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Une étude de pointe sur le radon permet de réduire les risques de cancer du poumon au Cameroun

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Une partie des 3 000 habitations semblables à celle-ci dans la province du Nord, au Cameroun, ont fait l’objet d’une étude visant à déterminer les concentrations d’isotopes radioactifs naturels du radon. La moitié présentaient des concentrations supérieures aux limites de sûreté préconisées par l’OMS. La solution consiste à aérer régulièrement les habitations pour atténuer les effets du radon (Photo : M. Gaspar/AIEA).

Lorsque Bobbo Hamadou se lève le matin, il ouvre la porte et la fenêtre de sa maison. En aérant ainsi son habitation, il y réduit aussi la concentration de radon. Il vit dans l’une des 150 habitations de Ngaoundéré (Cameroun) où la concentration de cette substance radioactive naturelle était supérieure au niveau recommandé dans les normes de sûreté de l’AIEA et par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Plus du quart des habitations examinées dans cette ville, chef-lieu de la région de l’Adamaoua, présentent des concentrations élevées de radon.

« Les dosimètres installés chez moi ont permis aux scientifiques de me faire savoir que les concentrations de radon étaient élevées et qu’il fallait bien aérer ma maison pour éviter les maladies liées à ce gaz. Depuis, j’aère ma maison tous les matins, c’est devenu ma routine quotidienne », explique Hamadou, chef d’un quartier de la ville.

Dans le cadre d’une étude pilote, première du genre en Afrique, des scientifiques de l’Institut de recherches géologiques et minières du Cameroun ont examiné 3 000 habitations à travers le pays, notamment dans des zones contenant des gisements d’uranium, où les concentrations de radon sont généralement élevées. Plus de 2 % des habitations examinées présentaient des concentrations de radon supérieures au niveau recommandé par l’AIEA (300 Bq/m3) et 49 % dépassaient le niveau plus prudent recommandé par l’OMS (100 Bq/m3). Sur la base des données recueillies, qui seront publiées dans le Journal of Radiation Protection and Research, le niveau moyen de radon au Cameroun est de 107 Bq/m3, contre une moyenne mondiale de 40 Bq/m3 seulement.

« Les caractéristiques géologiques du Cameroun le prédisposent à des concentrations naturelles de radon plus élevées, notamment dans le Nord, le Sud et l’Ouest du pays, qui sont des zones très peuplées », explique M. Saidou, responsable du Centre de recherche en sciences et technologies nucléaires de l’Institut. L’étude a été réalisée avec l’appui technique et financier de l’AIEA et d’autres partenaires, dont des instituts de radioprotection d’Inde, du Japon et de la Suisse, qui ont fait don de détecteurs de traces pour mesurer les niveaux de radon à l’intérieur des habitations.

Des scientifiques de l’Institut de recherches géologiques et minières du Cameroun préparent un échantillon du sol pour mesurer la concentration en radon (Photo : M. Gaspar/AIEA).

Le radon est responsable de près de la moitié de tous les cas d’exposition humaine aux rayonnements de différentes sources, et son inhalation augmente le risque de cancer du poumon. Il est la principale cause de cancer du poumon chez les non-fumeurs. À l’air libre, il se dilue rapidement à des niveaux de concentration très faibles et inoffensifs. En revanche, en espace clos, même une concentration modérée présente des risques pour la santé en cas d’exposition prolongée. Les éléments chimiques qui se décomposent en radon peuvent être présents dans le sol ou la terre, dans l’eau et dans les matériaux de construction. Consultez cet article du Nucléaire expliqué pour en savoir plus sur le radon.

Ouvrez la fenêtre, laissez sortir le radon

Les niveaux de radon dans une habitation peuvent être aisément maîtrisés si les habitants sont conscients du niveau élevé de concentration. Dans les régions chaudes, il faut aérer régulièrement l’habitation, en particulier les chambres à coucher. Pour les nouvelles constructions, une bonne isolation entre les pièces de séjour et le sol et une bonne ventilation sont les principales solutions.

La sensibilisation est cependant un défi majeur dans un pays principalement rural qui compte 250 langues, explique M. Saidou. « Les habitants ont du mal à comprendre ce qu’est le radon et c’est encore plus difficile de les convaincre de laisser des dosimètres chez eux pour effectuer les mesures requises pendant deux mois. Plusieurs craignent qu’il ne s’agisse d’un logiciel espion ou d’une bombe », poursuit-il. On s’emploie maintenant à rechercher des financements pour décontaminer les bâtiments où du radon a été détecté et à augmenter la capacité d’échantillonnage pour dresser une carte entièrement représentative des niveaux de radon dans le pays.

Comme le Gouvernement commence à octroyer des autorisations d’exploitation minière, M. Saidou dirige un nouveau projet sur l’établissement de niveaux de référence des concentrations de radon et de thoron dans les futures zones industrielles. « Ce projet est essentiel pour l’action que mène le Gouvernement en matière d’activités minières durables », affirme-t-il.

Un pôle de référence en Afrique centrale

Le Cameroun est actuellement l’un des rares pays d’Afrique à cartographier de manière systématique les concentrations de radon. Les pays voisins aux caractéristiques géologiques similaires en prennent bonne note. Des doctorants actuels et anciens de M. Saidou réalisent des études similaires en République centrafricaine, en République du Congo et au Gabon. Sur le lot actuel de 1 000 dosimètres à usage unique fournis par l’Université de Hirosaki au Japon, 600 seront utilisés pour des études pilotes dans ces pays.      

Au Congo, l’étude portera sur une zone proche d’une mine de phosphate où une concentration de radon a été constatée dans les roches, explique Dallou Guy Blanchard, ancien doctorant de M. Saidou, qui dirige cette étude. « Les personnes vivant près des zones d’extraction de phosphate consomment des produits cultivés dans ces zones et des eaux souterraines potentiellement contaminées », dit-il. « En plus de la recherche, il importe de formuler des recommandations et de mener des campagnes de sensibilisation sur les effets nocifs du radon et les moyens de les atténuer. »

Avec l’appui de l’AIEA, M. Saidou contribue aux efforts déployés en République du Congo et participe à la création d’un centre d’excellence régional sur le radon. Entre-temps, Hamadou respire mieux :

« Cette étude sauve des vies. Davantage de personnes doivent en bénéficier », dit-t-il.

EN SAVOIR PLUS

Le radon est un gaz radioactif inodore, incolore et insipide. Produit naturellement dans le sol par l’uranium, il se diffuse dans l’atmosphère. De fortes concentrations de radon peuvent s’accumuler dans les espaces clos tels que les bâtiments et une exposition prolongée peut augmenter le risque de cancer du poumon.

Trois isotopes radioactifs du radon sont naturellement présents en quantités importantes dans l’atmosphère : 222Rn, 220Rn et 219Rn. Le radon 222 a une durée de vie de 3,82 jours et résulte de la chaîne de désintégration radioactive naturelle de l’uranium 238. Le radon 220 a une durée de vie de 55,6 secondes et résulte de la chaîne de désintégration radioactive naturelle du thorium 232. Le radon 219 a une durée de vie de 3,96 secondes et résulte de la chaîne de désintégration radioactive naturelle de l’uranium 235.

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