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Les réacteurs avancés, le nouvel atout de l’électronucléaire au service des objectifs climatiques
Matthew Fisher
Les réacteurs avancés contribuent à faire de l’électronucléaire une solution énergétique sobre en carbone plus accessible, plus durable et plus abordable. Bénéficiant de caractéristiques de sûreté améliorées et de conceptions optimisées au service de la rentabilité, ils devraient ouvrir la voie à des modèles économiques plus avantageux, à une simplification des procédures d’autorisation et à une meilleure acceptation du public, ce qui à terme amènera les pays à envisager plus facilement de faire appel à l’électronucléaire pour atteindre leurs objectifs climatiques.
« Conçus pour être exploités pendant au moins soixante ans et pour faciliter l’application de procédures d’autorisation simplifiées, les réacteurs avancés correspondent à l’objectif d’atténuation des changements climatiques, qui requiert à la fois une mise en œuvre rapide et une viabilité à long terme, explique Stefano Monti, Chef de la Section du développement de la technologie électronucléaire de l’AIEA. Le soutien et l’acceptation de la population sont cruciaux pour l’avenir de l’électronucléaire, et l’idée qu’on se fait dans le monde de cette importante source d’électricité sobre en carbone s’améliorera à mesure que les modèles de réacteurs gagneront en sûreté et en rentabilité. »
Les réacteurs avancés, leurs combustibles et les cycles de combustible associés sont à l’avant-garde de la technologie électronucléaire. Ils sont le fruit de plus de 60 ans de travaux de recherche-développement menés et de connaissances acquises dans le domaine électronucléaire.
L’AIEA aide les pays à cerner et à résoudre les difficultés associées à la mise au point des réacteurs avancés, notamment en ce qui concerne l’innovation technologique et les critères de conception de la sûreté. Ce soutien prend la forme de projets et d’activités de recherche menés en collaboration, notamment d’ateliers auxquels prennent part des experts internationaux, mais aussi d’une coopération avec le Forum international Génération IV (GIF), projet de coopération internationale qui réunit aujourd’hui 13 pays. Depuis sa création en 2000, le GIF mène des activités de recherche-développement en lien avec les systèmes d’énergie nucléaire de la prochaine génération.
Les réacteurs avancés se différencient notamment des autres réacteurs par une efficience thermique accrue, la minimisation des déchets, une optimisation de l’exploitation des ressources naturelles et la prise en charge d’applications non électriques, comme la production d’hydrogène, parallèlement à la production d’électricité. Ces caractéristiques élargissent les possibilités d’exploitation et améliorent considérablement la rentabilité des centrales nucléaires.
Des modèles de pointe
Il existe deux grandes catégories de réacteurs avancés : les modèles « évolutifs » et les modèles « innovants ». Les premiers proposent un moyen fiable et rapide de produire de l’énergie sobre en carbone, tandis que les seconds, modèles de demain, aideront encore davantage les pays à limiter leurs émissions de carbone, tout en permettant de réduire la quantité des déchets de haute activité et de développer les applications non électriques de l’électronucléaire.
Il existe actuellement 15 réacteurs évolutifs en service dans le monde, et d’autres doivent voir le jour dans l’avenir. L’APR1400 de la Corée du Sud et le VVER-1200 de la Russie sont tous deux des modèles de réacteurs à eau sous pression dotés d’une efficience accrue et de caractéristiques de sûreté avancées. Parallèlement à l’implantation de l’APR1400 en Corée du Sud, il existe un autre réacteur de ce type, en cours de construction aux Émirats arabes unis, dont la première tranche devrait entrer en service en 2020.
Trois réacteurs VVER-1200 sont déjà exploités en Russie et d’autres sont actuellement construits au Bangladesh, au Bélarus, en Russie et en Turquie, la mise en service de nouvelles tranches au Bélarus étant prévue pour la fin de 2020. Le réacteur EPR de conception française, dont deux exemplaires sont en service en Chine et d’autres sont en construction en Finlande, en France et au Royaume-Uni, vise à simplifier les opérations de la centrale et à en doper la capacité de production.
D’une capacité de 1090 MWe, le réacteur HPR1000 de la Chine, aussi appelé Hualong One, est en construction sur des sites répartis sur tout le territoire national et ce pays prévoit d’en exporter le modèle, notamment en Argentine et au Royaume-Uni, les premières tranches devant entrer en service à la fin de 2020. Ce réacteur intègre des systèmes de sûreté passive et active complexes, notamment des barres de commande qui s’insèrent par la seule force de la gravité en cas de panne de courant et une nouvelle structure de confinement capable de résister à une pression plus forte, ce qui réduit les risques de fuites en cas d’accident nucléaire.
