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L’expérience du Brésil

des réacteurs de recherche au service de la société

José Augusto Perrotta

José Augusto Perrotta travaille dans le domaine de la technologie des réacteurs nucléaires depuis 1978. M. Perrotta a rejoint l’Institut de recherches énergétiques et nucléaires (IPEN) de la Commission nationale brésilienne de l’énergie nucléaire en 1983 et a pris sa retraite de l’IPEN en juin 2022. Il est chercheur émérite à l’IPEN. Au cours de sa carrière à l’IPEN, il a exercé plusieurs fonctions dans les domaines techniques, de gestion et de coordination, notamment en tant que chef de la division d’ingénierie du cœur du réacteur nucléaire, chef du centre d’ingénierie nucléaire, coordonnateur du programme sur les piles à hydrogène et coordonnateur technique de l’entreprise brésilienne de réacteurs polyvalents.

 

L’importance des réacteurs de recherche dans le monde peut être illustrée par l’idée que la science, la technologie, l’innovation et la société sont intimement liées. La recherche et les découvertes scientifiques conduisent à la mise au point de nouvelles technologies, stimulant ainsi l’innovation qui, en fin de compte, profite à la société sur les plans de la santé, de l’énergie, de l’agriculture, de l’industrie et du développement économique. Ceci est particulièrement vrai pour les réacteurs de recherche.

Au travers de la médecine nucléaire, utilisée pour diagnostiquer et traiter le cancer et les maladies cardiovasculaires, l’on peut directement tirer parti des bienfaits qu’apportent les réacteurs de recherche. Chaque année, deux millions d’interventions de médecine nucléaire sont réalisées au Brésil, lesquelles dépendent de la production de radio‑isotopes dans les réacteurs de recherche. C’est du moins ce que l’arrêt, en 2009, du réacteur NRU du Canada, plus gros fournisseur mondial d’isotopes médicaux, a permis de révéler. À l’instar de nombreux autres pays, le Brésil a fortement pâti de la pénurie mondiale de molybdène 99 (99Mo), utilisé pour l’imagerie diagnostique, qui s’est ensuivie. La médecine nucléaire brésilienne consomme 5 % de la production mondiale de 99Mo. Or, le Brésil était devenu dépendant d’autres pays pour l’approvisionnement de cet isotope.

À la suite de cette crise d’approvisionnement, la décision a été prise d’entamer la construction d’un nouveau réacteur de recherche polyvalent brésilien dans la ville d’Iperó, à environ 120 kilomètres de São Paulo. Il s’agit de l’un des quelque 25 nouveaux réacteurs de recherche actuellement en projet ou en construction dans le monde. Ce nouveau réacteur est conçu pour produire des radio-isotopes à des fins médicales et industrielles ; il sera également utilisé pour des essais d’irradiation du combustible et des matières à l’appui du programme d’énergie nucléaire du Brésil et pour fournir des faisceaux de neutrons à des fins de recherche scientifique et appliquée et d’innovation.

De nombreuses personnes au Brésil – et ailleurs – bénéficieront des possibilités offertes par les réacteurs de recherche, que ce soit parce qu’elles ont besoin de radiopharmaceutiques ou en raison de l’accroissement des connaissances et des compétences technologiques développées pour le bien-être des personnes et l’amélioration de la société.

Le Brésil n’est pas très dépendant du nucléaire en ce qui concerne la satisfaction de ses besoins énergétiques, l’essentiel de son électricité provenant de l’énergie hydroélectrique, de l’énergie éolienne et du biogaz. Néanmoins, il a été un pionnier dans la recherche sur la technologie nucléaire depuis les années 1950. Le Brésil a été le premier pays dans l’hémisphère Sud à inaugurer un réacteur nucléaire de recherche – l’IEA‑R1, réacteur de type piscine de 2 mégawatts. Ce réacteur a été mis en service en 1957 dans l’actuel Institut de recherches énergétiques et nucléaires (IPEN) de São Paulo. Il est toujours utilisé aujourd’hui pour la production de radio-isotopes à des fins médicales ou de recherche scientifique. En 1960, le réacteur de recherche TRIGA IPR‑1 de 200 kilowatts a été mis en service à Belo Horizonte ; en 1965, le réacteur de recherche Argonaute de 500 watts a commencé à fonctionner à l’Institut de génie nucléaire de Rio de Janeiro ; et en 1988, l’installation critique IPEN/MB‑01 est entrée en service à São Paulo.

