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Robots, intelligence artificielle et modèles 3D

Comment les avancées technologiques contribuent au déclassement nucléaire

Jeffrey Donovan

« Chien-robot » : Un robot autonome possédant des jambes établit une carte des rayonnements autour de la tranche 4 de Tchornobyl.

(Photo : Boston Dynamics, États-Unis d’Amérique)

Les robots, les drones, l’intelligence artificielle et d’autres nouvelles technologies numériques, qui favorisent déjà la mise en œuvre rapide des projets de déclassement nucléaire dans le monde entier, sont appelés à y jouer un rôle de plus en plus important, car un nombre croissant de pays optent pour le déclassement immédiat de leurs installations nucléaires désaffectées.

Pour rendre le travail plus efficace et réduire les risques, notamment financiers et radiologiques, les pays utilisent des outils de haute technologie tels que la réalité virtuelle et la simulation 3D – une tendance vouée à prendre de l’ampleur dans les années à venir, alors que plusieurs centrales nucléaires vieillissantes et d’autres installations nucléaires seront progressivement mises hors service.

« Qu’il s’agisse de robots à l’épreuve des rayonnements utilisés sur les sites d’accidents tels que Fukushima Daiichi au Japon ou de la modélisation 3D utilisée pour mieux planifier le démantèlement des centrales désaffectées, l’industrie du déclassement nucléaire se trouve de plus en plus à la pointe de l’innovation technologique », a déclaré Mikhail Chudakov, Directeur général adjoint et Chef du Département de l’énergie nucléaire de l’AIEA. « Ces technologies fournissent des indications cruciales pour la planification et l’exécution de projets, en particulier dans des situations qui pourraient présenter des risques pour les personnes, contribuant ainsi à ce que ces tâches soient réalisées en toute sûreté et efficacité. »

L’objectif du projet est de tirer parti de l’expertise de divers organismes intervenant dans le déclassement afin de réaliser pleinement le potentiel des technologies nouvelles et émergentes.
Olena Mykolaichuk, Chef de la Division du cycle du combustible nucléaire et de la technologie des déchets de l’AIEA

De l’Europe à l’Asie en passant par les Amériques, les exemples de technologies de pointe utilisées pour surmonter des obstacles inhabituels et faire avancer les projets de déclassement sont légion. Une des institutions à l’avant-garde de cette tendance est l’Institut norvégien des technologies de l’énergie (IFE) qui, en 2019, est devenu un centre collaborateur de l’AIEA spécialisé dans l’appui aux activités de l’AIEA et des États Membres sur la numérisation de la gestion des connaissances pour le déclassement nucléaire. L’IFE a été le premier à utiliser des systèmes de réalité virtuelle à des fins de maintenance et de déclassement dans des milieux nucléaires.

« Ces technologies sont utilisées pour former les travailleurs, notamment à la visualisation des rayonnements, afin qu’ils comprennent les conditions radiologiques », explique István Szőke, directeur de recherche à l’IFE. « L’IFE est spécialisé dans l’intégration en temps réel de modèles numériques 3D d’actifs nucléaires avec des modèles de physique et d’intelligence artificielle, dont des modèles de physique des rayonnements. La visualisation des rayonnements repose donc sur des données physiques réelles et les modèles de transport des rayonnements permettent de calculer par exemple l’intensité de rayonnements autour des installations à déclasser, et de la visualiser à des fins de planification et de formation. » Cette technique est de plus en plus courante dans les programmes de déclassement, notamment pour les réacteurs de puissance et les réacteurs de recherche, ainsi que pour le démantèlement des installations du cycle du combustible nucléaire.

Plus récemment, l’IFE a appuyé une collaboration internationale visant à établir des systèmes modulaires et intégrés de gestion de l’information à utiliser tout au long du processus de déclassement. Il s’agit notamment de construire un système intégré fondé sur la numérisation 3D et la conception assistée par ordinateur (CAO) ou de produire des maquettes numériques du bâtiment (MNB) intégrant des données radiologiques en 3D et d’autres données. Ces méthodes permettent de gérer toutes les informations, sont intégrées aux modèles de physique radiologique et à d’autres systèmes, et les rassemblent dans un système appuyant le principe de réduction du risque radiologique au niveau « aussi bas que raisonnablement possible ».

Les simulations numériques et la modélisation 3D ont également été utilisées avec succès dans des projets de déclassement en Italie et en Slovaquie. Sogin, l’entreprise publique italienne de déclassement et de gestion des déchets radioactifs, a utilisé des modèles et des simulations 3D pour mieux planifier le démantèlement des réacteurs et la gestion des flux de déchets générés. La société slovaque de l’énergie nucléaire et du déclassement (JAVYS) a utilisé des modèles et des simulations 3D pour démanteler des composants des réacteurs de puissance des centrales nucléaires Bohunice A1 et V1. Comme l’IFE, Sogin et JAVYS partagent leurs connaissances et leur expérience avec la communauté nucléaire mondiale en tant que centres collaborateurs de l’AIEA pour le déclassement et la gestion des déchets radioactifs.

Une autre tendance actuelle qui va dans le même sens est l’utilisation accrue de la robotique. Celle-ci peut réduire les risques pour le personnel en lui permettant d’utiliser à distance les outils servant à manipuler les composants, tout en améliorant l’efficacité, car les robots autonomes et télécommandés sont mieux à même de pénétrer dans les zones difficiles d’accès et d’y travailler. Les robots mobiles munis de capteurs et de systèmes 3D sont de plus en plus utilisés pour analyser les installations et collecter des données pouvant servir à construire des modèles 3D du site. « L’un des objectifs les plus urgents pour l’industrie est de comprendre comment utiliser l’intelligence artificielle pour transformer les numérisations 3D, maintenant très faciles à produire, en maquettes numériques intelligentes du bâtiment », explique M. Szőke. « On élabore également des "jumeaux numériques" des installations, qui peuvent être utilisés pour faciliter le déclassement de systèmes complexes mais également pour structurer les connaissances relatives aux installations tout au long de leur cycle de vie. »

En 2022, l’AIEA a lancé une initiative mondiale visant à promouvoir le rôle des technologies nouvelles et émergentes dans le déclassement des installations nucléaires. L’initiative, projet de collaboration entre les organismes intervenant dans la planification ou la mise en œuvre du déclassement et des activités de recherche connexes, vise à fournir des informations sur les outils et technologies numériques nouveaux et émergents utilisés dans la gestion des données, la planification, l’octroi d’autorisations et la mise en œuvre du déclassement.

« L’objectif du projet est de tirer parti de l’expertise de divers organismes intervenant dans le déclassement afin de réaliser pleinement le potentiel des technologies nouvelles et émergentes », dit Olena Mykolaichuk, Chef de la Division du cycle du combustible nucléaire et de la technologie des déchets de l’AIEA. L’AIEA publiera les résultats du projet dans un rapport en 2025, et notamment des informations sur les expériences de plusieurs pays, afin de continuer d’appuyer la réussite de projets de déclassement dans le monde entier.

04/2023
Vol. 64-1

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