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Alimenter les centrales de demain :

création de chaînes d’approvisionnement en combustible pour les PRM et les réacteurs avancés

Lucy Ashton

Le Département de l’énergie des États‑Unis a investi dans la production nationale de combustible à base d’uranium faiblement enrichi à teneur élevée (HALEU). Son programme pilote, basé à Piketon (Ohio), devrait produire 20 kilogrammes d’HALEU d’ici à la fin 2023. (Photo : Centrus Energy Corporation)

Les ingénieurs se préparent à l’arrivée de la prochaine génération de réacteurs nucléaires, destinés à améliorer la sécurité énergétique et à atténuer le changement climatique. De nombreux modèles de réacteurs avancés, y compris les petits réacteurs modulaires (PRM), auront besoin d’un combustible HALEU, dont la teneur en uranium 235 varie de 5 à 20 % – soit plus que les 5 % du combustible alimentant la plupart des centrales nucléaires en exploitation.

« Le combustible HALEU permettra de développer des réacteurs plus petits, d’allonger le cycle d’exploitation et d’améliorer le rendement », explique Olena Mykolaichuk, directrice de la Division du cycle du combustible nucléaire et de la technologie des déchets à l’AIEA. « Néanmoins, soucieux de tirer pleinement parti du combustible HALEU, certains pays augmentent leur capacité de production en vue de garantir un approvisionnement suffisant, indispensable au déploiement des PRM. »

« La prochaine génération de technologies nucléaires nécessitera de nouvelles chaînes d’approvisionnement pour de nouveaux types de combustible. »
— Ki Seob Sim Spécialiste de l’ingénierie du combustible nucléaire à l’AIEA

Le combustible HALEU est produit aux États‑Unis d’Amérique et en Fédération de Russie et est principalement destiné aux réacteurs de recherche et éventuellement aux réacteurs à eau ordinaire en exploitation. L’installation située en Russie est aujourd’hui la seule à fabriquer ce combustible à une échelle commerciale.

L’année dernière, l’Agence d’approvisionnement d’Euratom a établi un rapport sur l’approvisionnement futur en combustible pour les réacteurs de recherche d’Europe convertis à l’HALEU ou en passe de l’être. D’ordinaire, les réacteurs de recherche européens fonctionnent à l’uranium hautement enrichi. Les réacteurs de recherche convertis à l’HALEU sont pour le moment approvisionnés en combustible par les États‑Unis et la Russie. Mais les États‑Unis disent ne pouvoir garantir l’approvisionnement que jusqu’en 2035 ou 2040, faute de capacités de production suffisantes à l’heure actuelle, ce qui augmente le risque de pénurie pour les réacteurs de recherche à convertir.

L’Agence d’approvisionnement d’Euratom estime que, d’ici à 2035, l’Union européenne (UE) aura besoin de 700 kilogrammes à 1 tonne d’HALEU chaque année pour assurer l’exploitation continue de ses réacteurs de recherche. Ces chiffres ne tiennent compte d’aucune future demande des réacteurs avancés utilisés pour la production d’électricité. Euratom recommande donc que l’UE se dote de sa propre capacité de production de combustible HALEU, en raison des préoccupations liées à la sécurité des approvisionnements futurs.

Si la production de combustible HALEU n’est pas encore à l’ordre du jour en Europe, les plus grands producteurs de combustible nucléaire du continent sont des chefs de file mondiaux dans le domaine de la technologie de l’enrichissement. Capables actuellement d’enrichir l’uranium jusqu’à 6 %, ils pourraient, selon le rapport de l’Agence d’approvisionnement d’Euratom, utiliser la même technologie pour produire du combustible HALEU sans difficultés techniques majeures.

Toutefois, l’autorisation, la construction, la sécurisation et l’exploitation de ces installations exigent d’importants investissements, et les producteurs européens disent avoir encore besoin de s’assurer du bien‑fondé de ces investissements. Les entreprises européennes pourraient commencer à produire du combustible HALEU d’ici à cinq ans seulement, et des projets d’agrandissement d’une centrale française existante, ainsi que de construction de nouvelles installations aux États‑Unis et au Royaume‑Uni, sont à l’étude.

Cependant, l’industrie nucléaire américaine appelle l’attention sur le fait que le déploiement de certains modèles de PRM pourrait être retardé de plusieurs années étant donné le manque de combustible HALEU. Pour l’instant, neuf des dix modèles de réacteurs avancés financés par le Gouvernement américain auront besoin de combustible HALEU au cours des dix prochaines années. Selon les projections du Département de l’énergie des États‑Unis (DOE), plus de 40 000 kilogrammes de combustible HALEU seront nécessaires d’ici à 2030, et ce chiffre ne devrait qu’augmenter au fil des ans et de la mise en service du nouveau parc de réacteurs avancés.

Pour répondre à ce besoin, le DOE investit dans la chaîne nationale de production du combustible HALEU. Il a créé un consortium à cette fin et a cofinancé une usine de production pilote à Piketon (Ohio). En juin 2023, l’organisme américain de réglementation a autorisé l’installation de Piketon à débuter ses opérations d’enrichissement.

La cascade de centrifugeuses de Piketon devrait produire 20 kilogrammes de combustible HALEU d’ici à la fin 2023 et 900 kilogrammes en 2024. Une cascade complète de 120 centrifugeuses dispose d’une capacité combinée de production d’environ 6 000 kilogrammes de combustible HALEU par an.

En complément, un autre type de combustible HALEU commence à être produit, au moyen d’un procédé de dilution par mélange des stocks nationaux d’uranium hautement enrichi. Le combustible tri‑structurel isotropique à particules (TRISO) est constitué d’uranium, de carbone et d’oxygène recouverts de trois couches de matériaux à base de carbone et de céramique qui empêchent le rejet de produits de fission radioactifs. Ces particules peuvent être façonnées pour former des sphères de la taille d’une boule de billard, appelées boulets, ou des pastilles cylindriques. Le combustible TRISO‑HALEU est utilisé dans les réacteurs à haute température refroidis par gaz, et certains vendeurs prévoient d’en utiliser pour leurs modèles de PRM et de microréacteurs.

« La prochaine génération de technologies nucléaires nécessitera de nouvelles chaînes d’approvisionnement pour de nouveaux types de combustible », explique Ki Seob Sim, spécialiste de l’ingénierie du combustible nucléaire à l’AIEA. « Des efforts sont actuellement déployés pour mettre en place ces chaînes d’approvisionnement, mais il reste encore beaucoup à faire – notamment pour prouver clairement que ces réacteurs avancés présentent un intérêt dans de nombreuses régions – si nous voulons garantir l’approvisionnement nécessaire en combustible HALEU. Je suis toutefois convaincu que nous pouvons y parvenir. »

09/2023
Vol. 64-3

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