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La sûreté de la fusion

Un processus intrinsèquement sûr

Carley Willis, Joanne Liou

Installation de l’un des secteurs de la chambre à vide d’ITER, élément de 440 tonnes qui servira à confiner le plasma dans l’installation. (Photo : ITER)

La fission nucléaire produit de l’énergie en scindant des noyaux atomiques et la fusion nucléaire en les unissant. Les deux réactions atomiques produisent de l’énergie en modifiant les atomes mais les différences fondamentales entre elles ont des incidences importantes du point de vue de la sûreté.

Les conditions nécessaires pour provoquer et maintenir une réaction de fusion rendent impossible un accident comme ceux que peut provoquer la fission ou une réaction en chaîne aboutissant à la fusion du cœur. Les centrales à fusion nucléaire nécessitent des conditions surnaturelles : il faut plus de 100 millions de degrés Celsius pour que la densité de particules soit suffisamment élevée et que la réaction ait lieu. Comme les réactions de fusion ne peuvent se produire que dans ces conditions extrêmes, une réaction en chaîne incontrôlée est impossible, explique Sehila González de Vicente, physicienne spécialiste de la fusion nucléaire à l’AIEA.

Les réactions de fusion nécessitent un apport continu en combustible et le processus est extrêmement sensible à toute variation des conditions de fonctionnement. Comme une réaction de fusion peut s’arrêter en quelques secondes, le processus est intrinsèquement sûr. « La fusion est un processus qui s’auto-limite : si vous ne pouvez pas contrôler la réaction, elle s’arrête d’elle-même », ajoute Mme González de Vicente.

En outre, la fusion ne produit pas de déchets nucléaires hautement radioactifs à longue période. « La fusion ne produit que des déchets de faible activité et ne présente aucun danger grave », explique Mme González de Vicente. Les objets contaminés tels que les tenues de protection, les articles de nettoyage et même les tubes ou les écouvillons médicaux sont des déchets de faible activité à courte période, qui peuvent être manipulés en toute sûreté avec des précautions de base.

La plupart des dispositifs de fusion expérimentaux actuels utilisent comme combustible un mélange de deutérium et de tritium. Le tritium est un isotope radioactif de l’hydrogène d’une période de 12,3 ans. Lors d’une réaction de fusion, les neutrons libérés percutent la paroi qui entoure le cœur du réacteur. En les absorbant, celle-ci devient radioactive, explique Mme González de Vicente. « Les neutrons réagissent avec le lithium contenu dans les parois, produisant du tritium qui peut alors être réinjecté dans le dispositif. »

Les installations de fusion et de fission ont cependant des points communs, notamment en ce qui concerne la manipulation des matières radioactives et l’utilisation des systèmes de refroidissement. « Les organismes de réglementation ont une longue expérience de la sûreté et de la sécurité de la fission. Nous collaborons avec eux afin que toutes les connaissances applicables soient transposées à la fusion », explique Mme González de Vicente. « Cependant, tout n’est pas directement transposable et il faut prendre en compte les différences que présente la fusion, notamment la moindre quantité et variété de matières radioactives, l’impossibilité d’une fusion du cœur et l’absence de déchets à longue période. L’AIEA participe à cet effort. »

Collaboration internationale

ITER, la plus grande expérience de fusion au monde, rassemble des experts de 35 pays qui s’emploient à faire de l’énergie de fusion une source d’énergie réelle, tout en contribuant à résoudre les problèmes de sûreté et de sécurité de la fusion à mesure que le projet évolue.

Un niveau de sûreté élevé peut être obtenu en appliquant à la fusion les prescriptions de sûreté concernant la fission, notamment les normes de sûreté de l’AIEA. Par exemple, comme avec les réacteurs à fission nucléaire, il faut prévoir pour les projets de centrales à fusion une réglementation sur les doses et il convient de concevoir les installations de sorte que la dose minimale soit « aussi basse que raisonnablement possible » (principe ALARA). Cependant, le risque d’accident étant fondamentalement différent, il faut appliquer une approche graduée pour éviter de surréglementer le processus de fusion. « Le problème avec toutes les normes de sûreté existantes, c’est qu’elles concernent la fission », explique Stéphane Calpena, Chef adjoint du Département sûreté, qualité et sécurité de l’Organisation ITER. « Nous devons déterminer quelles normes sont pertinentes dans le contexte de la fusion et les appliquer proportionnellement au risque afin que la technologie soit non seulement utilisable mais aussi véritablement sûre. La fusion est un nouveau moyen de créer de l’énergie et c’est encore une technologie très jeune. »

L’AIEA contribue au développement de cette technologie en organisant des réunions techniques permettant aux experts de partager des connaissances qui peuvent contribuer à résoudre les problèmes posés par la fusion et garantir la sûreté des installations. La première réunion technique conjointe AIEA-ITER sur les questions de sûreté et de radioprotection liées à la fusion, présidée par M. Calpena en novembre 2020, a porté sur l’élaboration d’une méthode servant à déterminer les types et les quantités de matières radioactives ou dangereuses qui pourraient être rejetées dans l’environnement par les installations de fusion, et de publications sur la fusion équivalentes au n° SSR-4 et au n° SSG-12 de la collection Normes de sûreté de l’AIEA. Il a notamment été question des critères de risque concernant les installations de fusion, de leur conception et de leur exploitation. L’atelier sur la gestion des déchets résultant de la fusion, prévu en octobre 2021, portera sur la classification et le stockage définitif des déchets radioactifs issus de la production d’énergie de fusion.

05/2021
Vol. 62-2

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