Ces réacteurs de recherche ont joué un rôle de catalyseur dans l’essor des centres brésiliens de recherche sur les technologies nucléaires en raison de leurs applications pluridisciplinaires dans différents domaines, de la santé à l’ingénierie. Ces installations étant situées dans des établissements universitaires, les étudiants et les chercheurs y ont accès pour mener des recherches et suivre des formations spécialisées. Au cours des dernières décennies, les réacteurs de recherche du Brésil ont permis aux scientifiques et aux ingénieurs du pays de mener des recherches scientifiques et techniques dans de nombreux domaines, notamment la recherche sur les matières utilisées dans les réacteurs nucléaires et l’application des neutrons dans l’industrie, l’agriculture et l’environnement. Les autres domaines de recherche portent notamment sur les possibilités qu’offrent l’uranium et le thorium et leurs divers composés dans le cycle du combustible nucléaire, la mise au point de combustibles nucléaires, le traitement et l’entreposage des déchets radioactifs, la métrologie nucléaire et la conception de réacteurs nucléaires et d’autres installations nucléaires et d’irradiation.

Les réacteurs de recherche servant de base aux activités nucléaires du pays, le Brésil participe aux nombreuses nouvelles évolutions très prometteuses dans le secteur nucléaire. Des recherches sont menées dans des domaines tels que la fusion, l’utilisation de lasers de haute intensité, les microréacteurs pour l’exploration spatiale et les petits réacteurs modulaires (PRM). Le Brésil a mis au point un combustible à base d’uranium faiblement enrichi destiné aux PRM et aux réacteurs de recherche. Des piles à hydrogène ont également été mises au point dans le cadre de la recherche de solutions énergétiques propres.

Le Brésil adhère au Code de conduite pour la sûreté des réacteurs de recherche de l’AIEA et est doté d’une bonne organisation au niveau national en ce qui concerne la sûreté nucléaire, grâce à une nouvelle autorité indépendante de réglementation nucléaire et à la mobilisation des organismes responsables. À cet égard, l’AIEA joue un rôle très important, car les services qu’elle fournit, tels que les normes de sûreté et les documents techniques de l’AIEA, les ateliers, les cours, les colloques, la coopération technique et les missions d’examen, aident le Brésil à instaurer un environnement caractérisé par une forte culture de la sûreté et de la sécurité dans ses installations nucléaires.

Alors que l’IPEN continue de fournir une grande capacité de recherche et de développement, le programme d’études supérieures en technologie nucléaire de l’Université de São Paulo revêt une importance primordiale pour ce qui est de constituer la prochaine génération de professionnels brésiliens de la technologie nucléaire. À ce jour, plus de 3 300 étudiants ont obtenu un diplôme de master ou de doctorat auprès de l’université et, chaque année, environ un millier d’étudiants poursuivent des études à différents niveaux à l’IPEN. Le programme de technologie nucléaire attire aussi bien des étudiants que des étudiantes, ces dernières représentant 46 % de l’effectif total en 2022. Cependant, malgré ces résultats, la disponibilité des ressources humaines reste l’un des plus grands défis à relever pour l’avenir des réacteurs de recherche et du domaine nucléaire en général, car les besoins dépassent les ressources en place. Nous devons attirer davantage de jeunes vers les professions nucléaires. Sans l’être humain, rien ne peut être accompli.

 

12/2023
Vol. 64-4

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