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L’énergie d’origine nucléaire au service du dessalement et de la sécurisation des ressources en eau douce

Omar Yusuf

Les usines de dessalement nucléaire, comme celle photographiée ici au complexe électronucléaire de Karachi (Pakistan), s’avèrent une solution viable pour répondre à la demande croissante d’eau potable. (Photo : Commission pakistanaise de l’énergie atomique)

L’eau est au cœur de la crise climatique. L’élévation du niveau des mers, les inondations et les sécheresses de plus en plus fréquentes ainsi que la diminution de la couverture glaciaire et neigeuse, sont autant de facteurs qui devraient entraver l’accès aux sources d’eau potable. En l’absence de solutions permettant d’atténuer ces phénomènes et d’autres effets du changement climatique, la pénurie d’eau menacera de plus en plus la qualité de vie sur la planète. Le manque d’eau douce pour la consommation individuelle et industrielle ne se limite pas aux pays enclavés, mais touche également les petits États insulaires en développement et des pays dotés de vastes territoires côtiers.

« Le dessalement étant une technologie très énergivore, il est impératif d’utiliser des sources d’énergie à grande échelle et sans émission de carbone, telles que l’énergie nucléaire, afin de continuer à assurer l’accès essentiel à une eau propre pour un nombre croissant de personnes dans le monde, tout en luttant contre le changement climatique et en respectant les engagements en faveur d’un objectif "zéro émission nette". »
— Francesco Ganda Responsable technique des applications non électriques à l’AIEA

Les centrales nucléaires pourraient offrir une solution en remplissant une double fonction : produire une électricité bas carbone et transformer l’eau de mer en eau douce. « Les applications non électriques de l’énergie nucléaire, telles que le dessalement, offrent des solutions durables pour diverses activités très gourmandes en eau, et peuvent aider à couvrir les besoins liés à la consommation de millions de ménages, aux applications industrielles, à l’agriculture ou encore à l’élevage, pour les générations actuelles et futures », explique Francesco Ganda, responsable technique des applications non électriques à l’AIEA.

Depuis près de 30 ans, l’AIEA appuie les pays dans leurs efforts pour améliorer l’approvisionnement en eau propre, la qualité de cette eau et l’accès à celle-ci grâce au dessalement nucléaire, un processus qui utilise la chaleur et l’électricité produites par une centrale nucléaire pour éliminer le sel et les minéraux de l’eau de mer par distillation ou séparation membranaire, le plus souvent par osmose inverse. Le dessalement nucléaire a une intensité de carbone moindre et son coût est intéressant par rapport à celui des autres méthodes, telles que les techniques fondées sur les combustibles fossiles. Forts de centaines d’années-réacteurs d’exploitation réussie, l’Inde, le Japon et le Kazakhstan sont les pays qui ont le plus d’expérience en matière de dessalement nucléaire. Cette solution offre un accès viable et abordable à l’eau potable à des milliers de communautés. « Les centrales nucléaires pourraient aider à répondre à la demande croissante d’eau potable et donner de l’espoir aux régions souffrant de graves pénuries d’eau dans de nombreuses zones arides et semi-arides », ajoute M. Ganda.

En 1996, l’AIEA a créé son premier groupe consultatif sur le dessalement nucléaire, qui a contribué à stimuler la discussion sur les activités dans ce domaine et a fourni aux pays un forum pour échanger leurs données d’expérience d’utilisation des centrales nucléaires pour le dessalement de l’eau. Depuis lors, l’intérêt pour le dessalement nucléaire n’a cessé de croître et ce, à l’échelle mondiale.

« De plus en plus de pays envisagent sérieusement de recourir au dessalement nucléaire pour parvenir à satisfaire leurs besoins en eau sans pour autant émettre de carbone », déclare M. Ganda. « Le dessalement étant une technologie très énergivore, il est impératif d’utiliser des sources d’énergie à grande échelle et sans émission de carbone, telles que l’énergie nucléaire, afin de continuer à assurer l’accès essentiel à une eau propre pour un nombre croissant de personnes dans le monde, tout en luttant contre le changement climatique et en respectant les engagements en faveur d’un objectif ‘zéro émission nette’. L’AIEA joue un rôle de premier plan dans les efforts déployés pour aider les pays à atteindre ces objectifs. »

Pour encourager et accélérer les initiatives dans ce domaine scientifique, l’AIEA a développé et lancé deux logiciels : le logiciel d’évaluation économique du dessalement et le Programme d’optimisation thermodynamique du dessalement. Tous deux sont conçus pour permettre aux experts de mener des analyses économiques et thermodynamiques et des analyses visant à optimiser l’utilisation des différentes sources d’énergie lorsqu’elles sont associées à diverses procédures de dessalement.

Exploiter le potentiel du dessalement

En 2022, dans le cadre de son programme de coopération technique, l’AIEA a organisé un cours national à Amman (Jordanie), en vue de renforcer la capacité à utiliser les petits réacteurs modulaires (PRM) pour dessaler l’eau. Par l’intermédiaire de la Plateforme de l’AIEA sur les petits réacteurs modulaires et leurs applications, la Commission jordanienne de l’énergie atomique (JAEC) a demandé aux experts en électronucléaire de l’AIEA d’examiner une étude sur le dessalement nucléaire au moyen de PRM.

« En Jordanie, le dessalement est considéré comme la principale solution pour répondre à la demande d’eau douce attendue et réduire le déficit qui existe entre l’offre et la demande », déclare Khalid Khasawneh, commissaire chargé des réacteurs nucléaires de puissance à la JAEC. L’étude a montré que la Jordanie pouvait utiliser l’énergie nucléaire à des fins de dessalement. M. Khasawneh ajoute que cette solution « offre aux consommateurs finaux de l’eau douce des prix intéressants par rapport aux prix des sources d’énergie importée ».

L’AIEA organisera à Moscou en octobre 2023 un cours interrégional consacré à l’examen des aspects conceptuels des projets de cogénération qui visent à utiliser des PRM et des microréacteurs et à recourir à l’électricité ou à la chaleur pour alimenter le processus de dessalement.

En plus du logiciel d’analyse, de la boîte à outils de l’AIEA sur le dessalement nucléaire et des cours dispensés par l’AIEA, les experts peuvent également consulter une série de publications techniques pour se familiariser avec les aspects conceptuels, économiques et de sûreté du dessalement nucléaire de l’eau de mer. Afin d’encourager l’innovation dans ce domaine, l’AIEA a également mené à bien un certain nombre de projets de recherche coordonnée connexes.

L’AIEA continue d’organiser les efforts pour optimiser la contribution des réacteurs nucléaires existants et futurs à l’amélioration de l’accès à l’eau propre grâce aux technologies de dessalement décarbonées fondées sur l’électronucléaire. L’année dernière, l’AIEA a lancé un nouveau projet de recherche pour examiner diverses applications de la cogénération nucléaire – parmi elles le dessalement nucléaire – et pour étudier pourquoi et comment les pays pourraient envisager cette solution dans leurs palettes d’options pour relever le défi climatique.

 

09/2023
Vol. 64-3

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