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Les accélérateurs : un outil pour comprendre l’environnement et lutter contre la pollution

Lenka Dojcanova

Elettra-Sincrotrone Trieste en Italie. (Photo : Elettra - Sincrotrone Trieste)

Les métaux lourds, tout comme certains produits chimiques toxiques, peuvent polluer l’air, l’eau et les sols et, partant, nuire à la flore et à la faune. Pour neutraliser ces éléments, les scientifiques doivent d’abord mieux comprendre leur comportement. Un effort auquel contribuent les accélérateurs, qui utilisent des faisceaux de particules chargées pour frapper certaines matières afin d’analyser ou de modifier leur surface, leur composition, leur structure ou d’autres propriétés.

« Les techniques faisant appel à des accélérateurs offrent des possibilités uniques en leur genre et donnent, de manière rapide, non destructive et économique, de précieuses indications sur la pollution », déclare M. Román Padilla, physicien spécialiste de l’instrumentation nucléaire à l’AIEA. « Des accélérateurs de particules capables d’appréhender et d’améliorer l’environnement, il en existe de toutes formes et toutes tailles, et les méthodes reposant sur des faisceaux d’ions produits par un accélérateur sont particulièrement adéquates pour caractériser des échantillons de sols, de sédiments, de biote, d’eau ou de fines particules d’air. »

Les accélérateurs les plus couramment employés à des fins de caractérisation d’échantillons prélevés lors d’un contrôle radiologique de l’environnement sont les accélérateurs électrostatiques (voir page 4).

L’évaluation de la pollution de l’air et de l’eau est essentielle face aux enjeux sanitaires mondiaux. Plus de 60 % de la population du globe vit en Asie, région qui compte 13 des plus grandes métropoles de la planète. La pollution de l’air et de l’eau est l’une des priorités majeures des zones fortement urbanisées du continent. Pour aider les experts à caractériser les échantillons d’air, l’AIEA recueille chaque semaine, en collaboration avec 15 pays asiatiques, des échantillons de particules en suspension, fines et grossières, qui ont une incidence sur la qualité de l’air que respirent plus de 110 millions de personnes. Entre 2002 et 2017, les techniques par faisceaux d’ions produits par un accélérateur ont non seulement révélé la présence de nombreux éléments dans les échantillons collectés, mais ont aussi permis d’identifier les sources probables de pollution atmosphérique.

En outre, les faisceaux d’électrons, qui sont différents des faisceaux d’ions (voir page 26), peuvent être utilisés pour le traitement des eaux usées ou des plastiques (voir page 10). Cette technique présente notamment un net avantage par rapport aux procédés classiques de traitement de l’eau tels que les traitements chimiques et biologiques, car les faisceaux d’électrons ne nécessitent aucun désinfectant chimique pour détruire les micro-organismes. Dans la province du Hubei, en Chine, une installation de traitement qui a recours à la technologie des faisceaux d’électrons s’est spécialisée dans la stérilisation des eaux usées médicales et la décomposition des antibiotiques. Dotée d’une capacité de traitement de 30 millions de litres d’eaux usées industrielles par jour, cette installation de traitement des eaux usées par irradiation est la plus grande du monde et a été construite sur la base d’une technologie transférée par l’AIEA. Le processus de traitement permet d’économiser 4,5 milliards de litres d’eau douce par an - de quoi étancher la soif de 100 000 personnes.

Les synchrotrons, un type particulier d’accélérateur annulaire, sont également utilisés dans les études environnementales et aident les experts à analyser les éléments, à cartographier leur distribution et à déterminer leur forme chimique. Ces accélérateurs complexes, dans lesquels les rayons X servent de sonde, peuvent être déployés dans des processus miniers et industriels, où les méthodes classiques ne peuvent fournir de données suffisantes pour anticiper des conséquences environnementales probables, l’évolution de la biodisponibilité ou les risques associés à une contamination. Dans le secteur minier par exemple, les synchrotrons permettent de prédire le comportement futur de métaux ou de minéraux, et de prévoir ainsi leur déplacement ou leur dissolution.

 

Depuis plus de sept ans, l’AIEA exploite, conjointement avec le centre italien Elettra Sincrotrone Trieste (EST), un poste final polyvalent à la ligne de faisceaux à fluorescence X, et met au point de nouveaux équipements et de nouvelles méthodes d’analyse. Ces formes de collaboration permettent à l’Agence de soutenir et encourager les activités de recherche et de formation reposant sur le rayonnement synchrotron destinées à des groupes de chercheurs, notamment dans les pays qui n’ont pas suffisamment d’expérience ou de moyens pour accéder aux installations de rayonnement synchrotron et pour les utiliser. Les expérimentations qui ont pu être ainsi menées ont servi à éclairer un certain nombre de questions environnementales dans plusieurs pays, notamment la présence de particules fines en suspension dans l’atmosphère et dans l’air à l’intérieur des bâtiments en Hongrie et en Jordanie, la distribution spatiale du plomb dans la végétation plantée en bordure de sites miniers en Espagne, la distribution et l’état chimique du cadmium accumulé dans les huîtres et les coquilles Saint-Jacques en Italie, la présence de titane dans les sols agricoles amendés avec des boues provenant de stations d’épuration des eaux au Mexique, ou encore les processus microscopiques associés à la décontamination de cours d’eau pollués par les mines en Italie.

 

05/2022
Vol. 63-2

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