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Développer l’infrastructure nucléaire pour mieux tirer parti des réacteurs de recherche

Matthew Fisher

Le cœur d’un réacteur de recherche.

(Photo : AIEA)

On peut employer les réacteurs de recherche à des fins très diverses, qui vont de la formation des ingénieurs nucléaires à la recherche scientifique, en passant par la production de radio-isotopes et la mise au point de matériaux avancés. Toutefois, avant qu’un pays ne puisse lancer un nouveau projet de réacteur de recherche, l’infrastructure appropriée doit être en place.

« L’AIEA donne des orientations sur les questions liées à l’élaboration et à la mise en œuvre de projets de réacteurs de recherche. Elles portent notamment sur le cadre juridique et réglementaire, la mise en valeur des ressources humaines, les garanties, la sûreté et la sécurité », déclare Andrey Sitnikov, responsable technique de l’infrastructure nucléaire des réacteurs de recherche et du renforcement des capacités à l’AIEA. « L’approche par étapes de l’AIEA aide les pays à mettre au point leurs programmes de réacteurs de recherche de manière efficace et globale, en vue de pouvoir utiliser leurs réacteurs de recherche en toute sûreté et fiabilité. »

La mission INIR-RR nous a aidés à définir les domaines dans lesquels l’infrastructure devait être développée plus avant, notamment notre stratégie de gestion des déchets radioactifs et notre cadre réglementaire.
Hoang Anh Tuan, directeur général de l’Autorité vietnamienne de l’énergie atomique

L’approche par étapes

L’approche par étapes est un dispositif complet divisé en trois phases, qui énonce tout ce qu’il incombe à un pays de réaliser dans 19 domaines touchant au développement de l’infrastructure, notamment la sûreté nucléaire, les ressources humaines, le financement et la gestion. Ce dispositif peut être appliqué dans le cadre des programmes électronucléaires comme dans celui des programmes de réacteurs de recherche.

Si l’approche ne diffère guère, dans ses grandes lignes, pour les programmes de réacteurs de recherche et les programmes électronucléaires, la distinction majeure concerne le niveau d’utilisation : les réacteurs de recherche ont un large éventail d’applications, tandis que les réacteurs nucléaires de puissance servent avant tout à produire de l’électricité. Par conséquent, lorsqu’un pays applique l’approche par étapes à des réacteurs de recherche, il doit commencer par définir à quelles fins ces derniers seront utilisés. Connaître le but dans lequel un réacteur de recherche sera employé est en effet essentiel pour déterminer quels éléments d’infrastructure particuliers seront nécessaires, comme par exemple le type de spécialistes qu’il faudra recruter ou d’installations qu’il faudra construire, mais aussi pour mettre en œuvre l’approche par étapes de manière efficace.

Trois phases principales de mise au point

Le processus de mise au point d’un réacteur de recherche s’organise en trois phases principales : l’élaboration d’un rapport de faisabilité afin de justifier que le projet de réacteur de recherche répond à un besoin, la préparation de la construction du réacteur (qui comprend notamment la mise en place d’un cadre juridique et réglementaire), et enfin la construction et la mise en service du nouveau réacteur.

La fin de chaque phase marque l’accomplissement d’une « étape » ; ces repères permettent au pays de suivre sa progression et d’évaluer son niveau de préparation avant de passer au travail de la phase suivante. La première étape est franchie lorsqu’un pays est prêt à s’engager dans un programme de réacteur de recherche ; la deuxième étape s’achève lorsqu’un pays est prêt à entamer la négociation d’un contrat portant sur la construction et l’exploitation du réacteur ; la troisième étape est atteinte lorsque le réacteur est prêt à entrer en service.

Examiner et améliorer

Évaluer l’infrastructure déjà en place et celle qui doit encore être créée ou renforcée est une étape importante de la mise en place ou du développement d’un programme de réacteur de recherche. L’AIEA aide les pays, à leur demande, à faire le point sur leur situation et à définir les domaines qui pourraient nécessiter des améliorations dans le cadre de missions d’Examen intégré de l’infrastructure nucléaire pour les réacteurs de recherche (INIR-RR). Il s’agit de missions d’examen par des pairs coordonnées par l’AIEA. Elles ont par nature une portée globale et sont menées par des équipes internationales composées d’experts de l’AIEA et d’experts externes qui ont une expérience directe de l’infrastructure nucléaire spécialisée pour les réacteurs de recherche.