Le modèle AP1000, réacteur à eau sous pression de 1157 MWe, est déjà exploité dans deux centrales nucléaires en Chine. De conception relativement simple, il comporte moins de vannes et il est doté de caractéristiques assumant des fonctions de sûreté qui tirent parti de forces naturelles (gaz sous pression, écoulement par gravité, circulation et convection naturelles, par exemple). D’autres tranches de type AP1000 sont en construction aux États-Unis, où il est prévu qu’elles commencent à produire de l’électricité d’ici 2022.
L’innovation au service de la durabilité
Les réacteurs innovants en sont encore au stade de la mise au point, et la construction de certains modèles pourrait débuter à l’horizon 2030. Ils sont tous caractérisés par des températures d’exploitation élevées qui permettent de produire de l’électricité tout en prenant en charge des applications non électriques (telles que la production d’hydrogène). Ils bénéficient en outre de dispositifs de sûreté intrinsèque très robustes, d’une viabilité accrue grâce à la minimisation des déchets et à l’optimisation de l’exploitation des ressources naturelles, ainsi que d’aménagements spéciaux qui renforcent la protection physique et la résistance à la prolifération.
Certains modèles devraient également utiliser des caloporteurs de types nouveaux, comme le métal liquide ou les sels fondus, qui leur permettent de fonctionner à pression ambiante et à des températures bien plus élevées, pour une plus grande efficacité. D’autres pourraient également être dotés d’un cycle fermé du combustible nucléaire, ce qui permettrait de réduire le volume, la toxicité et la durée de vie des déchets radioactifs.
Le réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium BN-800 offre un aperçu de ce que seront les réacteurs innovants. Avec sa version antérieure, le modèle BN-600, et le réacteur rapide expérimental chinois, il s’agit de l’un des trois réacteurs à neutrons rapides actuellement en exploitation commerciale. Exploité en Russie depuis octobre 2016, il utilise un combustible à mélange d’oxydes, constitué de plutonium et d’uranium. De nombreux modèles de réacteurs innovants devraient fonctionner selon un principe physique analogue, repoussant ainsi les limites de la technologie électronucléaire. Pour en savoir plus sur les réacteurs à neutrons rapides, consultez cet article.
« Il va peut-être falloir encore attendre quelques années avant que la prochaine génération de réacteurs nucléaires de puissance soit exploitée commercialement, mais les progrès qui sont constamment réalisés dans le cadre des projets de recherche-développement sont très encourageants » se félicite Dohee Hahn, Directeur de la Division de l’énergie d’origine nucléaire de l’AIEA. « Dans notre quête d’un avenir où l’énergie sera propre, il est clair que l’électronucléaire a une contribution importante à apporter à la réalisation de cet objectif impératif. »
De nouveaux combustibles en vue d’une production accrue d’énergie mais d’une réduction de la quantité de déchets
Les scientifiques sont à la recherche de nouveaux moyens d’alimenter les réacteurs nucléaires. L’objectif visé est de limiter autant que possible les incidences des déchets nucléaires et de réduire les frais d’exploitation et de maintenance, tout en améliorant les performances des centrales nucléaires et en renforçant encore la sûreté nucléaire.
L’une des approches retenues repose sur le recyclage multiple de l’uranium et du plutonium présents dans le combustible nucléaire une fois irradié. Ce combustible recyclé pourrait alimenter les réacteurs nucléaires de la prochaine génération en permettant d’exploiter plus efficacement les ressources et de réduire le volume et la radiotoxicité des déchets nucléaires. Grâce au recyclage multiple, les réacteurs pourraient bien ne consommer pratiquement que du combustible usé recyclé au lieu d’uranium naturel nouvellement extrait.
Destiné à des modèles de réacteurs actuels et futurs, le combustible résistant aux accidents est l’un des nouveaux types de combustible prometteurs à être actuellement mis au point. Associant des matériaux et un gainage (le tube externe qui enrobe le combustible) nouveaux et améliorés, il résiste mieux aux changements de température et aux conditions extrêmes auxquels il peut être soumis dans un réacteur. Il peut par exemple supporter une perte de refroidissement actif dans le cœur pendant beaucoup plus longtemps que les combustibles utilisés à l’heure actuelle.
Les nouveaux types de combustibles destinés aux réacteurs avancés sont conçus pour séjourner plus longtemps dans le cœur, ce qui leur permet de produire davantage d’énergie et moins de déchets. Fabriqués à partir d’un mélange d’uranium et de plutonium de densité atomique plus élevée, enrobés de différents composés céramiques et insérés dans des gainages composés de métaux et d’alliages, ils ont pour but d’améliorer les performances du réacteur. De ce fait, ils se prêtent mieux à la surgénération, c’est-à-dire à la production de nouveau combustible dans les réacteurs à neutrons rapides pendant l’exploitation. Par ailleurs, comme les types de matières qui les composent transfèrent plus efficacement la chaleur, leur température globale est moins élevée et devient plus homogène, un atout pour la sûreté.