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Encourager la prochaine génération à faire carrière dans le déclassement

Annie Engstroem

Travailleurs participant aux activités de démantèlement d’une usine de retraitement de combustible nucléaire à La Hague (France). 

(Photo : M. Klingenboeck/AIEA)

L’un des principaux défis d’aujourd’hui pour l’industrie du déclassement est d’attirer des jeunes professionnels. Le besoin d’une nouvelle génération de travailleurs a une double cause. D’une part, il faut disposer immédiatement d’une main-d’œuvre plus nombreuse pour déclasser un nombre croissant de réacteurs qui arrivent en fin de vie. D’autre part, le secteur doit se préparer pour l’avenir : il devrait connaître un essor qui créera une demande encore plus forte de scientifiques et d’ingénieurs.

Entre 12 et 15 % des réacteurs nucléaires actuellement en exploitation devraient être mis hors service d’ici 2030 et il faudra de nombreux professionnels de diverses disciplines pour assurer la sécurité et la rentabilité du processus en tenant compte de leur utilisation future. En parallèle, de nouvelles installations nucléaires qui devront aussi être déclassées à terme sont en construction dans le monde entier.

« Les jeunes professionnels comme moi ont hâte de mettre leurs compétences au service des programmes de déclassement et de faire grandir la confiance du public dans le nucléaire », déclare Simona Šandalová, une chimiste nucléaire de 25 ans, boursière du programme Marie Skłodowska-Curie de l’AIEA.

Les jeunes professionnels comme moi ont hâte de mettre leurs compétences au service des programmes de déclassement et de faire grandir la confiance du public dans le nucléaire.
Simona Šandalová, chimiste nucléaire et boursière du programme Marie Skłodowska-Curie de l’AIEA

Les défis complexes du déclassement des sites nucléaires suscitent de multiples possibilités de carrière pour les jeunes professionnels dans ce domaine. Ces possibilités concernent les technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle, la science des données et la robotique, ainsi que des spécialisations en physique, en chimie, en ingénierie, en gestion de projets, en gestion des déchets ou en remédiation de l’environnement. En bref, le secteur du déclassement offrira à la fois une sécurité d’emploi et des possibilités de carrière aux personnes qui y entrent aujourd’hui et dans un avenir prévisible.

« Il y a quarante ans, le déclassement n’était pas une priorité pour les concepteurs de centrales nucléaires ou d’installations du cycle du combustible et on ne se souciait guère de garantir la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée au moment de la fin de vie », explique Patrick O’Sullivan, consultant en déclassement à l’AIEA. « Aujourd’hui, attirer de jeunes professionnels du nucléaire vers les activités de déclassement et de gestion des déchets associés est devenu une priorité dans la plupart des programmes. »

Pour décarbonner l’économie, les pays investissent également dans des réacteurs nucléaires avancés tels que les petits réacteurs modulaires, qui devraient être plus faciles et moins coûteux à déclasser car ils peuvent être renvoyés à l’usine pour y être démantelés et recyclés.

« Si les pays décident de faire des efforts et d’inclure l’énergie nucléaire dans leur bouquet énergétique, ils doivent absolument commencer dès maintenant à développer les compétences permettant de prévoir d’emblée le démantèlement des centrales nucléaires », explique Marorisang Makututsa, vice-présidente de l’African Young Generation in Nuclear (AYGN). L’AYGN est une organisation à but non lucratif qui vise à mobiliser les jeunes professionnels du nucléaire en Afrique et à accroître leurs capacités en organisant des formations et des activités nationales de mise en réseau. Actuellement, l’Afrique du Sud exploite deux réacteurs nucléaires, l’Égypte construit ses premiers réacteurs et le Ghana ainsi qu’une dizaine d’autres pays du continent envisagent d’introduire l’électronucléaire dans leur bouquet énergétique.

Possibilités pour les jeunes

Le déclassement est l’étape finale du cycle de vie d’une installation nucléaire mais le processus multidisciplinaire de démantèlement d’une centrale nécessite une connaissance de l’ensemble du cycle. Les ingénieurs, scientifiques et autres professionnels du déclassement ont donc des compétences transférables à d’autres parties du cycle nucléaire, notamment la conception, la construction et l’exploitation de l’installation.

« De nombreuses possibilités dans d’autres secteurs s’offrent aux jeunes qui ont des compétences et de l’expérience dans le déclassement », dit Lisa Lande, spécialiste de la mise en valeur des ressources humaines dans le nucléaire à l’AIEA. « La capacité de gérer des projets, d’acquérir les compétences techniques nécessaires à la gestion des déchets radioactifs et de comprendre l’impact des polluants sur l’environnement est inestimable dans le secteur de l’environnement et dans divers domaines de l’industrie technologique. »

En France, l’Institut national des sciences et technologies nucléaires (INSTN) encourage activement les étudiants à rechercher des solutions innovantes en matière de déclassement. Florent Lemont est directeur de recherche au CEA et chef de l’INSTN - Marcoule. En 2022, il a également organisé en France le « Hackadem », au cours duquel 600 lycéens et étudiants se sont affrontés par équipes en proposant des solutions créatives pour le déclassement des centrales nucléaires à l’avenir. « De nombreux participants ne savaient pas que le déclassement est un domaine novateur et transversal qui fait appel aux technologies de pointe, à la numérisation, à la chimie et davantage », ajoute M. Lemont. « Grâce à cette compétition, ils ont beaucoup appris sur les possibilités futures dans le domaine du déclassement et de l’intérêt d’y acquérir de l’expérience. »

Initiatives de l’AIEA pour impliquer les étudiants et les jeunes professionnels

L’AIEA organise une série d’initiatives pour présenter les possibilités de carrière dans le domaine du déclassement et soutenir le renforcement des capacités nucléaires dans ses États Membres.

L’AIEA coopère activement avec des universités du monde entier - notamment en France, en République de Corée, en République tchèque, en Slovaquie et au Royaume-Uni - pour mener des recherches et échanger des informations techniques, des données d’expérience et des meilleures pratiques en matière de déclassement et de remédiation de l’environnement. À la Florida International University (FIU), aux États-Unis d’Amérique, cette coopération a permis à l’AIEA de proposer des programmes de formation et de stage à des étudiants ayant une formation en sciences, en technologie, en ingénierie et en mathématiques, et d’intégrer du matériel pédagogique de l’AIEA sur le déclassement dans les programmes de la FIU.

En septembre 2022, l’AIEA a organisé le défi AIEA sur les innovations dans le déclassement des installations nucléaires, et invité les étudiants et les jeunes professionnels à soumettre des essais originaux sur le démantèlement des installations nucléaires. Parmi les thèmes abordés, l’amélioration de l’efficacité du déclassement, la planification et la mise en œuvre du déclassement à partir d’un modèle d’économie circulaire, et l’intégration d’une stratégie de déclassement dans la conception d’une centrale nucléaire.

« Le déclassement est un défi d’avenir qui nécessite une main-d’œuvre future dotée des compétences appropriées », explique M. O’Sullivan. « C’est pourquoi l’AIEA organise et met en œuvre une série d’initiatives – partenariats universitaires, programmes de formation et de bourses – directement et par l’intermédiaire de ses centres collaborateurs, pour promouvoir l’implication des jeunes dans le déclassement et pour encourager la participation des jeunes à ses ateliers et conférences spécialisés. »

 

04/2023
Vol. 64-1

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