Avant chaque mission, le pays concerné commence par établir un rapport d’autoévaluation sur les 19 questions liées à l’infrastructure figurant dans la publication de l’AIEA sur les considérations et les étapes spécifiques d’un projet de réacteur de recherche (intitulée en anglais « Specific Considerations and Milestones for a Research Reactor Project »). Ensuite, les experts évaluent la situation en s’appuyant sur les éléments factuels rassemblés lors de la mission INIR-RR, y compris les plans stratégiques et les considérations relatives au site.

À l’issue de la mission, l’équipe INIR-RR rédige un rapport comprenant des recommandations sur les actions à mettre en œuvre. Une mission de suivi a éventuellement lieu environ deux ans après la mission initiale et permet d’évaluer la suite donnée aux recommandations. Habituellement, le pays et l’AIEA mettent en place ensemble, en tenant compte des conclusions de l’examen, un plan d’action visant à renforcer les capacités de façon ciblée, axé sur quelques-unes des 19 questions liées à l’infrastructure.

La toute première mission INIR-RR

La toute première mission INIR-RR a eu lieu au Nigeria en février 2018. Le Nigeria dispose d’un réacteur source de neutrons miniature (RSNM) consacré à la recherche, d’une puissance de 30 kWth, qui est en exploitation depuis 2004 et sert à des activités de formation et à l’analyse par activation neutronique, mais qui ne peut pas être employé à d’autres applications.

Les autorités du pays envisagent de se doter d’un réacteur de recherche polyvalent plus grand et plus versatile, destiné à des applications qui comprennent notamment la production de radio-isotopes pour le traitement du cancer et pour la conservation des aliments. Le réacteur de recherche polyvalent permettrait également au Nigeria de relever son niveau d’expérience dans l’exploitation de réacteurs de plus grande dimension, et aiderait le pays sur la voie d’un éventuel programme électronucléaire à l’avenir.

Puisque le Nigeria dispose déjà d’un programme de réacteur de recherche, la plupart des exigences relatives à l’infrastructure nécessaire au réacteur de recherche polyvalent ont déjà été satisfaites, dans une certaine mesure ; toutefois, l’exploitation d’un réacteur de recherche de plus grande dimension nécessite de renforcer et d’élargir l’infrastructure existante. Dans ses recommandations, l’équipe de la mission INIR-RR engageait à mettre davantage l’accent sur le développement des ressources humaines. Le Nigeria prévoit de mettre en service le réacteur d’ici 2025.

Développer, pour faire plus

Un réacteur de recherche polyvalent fait également partie des plans du Viet Nam pour développer son programme et élargir ainsi le champ de ce que le pays peut accomplir grâce aux réacteurs de recherche. À l’heure actuelle, le Viet Nam exploite un réacteur de recherche relativement petit (de type piscine de 500 kWth), qu’il consacre à diverses applications, notamment une production à petite échelle de radio-isotopes et la recherche-développement en matière de faisceaux de neutrons.

Une mission INIR-RR a été menée au Viet Nam en décembre 2018. L’équipe de la mission a conclu que le Viet Nam avait réalisé des avancées considérables sur la voie de la mise en place de l’infrastructure nécessaire à un réacteur de recherche polyvalent. Les recommandations formulées comprenaient notamment la conduite d’une évaluation plus détaillée de l’utilisation du réacteur de recherche polyvalent et le renforcement de l’indépendance de l’organisme de réglementation.

« Le réacteur de recherche de 10 à 15 MWth que nous avons en vue renforcera nos capacités en matière de recherche scientifique, de formation théorique et pratique, et de production de radio-isotopes », affirme Hoang Anh Tuan, directeur général de l’Autorité vietnamienne de l’énergie atomique. Le Viet Nam prévoit de mettre en service le réacteur de recherche polyvalent d’ici 2026. « La mission INIR-RR nous a aidés à définir les domaines dans lesquels l’infrastructure devait être développée plus avant, notamment notre stratégie de gestion des déchets radioactifs et notre cadre réglementaire. »

11/2019
Vol. 60-4

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