celles des solides, des liquides et des gaz.

Pour fusionner dans le soleil, les noyaux doivent se percuter à des températures très élevées, plus de 10 millions de degrés Celsius, ce qui leur permet de surmonter leur répulsion électrique mutuelle et de s’approcher très près les uns des autres. Leur force d’attraction nucléaire dépasse alors la force de répulsion électrique et leur permet de fusionner. Pour que cela se produise, les noyaux doivent être confinés dans un espace réduit, ce qui accroît les probabilités de collision. Dans le soleil, c’est la pression extrême engendrée par l’immense gravité de l’astre qui crée les conditions favorables à la fusion.

La quantité d’énergie dégagée par la fusion est très importante (quatre fois plus que celle des réactions de fission nucléaire) et la réaction de fusion pourrait être la base des réacteurs de puissance de demain. Les réacteurs à fusion de première génération devraient fonctionner avec un mélange de deutérium et de tritium, formes lourdes de l’hydrogène. En théorie, il suffit de quelques grammes de ces réactifs pour produire un térajoule d’énergie, ce qui couvrirait pendant plus de soixante ans les besoins en énergie d’une personne vivant dans un pays développé.

Un mélange de deutérium et de tritium – deux isotopes de l’hydrogène – sera utilisé pour alimenter les futures centrales à fusion. Dans le réacteur, les noyaux de deutérium et de tritium entrent en collision et fusionnent, produisant de l’hélium et des neutrons. (Image : AIEA/M. Barbarino)

Regarder vers les étoiles

L’énorme force gravitationnelle du soleil induit naturellement une réaction de fusion mais sans cette force la réaction ne peut se produire qu’à une température plus élevée. Sur terre, pour que le deutérium et le tritium fusionnent, il faut les porter à plus de 100 millions de degrés Celsius sous une pression intense, maintenir le plasma suffisamment confiné et maintenir la réaction de fusion suffisamment longtemps pour obtenir un gain net d’énergie, c’est-à-dire produire davantage d’énergie par la fusion qu’il n’en faut pour chauffer le plasma.

On parvient aujourd’hui régulièrement à créer lors d’expériences des conditions très proches de celles nécessaires pour un réacteur à fusion mais il faut encore améliorer les propriétés de confinement et la stabilité du plasma. Des scientifiques et ingénieurs du monde entier continuent à tester de nouveaux matériaux et à mettre au point de nouvelles technologies pour obtenir de l’énergie de fusion.

Des recherches sur la fusion nucléaire et la physique des plasmas sont menées dans plus de 50 pays et des réactions de fusion ont été obtenues lors de nombreuses expériences mais sans gain net d’énergie. Le temps qu’il faudra pour reproduire ce processus stellaire dépendra des ressources mobilisées par les partenariats et la collaboration à l’échelle mondiale.

Une tradition de collaboration

Depuis qu’on a compris le principe de la fusion nucléaire dans les années 1930, des scientifiques cherchent à la reproduire et à la maîtriser. Au départ, ces tentatives étaient gardées secrètes. Cependant, il est rapidement devenu clair que cette quête complexe et coûteuse ne pouvait être menée qu’en collaboration. À la seconde Conférence internationale des Nations Unies sur l’utilisation de l’énergie atomique à des fins pacifiques, tenue à Genève (Suisse) en 1958, des scientifiques ont dévoilé au monde leurs recherches sur la fusion nucléaire.

L’AIEA est au cœur de la recherche internationale sur la fusion. Pour favoriser l’échange d’informations sur les avancées en fusion nucléaire, elle a lancé en 1960 la revue « Nuclear Fusion », aujourd’hui considérée comme le meilleur périodique sur la question. La première Conférence internationale de l’AIEA sur l’énergie de fusion s’est tenue en 1961 et l’AIEA l’organise tous les deux ans depuis 1974 pour favoriser l’examen des faits nouveaux et réalisations dans ce domaine.

Après deux décennies de négociations sur la conception et l’emplacement de la plus grande installation internationale de fusion au monde, l’ITER a été créé en France en 2007 afin de démontrer la faisabilité scientifique et technologique de la production d’énergie de fusion. Le Directeur général de l’AIEA est dépositaire de l’Accord ITER. Après l’ITER, il est prévu de créer des centrales de démonstration à fusion, ou DEMO, pour montrer que la fusion nucléaire contrôlée peut générer une puissance électrique nette. L’AIEA organise des ateliers sur les DEMO afin de faciliter la collaboration pour ce qui est de définir et coordonner les activités régulières des programmes DEMO dans le monde.

Il est prévu que la fusion puisse satisfaire les besoins de l’humanité en énergie pendant des millions d’années. Le combustible de fusion est abondant et aisément accessible : le deutérium peut être extrait de l’eau de mer à peu de frais et le tritium produit à partir du lithium présent en abondance dans la nature. Les réacteurs à fusion du futur ne produiront pas de déchets nucléaires à longue période et haute activité, et la fusion du cœur du réacteur est pratiquement impossible.

On soulignera que la fusion nucléaire ne rejette pas de dioxyde de carbone ni d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère et qu’avec la fission nucléaire, elle pourrait jouer un rôle dans l’atténuation du changement climatique, en tant que source d’énergie bas carbone.

05/2021
Vol. 62-2

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